Dans les couloirs du métro parisien en ce moment, trois affiches pour le service d'aide téléphonique Jeunes Violences Écoutes, qui avaient déjà été placardées il y a quelques mois :
Des mots calligraphiés (violence, agression sexuelle, bizutage, harcèlement, solitude, racket, humiliation, etc.) forment des ombres monstrueuses s'apprêtant à dévorer des adolescents.
Il s'agit là de calligrammes, c'est-à-dire de textes formant une image. Si le mot a été inventé par Apollinaire, l'idée est plus ancienne. Elle remonte au moins à Simias de Rhodes, poète qui vécut vers vers 325 av. J.-C. sous le règne de Ptolémée 1er.
Poésie en forme de hache par Simias de Rhodes, IVe siècle avéjicé
Plus tard, les artistes musulmans ont produit de nombreux calligrammes afin de détourner l'interdiction de représenter des êtres vivants. Interdiction qui n'est pas issue du Coran, mais de textes juridiques postérieurs de sept siècles à la naissance de Mahomet (voir par là ma chronique sur le sujet). Deux exemples parmi tant d'autres :
Lion copié sur une tenture derviche du XIXe s., Turquie
Le texte dit : "Au nom du lion de Dieu, de la face de Dieu, d'Ali le miséricordieux". L'Ali lu en lion est Abul Hasan Ali, cousin de Mahomet.
Lion, Pakistan, XIXe siècle
Il existe un célèbre calligramme musulman contemporain, c'est le logo de la chaîne de télévision qatari Al Jazeera :
Le mot al jazeera, qui signifie île, est ici représenté tel une goutte d'eau. Il a aussi la forme du Qatar, qui est une presqu'île :
Le générique d'Al Jazeera, avec le logo qui naît de l'eau :
La décomposition de ce logo est expliquée par là, il suffit de passer la souris sur ses différents éléments ou sur les mots écrits juste au-dessous pour comprendre la déformation subie par les lettres.
L'occasion rêvée de lire ma chronique intitulée Plantu, les moghols, et les safavides, ainsi que cet autre Vite dit intitulé Nuit africaine : la danse des lettres.
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