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Tout ce que nous ne savons pas sur l'histoire de la grève

Une révision générale sur l'histoire de la grève en France

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je me permets de mettre un extrait plus long


mais vraiment


tout le texte est à lire


Indépendamment des revendications, cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. Une joie sans mélange.

Oui, une joie. J'ai été voir les copains dans une usine où(...)

Merci pour cette chronique;

(...)

Aujourd'hui, je suis en grève, et tous les collègues de mon service également, et je savoure à sa juste valeur cette révision générale qui parle de notre vie. 

Merci Mathilde.

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Ce qui était rigolo, ces derniers jours, c'est qu'en énumérant les nuisances qu'allait provoquer cette grève, ils nous donnaient en même temps une idée de son ampleur. Même leur propagande, indirectement, nous dit le vrai. 

Mais voyons la Une de Le Monde :

d'un côté Le Monde en est presque à déplorer que les syndicats seraient dépassés par leur base radicalisée sous l'effet pernicieux de ces Gilets Jaunes

de l'autre Le Monde nous parle du Général chargé de mener la réforme des retraites (on le nomme "conseiller de Macron"). Il s'agit d'une bataille, en tous les cas celle de ce Philippe Grangeon alias Macron


De quoi auront l'air les Unes de demain (visite de la Ligne Maginot, empilement des sacs de sable..) et déjà les sanglots longs de Seux et l'écharpe rouge de Barbier convulsé

Merci de la rediffusion de cette vidéo

J'ai le petit livre Grèves et Joie Pure sous les yeux et m'apprête à le relire

mais je ne sais pas s'il y aura de la joie dans cette grève tellement l'amertume est ancrée chez ceux que je côtoie
En tous les cas, il y aura de la joie dans les manifestations

Et comme les policiers se joignent, paraît-il, à la grève, on peut espérer que Macron n'enverra pas la cavalerie


Depuis bien une semaine, on entend sur les médias toutes les recettes pour survivre à cette prochaine paralysie du pays, les larmes nous tombent

Tout y est jusqu'à ce matin ceux qui déplorent l'augmentation des billets des bus Macron

Pour ce faire on est allé interviewé un responsable de Flixbus, ceux qui ont piraté la première place des recherches Google devant Ouibus en plaçant leur slogan "Oui aux bus Flixbus" : les billets sont chers mais il fallait s'y prendre à l'avance car désormais les billets bus sont comme les billets d'avion, tarifs en hausse exponentielle en se rapprochant du départ

On a aussi interviewé les systèmes Blablacar et autres. 

Sans parler des citernes de carburant vides dans les stations-services.

Tout est panique en vue de la date du 5. Ne reste plus que la débrouille comme aux temps de la traversée de Paris avec Gabin et Bourvil

Comment ne pas saluer ce travail de Mathilde Larrère sur la grève? Le mot courage en français signifie bravoure dans l'adversité: mais ne qualifiant pas seulement, ni le plus justement, quelque(s) acte(s) particulier(s) (individuels ou collectifs); sa portée va bien au-delà. Et pour cause. Car la condition de la bravoure réside dans ce qui constitue du travail la vertu: à savoir, la nécessité de s'y préparer. Ce qui signifie y consacrer sa vie: en particulier en dehors des heures de travail salariées. L'un de mes oncles ainsi m'apprit qu'on reconnaît le bon ouvrier, soit le véritable ouvrier, à la vue de sa boîte à outils. S'éclaire ainsi le paradoxe qui fit la grandeur de l'anarcho-syndicalisme: les plus combattifs engagés dans les grèves sont les plus vaillants au travail: la grève générale étant pour eux le moment précédant la prise de pouvoir ouvrière sur la production. Ce qui signifie que la grève est, non pas un, mais l'unique moyen pour les travailleurs de faire valoir non seulement leurs droits mais la dignité de l'ensemble de l'humanité: laquelle ne saurait dignement être définie que par le travail qu'elle accomplit.


Bien évidemment cette conception anarcho-syndicaliste de la grève n'a pas manqué d'être combattue par des bureaucraties de militants soutenant une conception prétendument plus "réaliste" et modeste" et taxant leurs ancêtres opposants de tenants d'une imaginaire "aristocratie ouvrière". D'où le funeste collectiviste destin de la pensée dont il faudrait se relever. Sans céder aux sirènes opposées des anarcho-bobos qui, cela ne date pas d'aujourd'hui mais fleurit particulièrement depuis "Mai", s'efforcent de faire oublier qu'il n'est qu'en le travail de dignité.  

Merci de cette découverte pour moi : le texte de Simone Weil

C'est en effet une vision de la grève joyeuse, ce moment où la personne humaine du travailleur recouvre droit de citer, ce moment d'appropriation aussi comme carnaval


Nous devons aussi aider les grévistes financièrement car c'est ainsi que McRon et les siens vont tenter une nouvelle fois d'anéantir le mouvement et imposer leurs lois.

je me permets de mettre un extrait plus long


mais vraiment


tout le texte est à lire


Indépendamment des revendications, cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. Une joie sans mélange.

