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Nos ancêtres les Gaulois, qu'y disaient...

« Dès que l’on devient français, nos ancêtres sont gaulois » déclara Nicolas Sarkozy le 19 septembre dernier. La petite phrase déclencha une levée de boucliers pas forcément arvernes dont toute la presse se fit l'écho, y compris @si. Libération revint sur le sujet le 6 octobre dernier dans un dossier intitulé Refaire l'histoire, idée fixe de la droite (ouah ! ouah !).

Derniers commentaires

Ma part de Gaulois de Magyd Cherfi
Cette histoire de gaulois s'apparente à celle des "quartiers de noblesse" de l'ancien régime. Je pense avoir des ancêtres gaulois (plutôt cisalpins) mais j'ai sans doute des latins,des étrusques,des carthaginois,des germains (plutôt lombards)...Je n'ai pas fait mon arbre généalogique jusqu'à l'époque de César mais je risque de trouver un numide ou un hun...
En 1921 Jules Romains a écrit Les Copains: une bande de joyeux anars se moquent de l'Eglise, de l'armée, et aussi du mythe national Vercingétorix. Un de leurs canulars prend au piège les autorités et la population d'Issoire en Auvergne. L'inauguration de la statue équestre de Vercingétorix est un grand moment (éd. Folio, p.138), qui a été magnifiquement repris au cinéma par Yves Robert en 1965. Il faut lire (ou voir et écouter) le député qui s'adresse pompeusement à Vercingétorix (nu sur son cheval), avec des trémolos (dans le film c'est le père Deschamps). Je devrais tout citer ici, c'est trop drôle, mais allez-y, lisez-le ou revoyez-le.
Hmm, la conclusion me semble elle aussi mythique. A l'époque de la troisième république, ce genre de vision sur nos ancêtres commun était dérivée des discours de gauche. Et pour cause, le roman national venu remplaçait celui que la droite avait elle hérité du monarchisme, pour lesquels la France, c'était les dynasties royales (et les notions de lignée réelle, une grosse affaire). Le devoir de civiliser les peuples moins avancés, les écoles pour ce faire où parler de "nos ancêtres les gaulois", c'est typiquement le projet de gens de gauche comme Jules Ferry. Il ne reste par rien de cette version de "devoir moral envers les autres civilisations moins fabuleuses que la notre" : à chaque fois que s'exprime l'évidence selon laquelle il faut renverser les dictateurs.

(merci de noter que je ne vote ni ne dévote aucune des approches décrites ci dessus. Simplement rendons à chacun ce qui lui appartient).
[quote=A l'époque de la troisième république, ce genre de vision sur nos ancêtres commun était dérivée des discours de gauche. Et pour cause, le roman national venu remplaçait celui que la droite avait elle hérité du monarchisme, pour lesquels la France, c'était les dynasties royales (et les notions de lignée réelle, une grosse affaire).]

Ce qui montre que la gauche en France ne connait plus son histoire. Son projet n'est plus de construire une nation mais plutôt de la défaire.
Les visions nationales de l'Histoire d'un pays ne sont pas forcément l'apanage des camps de droite. En culture, y a pas vraiment de gauche et de droite, malheureusement, dans le discours des dirigeants (parce que, dans les faits, il devrait y en avoir un...)
Ce qu'on appelait "gauche" par rapport à la droite monarchiste, anti-républicaine, serait aujourd'hui plutôt la droite, Les Républicains mais dans un sens proche des Etats-unis. Et pour le coup, vis-à-vis du colonialisme, pas loin de ce mélange d'impérialisme militaire et de prétention à apporter la démocratie, la civilisation, qu'on avait dans les guerres à la Bush et leurs soutiens en France, y compris cette fois dans ceux se disant de "gauche" et trouvant plein d'arguments progressistes en faveur de la guerre (libérons les femmes afghanes !).

Contre Jules Ferry et son droit des races supérieures, il y avait Clémenceau, de gauche.
Extraits d'extraits des discours, juillet 1885) :

Ferry : Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l’extrême gauche.) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures...

Clemenceau : on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand.

