Réforme bancaire : les députés invités à l'alourdir
Brève

Réforme bancaire : les députés invités à l'alourdir

À minima, prometteuse ou mortifère, cette grande réforme bancaire adoptée en Conseil des ministres ce mercredi 19 décembre ? Tout dépend de qui vous répond, le ministre ou les associations. La presse est cependant quasi unanime et estime, pour reprendre un titre de Libération, que "le gouvernement ne fait pas sauter les banques".

On ne va pas feindre la surprise : la grande réforme bancaire portée par le ministre des Finances, Pierre Moscovici, n’est pas révolutionnaire. Présentée ce matin en Conseil des ministres, qui l’a validée, la réforme devrait faire l’objet d’une loi votée dans les premiers mois de l’année 2013. Au programme, l’obligation pour les banques de créer d’ici juillet 2015 des filiales regroupant les activités de spéculation pour leur propre compte. Ces filiales ne pourront être alimentées par les banques de dépôt mais devront se financer toutes seules comme des grandes. En revanche, resteront au sein des établissements des activités spéculatives considérées comme "utiles" à l’économie réelle.

Du côté des satisfaits, mis à part le ministre venu vendre sa réforme sur RTL ce matin, on compte le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer hier au micro de BFM Business,mais aussi les banquiers dont Frédéric Oudéa de la Société générale qui, selon Libération, "se félicite que le gouvernement ait une bonne compréhension des problématiques de sa profession". Libé cite également BNP Paribas qui "fait savoir que la réforme ainsi rédigée ne concernerait que 2% de son chiffre d’affaires".

Cette joie n’a pas manqué d’inquiéter Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch, interrogé en octobre par l’éconaute. Mardi 11 décembre, il a adressé une lettre ouverte à Moscovici pour lui faire part de son inquiétude : "Finance Watch craint que la réforme bancaire que vous allez proposer ne constitue, contrairement à vos déclarations récentes, qu’un ajustement à la marge. Les multiples déclarations de hauts dirigeants de banques françaises ayant affirmé récemment que cette réforme n’aurait qu’un impact très marginal sur leur activité ne font que renforcer cette inquiétude." Interrogé hier par Libération, Philipponnat surenchérit : "Le gouvernement ne nous a pas consultés, et personne ne sait vraiment qui l’a été puisque le processus n’a pas été transparent. Cela crée le soupçon que le texte a été écrit seulement avec les banques." Sa crainte est plus large : "Le danger d’une loi de ce type, c’est qu’on préempte le débat européen qui a été engagé par le rapport Liikanen, avec des propositions bien plus contraignantes pour les banques. Je vois mal le gouvernement aller plaider à Bruxelles dans un sens contraire à ce qui vient d'être adopté en France."

Une inquiétude partagée par Olivier Berruyer qui avait, sur notre plateau, expliqué en quoi une séparation effective des banques était la seule solution pour protéger les dépôts des clients (à voir à l’acte 5). Il réitère ses craintes sur le site de Libération (décidément très investi sur le sujet). Dans son sillon, le collectif scinder-les-banques, composé de banquiers et de non banquiers, s’empare du débat en diffusant notamment "une liste de 130 personnalités internationales, de tous horizons professionnels et politiques, qui recommandent la scission des banques pour sécuriser notre système bancaire".

Ces voix inquiètes crient-elles dans le vide ? Pas forcément, estime l’économiste et députée PS Karine Berger, nommée rapporteur du texte du projet de loi. Dimanche, sur son blog, elle a pris les devants : "N’en déplaise aux esprits chagrins ou aux grognons qui n’ont pas lu le texte, la loi de séparation bancaire va bel et bien permettre de faire ce que jamais personne n’avait fait jusqu’à présent : séparer structurellement les activités plus ou moins rocambolesques des banquiers." Mais Berger avoue aussi que le projet est à l’heure actuelle peu ambitieux et elle donne des idées à ses camarades députés : "Certes la liste des activités cantonnées à ce stade par le texte est limitée. Mais je veux dire à ceux qui s’inquiéteraient de la portée de la loi : il suffit de changer un tiret dans la loi pour faire passer une activité de la maison mère vers la filiale… et vice versa. Si certains parlementaires souhaitent par exemple se plonger sur la délimitation des activités dites de « tenue de marché », ce sera très simple : un amendement d’une ligne…"

Avis aux députés.

L'occasion de relire cette chronique de l'éconaute intitulée Couper les banques en deux, d'accord mais comment ? ou de découvrir le chapitre consacré à la régulation de la finance dans La crise et moi.

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