Oui, une joie. J'ai été voir les copains dans une usine où j'ai travaillé il y a quelques mois. J'ai passé quelques heures avec eux. Joie de pénétrer dans l'usine avec l'autorisation souriante d'un ouvrier qui garde la porte. Joie de trouver tant de sourires, tant de paroles d'accueil fraternel. Comme on se sent entre camarades dans ces ateliers où, quand j'y travaillais, chacun se sentait tellement seul sur sa machine ! Joie de parcourir librement ces ateliers où on était rivé sur sa machine, de former des groupes, de causer, de casser la croûte. Joie d'entendre, au lieu du fracas impitoyable des machines, symbole si frappant de la dure nécessité sous laquelle on pliait, de la musique, des chants et des rires. On se promène parmi ces machines auxquelles on a donné pendant tant et tant d'heures le meilleur de sa substance vitale, et elles se taisent, elles ne coupent plus de doigts, elles ne font plus de mal. Joie de passer devant les chefs la tête haute. On cesse enfin d'avoir besoin de lutter à tout instant, pour conserver sa dignité à ses propres yeux, contre une tendance presque invincible à se soumettre corps et âme. Joie de voir les chefs se faire familiers par force, serrer des mains, renoncer complètement à donner des ordres. Joie de les voir attendre docilement leur tour pour avoir le bon de sortie que le comité de grève consent à leur accorder. Joie de dire ce qu'on a sur le cœur à tout le monde, chefs et camarades, sur ces lieux où deux ouvriers pouvaient travailler des mois côte à côte sans qu'aucun des deux sache ce que pensait le voisin. Joie de vivre, parmi ces machines muettes, au rythme de la vie humaine – le rythme qui correspond à la respiration, aux battements du cœur, aux mouvements naturels de l'organisme humain – et non à la cadence imposée par le chronométreur, Bien sûr, cette vie si dure recommencera dans quelques jours. Mais on n'y pense pas, on est comme les soldats en permission pendant la guerre. Et puis, quoi qu'il puisse arriver par la suite, on aura toujours eu ça. Enfin, pour la première fois, et pour toujours, il flottera autour de ces lourdes machines d'autres souvenirs que le silence, la contrainte, la soumission. Des souvenirs qui mettront un peu de fierté au cœur, qui laisseront un peu de chaleur humaine sur tout ce métal.

On se détend complètement. On n'a pas cette énergie farouchement tendue, cette résolution mêlée d'angoisse si souvent observée dans les grèves. On est résolu, bien sûr, mais sans angoisse. On est heureux. On chante, mais pas l'Internationale, pas la Jeune Garde ; on chante des chansons, tout simplement, et c'est très bien. Quelques-uns font des plaisanteries, dont on rit pour le plaisir de s'entendre rire. On n'est pas méchant. Bien sûr, on est heureux de faire sentir aux chefs qu'ils ne sont pas les plus forts. C'est bien leur tour. Ça leur fait du bien. Mais on n'est pas cruel. On est bien trop content. On est sûr que les patrons céderont. On croit qu'il y aura un nouveau coup dur au bout de quelques mois, mais on est prêt. On se dit que si certains patrons ferment leurs usines, l'État les reprendra. On ne se demande pas un instant s'il pourra les faire fonctionner aux conditions désirées. Pour tout Français, l'État est une source de richesse inépuisable. L'idée de négocier avec les patrons, d'obtenir des compromis, ne vient à personne. On veut avoir ce qu'on demande. On veut l'avoir parce que les choses qu'on demande, on les désire, mais surtout parce qu'après avoir si longtemps plié, pour une fois qu'on relève la tête, on ne veut pas céder. On ne veut pas se laisser rouler, être pris pour des imbéciles. Après avoir passivement exécuté tant et tant d'ordres, c'est trop bon de pouvoir enfin pour une fois en donner à ceux mêmes de qui on les recevait. Mais le meilleur de tout, c'est de se sentir tellement des frères...

Et les revendications, que faut-il en penser ? Il faut noter d'abord un fait bien compréhensible, mais très grave. Les ouvriers font la grève, mais laissent aux militants le soin d'étudier le détail des revendications. Le pli de la passivité contracté quotidiennement pendant des années et des années ne se perd pas en quelques jours, même quelques jours si beaux. Et puis ce n'est pas au moment où pour quelques jours on s'est évadé de l'esclavage qu'on peut trouver en soi le courage d'étudier les conditions de la contrainte sous laquelle on a plié jour après jour, sous laquelle on pliera encore. On ne peut pas penser à ça tout le temps. Il y a des limites aux forces humaines. On se contente de jouir, pleinement, sans arrière-pensée, du sentiment qu'enfin on compte pour quelque chose ; qu'on va moins souffrir ; qu'on aura des congés payés – cela, on en parle avec des yeux brillants, c'est une revendication qu'on n'arrachera plus du cœur de la classe ouvrière –, qu'on aura de meilleurs salaires et quelque chose à dire dans l'usine, et que tout cela, on ne l'aura pas simplement obtenu, mais imposé. On se laisse, pour une fois, bercer par ces douces pensées, on n'y regarde pas de plus près.

Un grand merci Mathilde Larrère 

Livre commandé sur le site Libertalia (http://www.editions-libertalia.com/ )

"Il faut noter d'abord un fait bien compréhensible, mais très grave. Les ouvriers font la grève, mais laissent aux militants le soin d'étudier le détail des revendications. Le pli de la passivité contracté quotidiennement pendant des années et des années ne se perd pas en quelques jours, même quelques jours si beaux." 


Carrément en avance sur ce point, non? Même sur les grèves de 68 ou seuls quelques irréductibles ont protesté contre la reprise, estimant qu'on aurait pu attendre plus d'une telle mobilisation.

Merci pour cette chronique;

Superbe démonstration Mathilde !

Merci !

A propos, Berliet ne se prononce pas "Berliette" (ou alors, on peut parler d'arêtes sur Histoires)...

Berliet, c'était le plus gros fabricant de poids lourds du pays avant d'être phagocyté par Renault.


Sur la "prise en otage" par les grévistes, Roland Barthe a écrit un texte que je n'arrive pas à retrouver ?

Aujourd'hui, je suis en grève, et tous les collègues de mon service également, et je savoure à sa juste valeur cette révision générale qui parle de notre vie. 

Merci Mathilde.

Qui a éteint la lumière ?

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