Et quelques années plus tard, c'est Jaurès contre Clémenceau et sa répression de grèves en attendant de devenir le "père la victoire" (contre les boches). Jaurès, quand on voit sa défense d'un internationalisme et d'un collectivisme sans fonctionnaires, c'est proche de l'extrême-gauche altermondialiste.
Jaurès, quand on voit sa défense d'un internationalisme et d'un collectivisme sans fonctionnaires, c'est proche de l'extrême-gauche altermondialiste.

Ben faut dire qu'il était socialiste et que rien n'est moins sûr qu'il eu goûté d'être récupéré par la SFIO post 1er août.

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Merci Faab, vous avez raison de me corriger - il n'y avait pas qu'un point de vue à gauche. Celà dit, il ne me vient pas de prime abord un équivalent dans la mission colonialiste à droite. Avez vous ça en stock ?
Je n'avais rien sous le coude de synthétique mais je viens de tomber sur un article de Wikipedia qui est assez intéressant par rapport à leur production habituelle : idéologie coloniale française.

C'est plus proche d'un article pédagogique d'historien que le style habituel et ça me semble bien poser le cadre général des mentalités coloniales.

Pour la droite, il y a la phase "prestige" des premières conquêtes, un petit côté Ancien Régime avec le sabre et le goupillon, mais dans la grande période coloniale de la IIIe République, on a les tendances anti-colonialistes qui iront jusqu'à De Gaulle avec un esprit maurrassien, sur des conceptions plutôt nationalo-ethniques (termes anachroniques, tant pis...), le Français de race blanche, peuple européen etc., chacun chez soi, évitons les mélanges, les métissages et la dispersion des forces.

Il est assez délicat d'utiliser des grilles de lecture droite/gauche simples si il s'agit de savoir qui a été le pire parce que des révolutionnaire zélés sont prêts à détruire des sociétés qu'ils diront "archaïque", pour le bien de l'Humanité, tandis que des conservateurs peuvent prétendre à la domination au nom d'un ordre (sur)"naturel" des puissances (droit divin ou racial).

Mais on peut se dire que la question est tout aussi trouble aujourd'hui avec les adeptes du bombardement "humanitaire" ou, du côté "marxiste", la Chine et sa valeureuse lutte contre la théocratie tibétaine. Aux USA, ils ont le marqueur religieux pour distinguer les Républicains des Démocrates, en France, c'est plus confus avec ce que j'appellerais "la gauche forte", morale républicaine et Etat fort.

Pour ma part, je prends essentiellement en compte la question de savoir si on cherche à imposer les choses par le haut, y compris motivé par de bonnes intentions (dont est pavé l'enfer...), ou si on est dans des relations par le bas, en association avec des mouvements populaires.

Dans nos formes d'Etat, ce serait la différence entre république démocratique et démocratie républicaine, ceux qui ont conservé une mentalité aristocratique sous les termes "méritocratie", "avant-garde", "notables" etc., c'est-à-dire la direction par les meilleurs, et ceux qui s'appuient plutôt sur la base, la dite "société civile", la lente évolution des masses et leur médiocrité consubstantielle (médiocre = médian, moyen par définition). Et le fait est que les peuples ne croient pas forcément aux vertus des masses, peuvent juger normal de s'en remettre aux meilleurs, les savants qui leur diront que leurs ancêtres sont de subtils gaulois contrairement au bestial germain ou les saintes (Jeanne ou Caroline) affirmant qu'il y a une exigence morale à abattre X ou Y.

P.S. : pour Jaurès, comme le dit la dernière phrase de l'article Wikipedia, il n'échappait pas aux représentations de supériorité civilisationnelle, forme de prétention me semblant d'ailleurs un pré-requis des pensées à vocation universaliste (pourquoi Marx à Pékin ? Confucius à Berlin ?) mais son pacifisme faisait qu'il tendait naturellement vers des positions plus proches de ce qu'on appellerait la coopération aujourd'hui.
Cf deux articles :
Jean Jaurès et la question coloniale
La campagne de Jaurès sur le Maroc. Entre pacifisme et colonialisme

