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Facs en grève : Le Monde se contredit... sans le dire

Les universités en pointe dans le mouvement de grève de ces derniers mois risquent-elles d'être boudées par les étudiants ? Pas vraiment, répond un article du Monde daté du 15 mai. En donnant la parole aux universités, il contredit le ministère de l'Enseignement supérieur, qui affirmait que "les demandes d'inscription pour les universités Paris-VIII et Paris-IV-Sorbonne, deux établissements en pointe dans la contestation, s'étaient effondrées respectivement de 50 % et de 25 %". Mais le quotidien oublie de rappeler qu'il disait le contraire le 1er avril, en assurant que "les facs mobilisés voient leur image se dégrader".

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Hop, un petit lien pour prendre un peu de recul et comprendre dans quel contexte s'inscrivent les réformes universitaires passées, présentes et à venir : cliquez ici


La conférence fait une heure mais elle vaut le détour. Et pas besoin de la regarder, vous pouvez simplement l'écouter en épluchant des légumes ou en jouant aux cartes.


Sinon, ces derniers temps je me suis plongé dans un ouvrage récent écrit par Pierre Dardot et Christian Laval, qui se nomme La nouvelle Raison du Monde. Ce livre se propose d'analyser et de résumer d'une manière générale l'évolution du capitalisme jusqu'au néolibéralisme actuel, en définissant ses armes et son idéologie. L'ouvrage est parfois dense mais le plus souvent il est efficace et accessible et permet de mieux comprendre l'actualité politique.


Si je vous parle de ça, c'est simplement parce que sans ce filtre il est plus difficile de comprendre les grèves dans le service public.


Un contresens important qui a souvent lieu en matière de néolibéralisme, c'est de penser qu'il s'agit là d'un principe purement économico-financier qui ne fait qu'évacuer le politique. Si l'on observe attentivement, l'Etat n'est pas hors de cause du tout, il accompagne et encourage le mouvement selon un principe de soutien réciproque. Economie et politique sont comme deux jambes, l'un fournit un appui à l'autre pour qu'il puisse avancer. Non seulement cela, mais l'Etat est le dernier recours de l'économie, comme nous l'avons une fois de plus constaté avec la crise financière. Quand le système s'effondre, les Etats le relèvent et le soutiennent.


De même, quand Nicolas Sarkozy prétend vouloir moraliser le capitalisme, il ne prend pas de risque. Le capitalisme poursuit déjà un dogme précis. Ce dogme est la mise en concurrence systématique accompagnée de dérégulation profonde. Il s'agit d'ailleurs de son exacte politique depuis son arrivée au pouvoir.


Ce qui est dangereux, c'est de ne pas voir qu'il y a un processus, que Dardot et Laval qualifient de "disciplinaire" en référence à Foucault, au sein même du néolibéralisme. Le principe étant de faire intégrer à chacun qu'il doit penser, raisonner en tant qu'agent économique, c'est-à-dire qu'il doit sans cesse calculer individuellement pour voir quel sera son meilleur profit. Cet individualisme marchand est la logique même qui accompagne partout la disparition des services publics concurrentiels. Car tous les services publics ne vont pas disparaître, la police, la justice et l'armée resteront stable, voire augmenteront légèrement leurs frais, mais tout le reste sera livré sur un plateau d'argent au marché mondial, y compris l'université (et le lien ci-dessus devrait vous le faire comprendre assez clairement).


Concrètement, ce discours je le vois bien du côté des "anti-blocage". Les arguments relèvent tous du nombrilisme : "mon dieu mon université va avoir une mauvaise réputation", "mon dieu mon diplôme va être dévalué", "mon dieu de vais perdre un semestre dans mes études", "mon dieu je dois travailler sans prof", "ouin je veux pas aller en AG voter le déblocage, ça m'ennuie de le faire"... Ils sont déjà en train de tout calculer individuellement, aveugles qu'ils sont à des problèmes plus larges, ne serait-ce que pour les étudiants des années à venir, qui ne peuvent pas encore protester et qui seront les premiers punis.


C'est le club de Mickey, on est chez les 4-5 ans. La majorité des gens contre le mouvement de grève universitaire n'ont d'autre argument que le suivant : "il ne faut pas faire de vagues quand on proteste". En regardant la posture de mes enseignants, prétendument des philosophes, ils sont tous en train de se garder les couilles au frais (sic) pour préserver leurs propres avantages. Et ce sont les mêmes profs de philo qui se plaignent du fait qu'ils ont de moins en moins d'étudiants et donc de moins en moins de budgets pour leurs recherches.



