L'armée israélienne contre une photo AFP
"Un ouvrier palestinien de la construction blessé crie de douleur après qu’un soldat israélien a fait rouler une remorque accrochée à un tracteur sur ses jambes alors qu’il tentait de le bloquer au moment où les forces israéliennes arrêtaient le 25 janvier 2012 les ouvriers qui construisaient une maison à al-Dirat, un village au sud de Yatta, dans le sud de la région d’Hébron, en Cisjordanie. Les forces israéliennes ont saisi l’équipement et la remorque des ouvriers car le site est situé en Zone C occupée où Israël empêche les Palestiniens de construire sur leurs terres." Voici la (longue) légende, qui accompagnait la photo d'Hazem Bader, diffusée par l'AFP. L'image est spectaculaire, prise au ras du sol, et va rapidement faire le tour du monde, aussi bien sur le web que dans la presse papier. La photo de l'AFP, photo du jour sur le site du quotidien américain Wall Street Journal, le 25 janvier |
On retrouve souvent cette photo, comme dans la sélection hebdomadaire de photos d'actualité du site de la chaîne américaine MSNBC (ci-dessous) pour la semaine du 19 au 26 janvier, et dans la sélection quotidienne du site du Guardian britannique du 26 janvier. |
On la retrouve aussi dans le Washington Post du 27 janvier (ci-dessous, à gauche), ou en Inde dans le Sunday Guardian du 29 janvier.
L'agence de presse palestinienne WAFA a aussi diffusé des photos de cet incident, qui s'est déroulé dans le village d'Al-Dirat
Pas de mise en scène, pour l'AFP
De nombreux blogs et sites israéliens ont dénoncé une manipulation et l'ambassade d'Israel à New York a même écrit pour se plaindre aux journaux américains qui ont publié la photo. Puis, début février l'AFP a publié une mise au point.
"L'AFP répond aux accusations mensongères concernant une photo prise dans le village d'Al Dirat le 25 janvier", annonce un communiqué de l'agence, le 3 février 2011. "Dans une lettre aux journaux américains, l'ambassade d'Israël à Washington a écrit que le véhicule était en fait à l'arrêt et que des médecins des Forces de défense israéliennes et du Croissant-Rouge ont déterminé que le travailleur de la construction n'avait pas été blessé. Dans sa lettre, l'ambassade a demandé aux journaux de publier «une correction indiquant que la prétendue blessure n'a pas été confirmée de manière indépendante, et qu'elle a été contredite par les examens médicaux à la fois par l'armée israélienne et du Croissant-Rouge,et a peut-être été mis en scène». Après avoir jeté le doute sur la crédibilité de l'AFP et l'éthique du journaliste, il a ensuite été demandé aux journaux d'envisager de cesser d'utiliser les photographies de Hazem Bader." L'AFP explique que ses journalistes du bureau de Jérusalem ont interrogé les autres représentants des médias qui ont assisté à la scène. Ils ont aussi regardé les vidéos montrant l'évacuation de l'ouvrier. Ces éléments, à leurs yeux, confirment la description des événements faite par Hazem Bader. |
L'AFP dit aussi avoir interrogé Mahmud Abu Qbeita, l'ouvrier concerné, le 1er février, ainsi que les médecins qui l'ont reçu à l'hopital Yatta, avant de conclure : "Au vu de ces enquêtes, et en se basant sur la confiance que nous avons dans notre photojournaliste, la direction de l'AFP ne croit pas que cet événement ait pu être mis en scène." L'agence précise qu'elle "ne fera plus d'autres commentaires".
"Manoeuvre de provocation", maintient l'armée israélienne
En réponse à l'AFP, l'armée israélienne revient longuement sur l'affaire le 5 février. "Un Palestinien couché sous un tracteur, se tord de douleur et hurle qu’un soldat israélien vient de lui rouler dessus. En réalité, ce tracteur n’a jamais bougé et aucun Israélien n’en a pris les commandes. Un photographe de l’AFP, Hazem Bader, photographie la scène, et décrit dans la légende de la photo les souffrances de l’homme", explique le site de l'armée. Le site donne la position de l'officier en charge de l'intervention contre les Palestiniens, qui étaient accusés de construire une maison de manière illégale : "«Le tracteur ne bougeait pas, et le moteur était éteint», précise le lieutenant Liron Hamo, «il ne faisait aucun doute, pour tous ceux qui assistaient à la scène qu’il s’agissait d’une manœuvre de provocation.»" "En plus des soldats israéliens, une trentaine de journalistes et cameramen internationaux ainsi qu’une trentaine de Palestiniens s’étaient rassemblés à l’arrivée des soldats israéliens sur la zone." |
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