Après deux mois d'attente et une élection qui a vu le Nouveau front populaire arriver en tête du scrutin législatif anticipé avec une majorité relative, le gouvernement Barnier a enfin été nommé il y a six jours. 39 ministres au total, dont un seul dit de sensibilité de gauche, l'ancien socialiste Didier Migaud, nommé à la Justice. Surtout, une place importante pour les macronistes et pas moins de dix ministres issus des Républicains qui n'ont pourtant obtenu que 5 % des suffrages. Parmi eux, Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur, lepéno-compatible propulsé star des médias, les caméras le suivant jusque dans sa voiture de fonction.
Pour définir ce nouveau gouvernement Barnier, les formules vont bon train : "gouvernement de coalition", "gouvernement de majorité nationale" sans que l'on sache précisément de quoi on parle. Au-delà des formules médiatiques, de quoi ce gouvernement est-il le nom ? Comment le qualifier ? De quelle légitimité dispose-t-il ? Quels en sont les réels rapports de force ? Et pour tenter de faire quelle politique ? Pour y répondre à ces questions, trois invités : la journaliste politique Léa Chamboncel ; François Malaussena, conseiller politique parlementaire de gauche à l'Assemblée nationale et le politologue Luc Rouban.
"36 % des ministres du gouvernement ont une formation en école de commerce"
Le gouvernement Barnier est composé de macronistes, de Républicains, de membres du MoDem et d'Horizons. "Sur le terrain sociologique , on peut se demander si le macronisme a disparu. 36 % de ministres ont une formation dans les écoles de commerce. C'est beaucoup plus que le gouvernement Fillon ou les derniers gouvernements Philippe et Attal. Cela cadre parfaitement avec le profil sociologique des députés Renaissance et surtout avec la culture managériale du macronisme".
"Il n'y a pas de gouvernement d'une majorité nationale mais d'une minorité nationale"
Comment qualifier ce gouvernement ? Dans les médias, fleurit l'expression de "gouvernement de coalition" que nos invités manient avec prudence. On est bien loin du modèle allemand régulièrement convoqué dans le débat public. Bruno Retailleau parle lui de "gouvernement de majorité nationale". Une expression que rejette Léa Chamboncel : "Bruno Retailleau nous dit que la majorité des Français souhaitent que le gouvernement lutte de manière forte contre l'immigration. Ce n'est pas si vrai car quand on regarde les préoccupations des Français, il y a d'autres problématiques qui les préoccupent : l'économie, l'emploi, l'environnement. Sur quelle base, avance-t-il cela ? Nous ne savons pas car rien n'est sourcé, rien n'est argumenté, rien n'est chiffré. Il s'inscrit dans une réalité qui n'existe pas. La majorité des Français ont voté contre l'extrême droite. Ce n'est pas une majorité nationale, c'est une minorité nationale".
"IL N'Y A PAS DE couac DE LA PART D'ANTOINE ARMAND MAIS BIEN l'expression d'une position politique"
Le ministre fraichement nommé à l'Économie, Antoine Armand, n'a pas hésité à affirmer sur l'antenne de France Inter que le Rassemblement national n'appartenait pas à l'arc républicain, déclenchant les foudres de Marine Le Pen et un recadrage par Michel Barnier. Un couac de la part du ministre, répètent inlassablement les médias depuis. "Ce n'est pas un couac, c'est une prise de position politique, c'est clair, analyse Luc Rouban. L'expression est horripilante. C'est comme toutes ces expressions médiatisées qui finissent par euphémiser les relations sociales et les problèmes politiques. On fait passer cela pour une anecdote mais il s'agit bien de l'expression d'une prise de position de M. Armand, légitime, sauf que cela a été considéré comme une faute".
Pour ALLER PLUS LOIN
- Émission À l'air libre de Mediapart, "Barnier et ses ministres, "un gouvernement zombie", 24 septembre 2024.
- France Culture, "Gouvernement Barnier, Quel équilibre entre les pouvoirs ?", mercredi 25 septembre 2024.
- Le Monde, "La survie du gouvernement sera désormais entre les mains du Rassemblement national", 6 septembre 2024.
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