P.P.S. : sainte Caroline qui est de gauche, dans un article titré Des guerres justes ? se demandait : "D’ailleurs, où s’arrête l’universalisme et où commence l’impérialisme ?"
Je ne sais pas si elle s'est finalement trouvé une réponse.
En 2013, concernant la Syrie, après que sa puissante intelligence géostratégique lui ait fait dire qu'il n'y avait pas grand chose à redouter d'un islamisme soutenu par le Qatar, grâce à sa savante connaissance de la chose militaire et même sans mandat de l'ONU, elle disait : "Des frappes ayant pour effet de sonner la fin de l’impunité et de désorganiser le massacre en cours paraissent le mieux à espérer."
Dommage, entre deux chaos, l'actuel et celui d'un effondrement d'Assad à la libyenne, on ne pourra pas savoir lequel était le pire.
Pardon à tous mes ancêtres inconnus, que je dois renier, je n'ai plus qu'un seul ancêtre, le gaulois.
À la réflexion, il m'en faut au moins deux, NS a oublié les gauloises. Bleues comme il se doit. Et si la moitié de mes ancêtres, c'était la schtroumpfette?
[quote=Pape Ndiaye (historien et enseignant à Sciences-Po Paris) y analyse cette vision de notre passé : « Une histoire nationaliste, édifiante, visant à mettre en valeur les grandes figures et les héros, une histoire qui doit tourner le dos à la repentance, à l’autoflagellation, aux approches critiques ou simplement nuancées ». « Une histoire au service d’un projet politique, de préférence emplie d’émotion », précise-t-il.]

L'historien et le politique n'ont pas le même boulot. Au premier il est demandé d'établir des faits. Au deuxième d'être le garant de l'unité nationale, d'éviter les guerres civiles. Lorsque De Gaulle crée la fiction d'une France entièrement résistante à la sortie de la seconde guerre mondiale, on peut le critiquer, mais il ne faut pas oublier que son but est d'éviter une guerre civile comme en Grèce. Le roman national est indispensable à la politique.

Lorsque Lavisse écrit nos ancêtres étaient Gaulois, il faudrait peut-être bordel se souvenir qu'il écrit contre Boulainvillier et sa théorie des deux peuples. Pour Boulainvillier, la noblesse descend des Francs et le reste du peuple des gallo-romains. La IIIe République revendique un encrage et un caractère populaire d'où la filiation assumée avec les Gaulois. Il est troublant que des gens qui se disent de Gooche oublient cela.

[quote=« Il y a dans le passé le plus lointain une poésie qu'il faut verser dans les jeunes âmes pour y fortifier le sentiment patriotique. Faisons-leur aimer nos ancêtres les Gaulois »] La France résiste au choc de la guerre de 14-18, l'unité du pays ne se fissure pas face à ce choc exogène. Lavisse et les hussards noirs ont créé une nation. La vision de Colbert, pro rege saepe pro patria semper, est réalisée. La France est devenue une patrie pour 30 millions d'âmes.
Je revois encore la salle de classe. J'avais affaire à des élèves-maîtres, qui venaient enseigner tour à tour, dirigés par l'instituteur. Plusieurs d'entre eux étaient des nègres : M. Buffon, M. Sénèque. Ils arrivaient de la Martinique et prononçaient les « r » avec difficulté ; c'est pourquoi ils nous exerçaient à répéter cette phrase magique, qu'on devait leur faire dire à eux-mêmes : « Un très gros rat dans un très grand trou ». Ils nous apprenaient, en histoire, à détester l'odieux Louis XV qui avait bradé les colonies, et nous disaient que nos aïeux étaient blonds : les nôtres, les leurs, les Gaulois. C'étaient les mêmes. Et ils avaient cent fois raison : on a les aïeux qu'on mérite. Ils avaient choisi les Gaulois, qui leur apportaient, en passant par les Romains et la Révolution, la République et la Patrie. Après quoi, ils se firent tuer pour leurs ancêtres adoptifs. Nous avions tout mis en commun, nos rois, nos origines, la prise de la Bastille, la haine de Louis XV et les « r » difficiles. Quand nous hésitions à répondre, ils nous tapaient sur le crâne avec un long roseau. Je n'ai cessé de leur en garder une affectueuse gratitude. On m'a expliqué depuis que je ne les aimais pas, que je les battais, qu'ils n'aimaient pas la France et que j'étais un colonialiste. On est venu me raconter que je n'étais pas leur frère. J'en demande pardon à ces parfaits Français.

