Brève

Caricature : Grecs blessés par Le Monde (blog)

Anne-Sophie Jacques

04 juin 2012 Maj: 04 juin 2012

La caricature est un art compliqué. Dans

Le Monde du 30 mai, le dessinateur Xavier Gorce (qui croque des pingouins) publie une caricature de Grecs en fainéants et buveurs d’Ouzo.

Ce dessin, où Gorce croque comme chaque jour des pingouins, en a peut-être fait rire certains. Mais il en a blessé d’autres, comme Michel Volkovitch, traducteur.

Dans un courrier adressé au dessinateur et diffusé sur Okeanews, site qui suit l’actualité grecque de près (et récemment rencontré ici), l’homme qui "depuis trente ans fréquente les Grecs et les traduit" dit avoir reçu une gifle en voyant la caricature qui fait passer les Grecs pour un "ramassis de branleurs: j’ai cru entendre le gros rire d’Angela Merkel suivie par des millions de nantis du monde entier. Je ne savais pas que Le Monde pouvait courtiser un tel public de beaufs."

Furieux, le traducteur explique d’où vient sa colère: "Les Grecs, voyez-vous, sont très attentifs au regard de l’étranger, surtout dans le creux de la vague où ils se trouvent. Le moindre signe de compréhension, d’encouragement, est précieux pour eux, accablés qu’ils sont du mépris glacé des puissants. Votre petit crobard, de ce point de vue, est d’une cruauté aussi gratuite qu’imbécile."

Las, Xavier Gorce a répondu à son pourfendeur (sa réponse est également diffusée sur le site d’Okeanews). Le dessinateur dit avoir voulu prendre à "rebrousse-poil des idées entendues de la pensée dominante" : "La pensée dominante n’est pas la même selon le public auquel on s’adresse. Et ce dessin, qui pourrait être nauséabond dans un journal «de droite», me semble pouvoir être intéressant destiné à un public prétendument plutôt de gauche : il prend le contre-pied de la vision «de gauche» d’une Grèce et d’un peuple grec victimes des marchés."

L’auteur se défend surtout en rappelant qu’une caricature se doit d’être juste ET drôle. Il estime que son dessin est juste: "D’après ce que je lis (je confesse que je ne suis jamais allé en Grèce), la part de responsabilité de la situation n’incombe pas qu’au système ou aux élites grecques : c’est toute la société qui vit au-delà de ses moyens, qui travaille au noir ou biaise avec l’impôt. Les plus riches certes – et donc les plus responsables – mais aussi l’ensemble des citoyens… ou je suis très mal informé." Certes, Gorce admet que peut-être, "on ne peut peut-être pas aller jusqu’à dire que les Grecs sont fainéants, mais ne pas payer de taxes et d’impôt c’est également récupérer de l’argent indu, donc, à bénéfice égal, travailler moins… entre fainéantise et «arnaque», la différence est sur la nature de l’économie : le fainéant économise du temps de travail et l’arnaqueur triche sur l’argent. Mais le temps et l’argent, n’est-ce pas la même chose?" Drôle d’équation qui s’appliquerait dès lors aussi aux Français, champions de la niche fiscale quand ce n’est pas de l’évasion, voire de la fraude fiscale.

Gorce est en tout cas en plein accord avec la position du directeur du Monde, Erik Izraelewicz, lequel, dans un éditorial récent, sommait les Grecs de "respecter les règles du jeu", sous peine d'être exclus de l'euro. Pour changer de point de vue, on peut aller faire un tour @ux sources d'Angélique Kourounis, correspondante de plusieurs médias français en Grèce.