Ile de la tentation : draguer, c'est bosser
Draguer sous les cocotiers devant les caméras est
définitivement un travail, et nécessite donc un contrat de travail. C'est ce
que vient de décider la Cour de Cassation, fermant un débat entre les sociétés de production de téléréalité et d'anciens
candidats.
Rapide retour en arrière : le 30 novembre 2005, les
prud'hommes avaient donné raison à trois participants de "l'Île de la
tentation" de TF1, jugeant qu'ils avaient bien accompli "un
travail", fût-ce dans un décor de rêve. Les règlements de participants
avaient alors été requalifiés en contrats de travail à durée déterminée. La cour d'appel de Paris avait ensuite validé ce jugement en février 2008, et
avait même condamné la société de production Glem pour travail dissimulé. Les
trois candidats avaient empoché 27 000 euros chacun.
Glem s'était alors pourvu en cassation. Et s'est vu donner
tort aujourd'hui sur le point principal : "L'existence d'une relation
de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la
dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait
dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs", rappelle la
Cour. Or, la prestation des participants -qui consiste "à prendre part
à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues", à
être disponible en permanence, sans communiquer avec l'extérieur- la "distingue
du seul enregistrement de la vie quotidienne"
"Les sociétés de production ne pourront plus
disposer des individus comme ils l'ont fait depuis des années, 24 heures sur
24, en leur faisant faire n'importe quoi", s'est réjoui Jérémie
Assous, l'avocat qui porte le combat judiciaire depuis plus de trois ans.
Cela dit, la chambre sociale de la Cour a annulé la condamnation pour
travail dissimulé, estimant que la société n'avait pas contourné la loi "intentionnellement". Le jugement va dans le sens de la décision du conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt, qui a attribué en avril une somme modeste à vingt-quatre anciens participants...
TF1 a d'ores et déjà annoncé qu'elle allait demander le remboursement des 16 000 euros qu'elle avait versé à chaque candidat au titre de sa condamnation pour travail dissimulé. Edouard Boccon-Gibod, ancien directeur de la commuication de TF1 et patron de TF1 production a prophétisé que cette décision judiciaire serait un "bouleversement" pour "l'ensemble des producteurs audiovisuels qui font appel à des candidats, soumis à des contraintes". Des émissions comme Fort Boyard, Koh Lanta ou La carte au trésor seraient selon lui bientôt "obligées de s'adapter".
Et pour retrouver l'argumentation de la Cour d'appel en 2008, lisez notre premier article détaillé sur le sujet.
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