"Bienvenue dans ma tribu" : TF1 (re) joue avec les clichés sur les Noirs
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"Bienvenue dans ma tribu" : TF1 (re) joue avec les clichés sur les Noirs

Peintures de guerre, tenues traditionnelles devant la caméra, mais portables et jeans soigneusement cachés... Après La Ferme célébrité,

TF1 renoue, dans son émission, "Bienvenue dans ma tribu", avec les stéréotypes pour évoquer les peuples autochtones. "La nouvelle téléréalité folklorise les peuples indigènes", dénonce notamment Rue 89.

Dans ce programme de télé-réalité diffusé depuis le 13 juillet, chaque mardi, à 22h30, trois familles françaises vivent en immersion au cœur de trois tribus parmi "les plus reculées de la planète", en Equateur, Ethiopie, et Papouasie-Nouvelle Guinée. Dès le premier épisode, pas de doute, les clichés sont bien présents. «Ces familles vont vivre au cœur des tribus les plus reculées de la planète. Leur défi? Adopter les mêmes modes de vie primitifs pour se faire accepter».

"Primitifs" ? L'emploi du terme fait bondir Sophie Baillon, porte-parole de l'ONG Survival, qui se bat pour la reconnaissance des peuples indigènes. Elle dénonce, sur le blog de Global Mag, sur Arte.Tv, l'emploi de ce terme, "pas approprié", estime-t-elle. "Pourra-t-on un jour cesser de qualifier les peuples indigènes de "primitifs" ? (...) "A quel titre peut-on prétendre que ces peuples soient restés figés dans l’histoire ?(...) Toutes les sociétés évoluent et s'adaptent continuellement, aucune ne reste figée dans le temps. (...) Le préjugé selon lequel les peuples indigènes sont arriérés mène directement à leur persécution. On affirme par exemple que c'est pour leur bien que leur est imposé le développement."

La véracité des scènes de vie, présentées comme étant le quotidien des tribus, est aussi sujette à controverse. ''N’essaie-t-on pas plutôt d’en donner une image folklorique, image à laquelle s’attendent les téléspectateurs et qui s’apparente beaucoup plus au mythe du "bon sauvage" qu’à ce qu’ils sont en réalité?" se demande Baillon.

Et de citer un extrait, dans lequel les membres d'une tribu attendent une famille de Français, habillé et "grimés" en tenue de guerrier. "Certes, les membres de certaines tribus papoues sont connus pour être de célèbres guerriers. Mais vous attendent-ils vraiment sur le ‘pied de guerre’ tels qu’ils étaient présentés à l’arrivée d’une de ces familles? Est-ce là l’unique détail qu’il faut retenir de la manière dont se présente ce peuple ?" se demande Baillon.

Les Français attendus sur le pied de guerre, dans "Bienvenue dans ma tribu"picto

L'émission suscite l'indignation, également, chez certains ethnologues. Dans un article de Télé Obs, l'ethnologue Anne-Gaël Bilhaut affirme que certaines séquences tournées chez les Zapara sont truquées: «On les déguise! Comme dans les expositions coloniales! Pour préparer ces habits, il faut des semaines et des semaines. On leur a apporté ces tenues et eux, gentiment, les ont mises […]." Ainsi, les membres de la tribu vêtus de shorts et de tee-shirts, étaient priés de se faire discrets, selon l'ethnologue. “On leur a dit de ‘se cacher’ car ils ne tenaient pas à revêtir les habits de llanchama." Autre mise en scène dénoncée par l'ethnologue, "durant le tournage, les professeurs des écoles n’ont pas pu faire classe”.

Télé Obs cite également le photographe Eric Lafforgue, qui s'est déplacé dans un des villages après un tournage. Selon lui, le jeune homme qui a assuré les traductions, originaire du même village, restait habillé en jean, mais on ne le voit jamais à l'écran. Quant à l’isolement de ces groupes, il serait également tout relatif. “L’émission a, elle, été tournée à côté de Kibish, un village pas sur les cartes mais qui est un point de passage pour les quelques touristes qui passent chaque semaine. Il y a une dizaine de boutiques, un camp pour les visiteurs et des danses organisées le long de la route… Et depuis quatre-cinq semaines, ils ont le téléphone portable”, raconte encore le photographe, cité dans Télé Obs.

Contactée par Survival avant la diffusion de Bienvenue dans ma tribu, la productrice Alexia Laroche-Joubert a précisé, selon Rue 89 : «Les conditions de production de l'émission Bienvenue dans ma tribu ont parfaitement respecté l'intégrité et la dignité des communautés au sein desquelles les émissions ont déjà été tournées et ce dans une parfaite osmose et harmonie avec les tribus».

Avec Lucie Desvaux

Les recettes de l'exotique-télé sont immuables. Vous pouvez revoir notre émission, "A la télé, on ne voit pas les portables des Himbas", ou comment on fabrique une Afrique-cliché, et notre dossier spécial "Nègres, noirs ou blacks, aux sources profondes (et troubles) de l'image des Noirs, vus par les Blancs".

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