Affrontement Valls/Taubira sur la réforme pénale (Le Monde)
Brève

Affrontement Valls/Taubira sur la réforme pénale (Le Monde)

En douce ! Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a envoyé une lettre, jeudi 25 juillet, au président de la République, pour critiquer la réforme de la procédure pénale portée par la ministre de la Justice Christiane Taubira, sans en avertir cette dernière. La lettre est

parue aujourd'hui dans Le Monde.

Le ministre de l'Intérieur qui écrit au président de la République pour contester la réforme de la procédure pénale portée par la garde des sceaux, c'est maintenant, au coeur de l'été et c'est Le Monde qui publie la missive. Qu'écrit Manuel Valls ?

"J'attire votre attention sur les désaccords mis en lumière par le travail interministériel qui s'est engagé récemment autour du projet de réforme pénale présenté par le ministère de la justice (...) l'écart entre nos analyses demeure trop important et appelle une clarification de nos orientations politiques". Et le ministre de détailler ensuite les différents points de désaccord avec la réforme portée par Christiane Taubira.

Premier point de désaccord, la politique à l'égard des prisons. "Ce projet de loi part d'un premier postulat que je ne peux intégralement partager: la surpopulation carcérale s'expliquerait exclusivement par le recours "par défaut" à l'emprisonnement, et par l'effet des peines planchers", écrit le ministre de l'Intérieur. Précisant : "nous disposons de 57 235 places de prison (pour plus de 68 500 détenus)". "Nous ne pouvons totalement ignorer la question du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire et de son corollaire" dit-il. Une manière d'affirmer à demi-mots sa volonté de construire davantage de prisons.

Autre point de désaccord, l'analyse de la lutte contre la récidive. Valls se prononce pour "une exigence accrue de prévisibilité et de fermeté de la loi pénale." Il dénonce le fait qu'un grand nombre de prévenus soient des récidivistes. "Il faut, en effet, souligner que les prévenus qui comparaissent devant la juridiction pénale ont déjà fait l'objet de plusieurs mises en garde préalables à leur comparution, voire de plusieurs gardes à vue. Ils sont multi-réitérants et inscrits dans des parcours délinquants, certes de plus ou moins grande gravité, mais en tout cas durablement", dénonce-t-il. Il cite une enquête réalisée par l'ONDRP [Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales] créé en 2003, sous tutelle du Premier ministre.

Taubira, de son côté, a répondu dans une lettre publiée aussi dans Le Monde. Elle réfute la pertinence de l'étude de l'ONDRP citée. "Son exploitation est biaisée", dit-elle. "Cette étude n'a aucune portée générale puisqu'elle repose sur un échantillon de personnes sélectionnées justement parce qu'elles sont mises en cause dans plusieurs affaires, et en tirer quelque conclusion que ce soit sur le profil des personnes qui comparaissent en France devant les tribunaux correctionnels ne peut avoir aucune valeur statistique (...)"

Bataille de chiffres

Elle répond également sur un chiffre avancés par Valls (mais que l'on ne retrouve pas dans les extraits publiés dans Le Monde)."Le ministre de l'intérieur a notamment fait valoir que la délinquance demeurait préoccupante et que seuls 25% des personnes poursuivables comparaissaient devant les tribunaux correctionnels, et qu'ils étaient très majoritairement des multiréitérants", écrit Taubira. Selon la ministre, ce chiffre est "erroné", et sa présentation "tendancieuse". Erroné, car selon elle, le chiffre est de 51%. Et même en excluant le contentieux routier, qui est un des délits qui donne lieu à de nombreuses poursuites, le chiffre est de 41% assure-t-elle. Tendancieux, car les affaires poursuivables "donnent lieu à une réponse pénale qui peut être soit un renvoi devant une juridiction, soit une alternative aux poursuites comme un rappel à la loi ou un stage de citoyenneté, sans inscription au casier judiciaire", et donc pas seulement un passage devant un tribunal correctionnel.

C'est ce qu'explique également à @si, Laurent Mucchielli, sociologue critique du tout-répressif. "L'argument de Valls est fallacieux : toutes les affaires élucidées ne passent pas devant le tribunal, parce que depuis les années 80, la justice a inventé d'autres modes de traitement des affaires judiciaires, des alternatives qui permettent le désengorgement des tribunaux comme le rappel à la loi, les médiations". Nous avons joint le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice pour élucider cette bataille de chiffres, ils ne nous avaient pas rappelé en fin d'après-midi.

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