Dernières nouvelles de l'homme, Alexandre Vialatte, éd. Julliard, 1978, p. 91
Ca ne serait pas un pur-sang arabe sur la première image de Vercingétorix ?
Pour ce qu'on en sait, c'était plutôt des chevaux petits et laids, dixit Jules C. (cf poney celte).
Et en cherchant des images, j'ai vu qu'on pouvait acheter de pseudo-chevaux gaulois, le même style reconstitué à partir de konik polski, une race rustique polonaise, c'est 3000 € la paire. Ca va, le tarif et 1,40 m au garrot sont accessibles à Sarkozy.
Merci Alain
quitte à évoquer Astérix une pensée pour Pierre Tchernia qui a fait quelques apparitions dans les aventures du petit gaulois...
Ce qui frappe le touriste ignorant des histoires nationales quand il arrive à Budapest, c'est que tout porte le nom d'un barbare. Pas n'importe lequel, celui dont j'appris tout gosse qu'il aurait dit "There, where I have passed, the grass will never grow again.” (je sais qu'il a dit la même chose en Français du genre l’herbe ne repousse pas, mais quand on apprend l'histoire de l'autre côté du Channel, l'herbe ça n'évoque pas d'abord celle qu'on fume comme des Gauloises mais l'herbe des pelouses et des commons, des terrains de cricket et des déjeuners sur l'herbe.. et il n'y a rien de plus barbare qu'un mec qui se vante d'être un désherbant).

Mais à Budapest, il y a des Attila hotels à la pelle et surtout, il y a une statue de Attila le Hun en personne qui étonnamment est sur une place devant un grand parc où l'herbe n'en finit pas de repousser.

Ce même Attila dont les Hongrois semblent faire sur cette page (je ne comprends pas le Hongrois) une appropriation/édulcoration du mythe qui ailleurs jette partout un effroi qui fait qu'on ne peut s'empêcher d'associer Bismuth, en raison de ses origines récentes, lui qui se prétend Gaulois, plus à Attila le rageur qu'à Vercingétorix le sympa qui a cassé les pieds à César en déposant sa serpe à couper le gui et son chaudron à potion magique.

Et d'ailleurs pendant qu'en France on se trouvait une histoire gauloise des plus vertes, en Grande Bretagne on se faisait son trip avec Boadicea et on continue encore souvent comme ici avec Enya qui la récupère pour l'illustration du mythe celte.

En résumé, pourquoi diantre les gens ont-ils besoin de se raccrocher au passé comme des désespérés quand l'avenir est sombre et leur fait peur au lieu de lancer la machine à projets et se construire des idées de futur harmonieux. Mon avis personnel, est que c'est par fainéantise car il est plus facile de parler des Gaulois que de dire à ses concitoyens des choses toute bêtes comme par exemple "Et si on dépénalisait l'herbe" (je ne suis pas fumeur, pour ma part, mais comme on parlait du désherbeur) ou des choses bien compliquées comme "Et si on planchait de nouveau sur quelques bonnes idées entendues à la Nuit est debout"
Il y a deux erreurs courantes à propos des Gaulois …
Très belle chronique, criante de vérité !
Si vous avez le temps, allez faire un petit tour à Bibracte, au Musée européen des Celtes. Bibracte, l'un des plus grands oppida de Gaule, largement associé au méchant ennemi romain, bouh, c'est pas bô !
Au passage, nos "Gaulois" français sont des Celtes, comme ceux qui longent tout le Danube, et comme ces Galates d'ancienne Turquie. C'est fou ça tous les ancêtres que ça nous fait d'un coup !
Sur "nos ancêtres les gaulois" (belles moustaches et gros dadas), explication intéressante de Finkielkraut dans Marianne.

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