Personnellement, j'ai décidé de boycotter mes examens. Lundi, je ferai une annonce en AG, je le proposerai aux autres (mais à mon avis ce ne sera pas suivi). Détrompez-vous je n'ai pas envie d'endosser le rôle du martyr, perdre un semestre ne signifie rien pour moi. Ce qui m'importe, c'est la vision que j'ai de moi-même, et j'estime valoir beaucoup plus que le bout de papier stupide avec lequel le gouvernement et les présidents d'université essaient de nous prendre en otage. Jeudi, notre responsable d'UFR nous a annoncé qu'il était important que nous croyions nous-mêmes en la valeur de notre diplôme. Cela fait bien longtemps que nos diplômes n'ont plus de valeur d'intelligence. J'en suis l'exemple type, j'ai le niveau pour faire de la recherche, mais je dois tout de même passer une licence, juste parce que l'administration en a décidé ainsi. L'enseignement est aveugle.


Bernard Stiegler souhaite réhabiliter le concept de prolétaire. Il rappelle qu'un prolétaire ce n'est pas, du point de vue de Marx, nécessairement un ouvrier. Techniquement un prolétaire est quelqu'un qui a perdu son savoir. Or je constate aujourd'hui une chose grave : les enseignants (c'est-à-dire théoriquement les diffuseurs de savoir) ont perdu leur savoir. Ils ne sont plus que des techniciens compartimentés. Et c'est au nom de l'esprit libre qu'il faut préserver une certaine culture du savoir, qui ne se quantifie pas selon des critères d'économie marchande mais selon une richesse culturelle et civilisationnelle. La valeur d'un livre est éternellement future. Des penseurs comme Heidegger ou Arendt ont su réouvrir la pensée en étudiant des penseurs grecs d'il y a 2500 ans. Aurions-nous pu décréter un tel impact quand ces penseurs publiaient à peine leurs ouvrages? De toute évidence, non. Et pourtant il s'agit-là d'un impact culturel et civilisationnel.


Le Monde joue le même jeu que les autres de ce point de vue là. Les argumentaires sont trop étriqués, trop étroits, ils observent à trop court terme pour pouvoir traiter sérieusement de problèmes qui dépassent les individus comme les structures.


Pourtant, cela est vrai, c'est un bras de fer historique auquel nous assistons. Non pas en terme de mobilisation (qui arrive de toute manière tardivement). Ce bras de fer est historique parce qu'il s'agit ici d'un tournant de l'histoire évident. Si l'université perd son savoir, les effets s'en feront ressentir dans les décennies à venir. Plus de marche arrière possible. Si le modèle d' "économie du savoir" qui nous est proposé ici se met en place, il restera durablement. Il connaîtra des crises, comme le modèle financier actuel. Il se crashera régulièrement. Mais comme vous pouvez le constater historiquement, le capitalisme, qu'ils soit néolibéral, social-démocrate ou libéral, supporte très bien les crises. Un crise signifie des pertes d'argent, des entreprises qui se crashent, éventuellement quelques ruines. Mais les crises n'attaquent pas le capitalisme, elles attaquent les structures qui se fixent dessus. Supprimer les structures, les institutions, ne supprime pas le modèle.


Le modèle libéral industriel a tenu un peu plus d'un siècle. Le modèle social-démocrate a tenu entre 50 et 60 ans. Soyez assurés que le néolibéralisme, si on le laisse s'installer plus profondément qu'il ne l'est déjà (car il est déjà présent en France, ne soyez pas dupe, Mitterrand a déjà bien oeuvré en ce sens), ne se contentera pas de 20 ans.


Croyez-le ou non. Tout du moins tel est mon point de vue.
on se demande beaucoup en ce moment à qui la faute si les examens sont perturbés.

version 1 : ce sont les gauchistes bloqueurs qui prennent les étudiants en otages exerçant leur Diktat sur la majorité silencieuse qui soutient les réformes pécresse.

version 2: c'est le gouvernement qui refuse de négocier et/ou de lacher du lest pour sauver l'année universitaire.

Il y a une autre version très personnelle, qui vaut ce qu'elle vaut.: c'est parce qu'une minorité seulement se bagarre que ça dure des mois et que l gouvernement peut jouer le pourrissement. C'est parce que le reste de l'éducation nationale ne se mobilise pas pour l'université (chacun se bat - au mieux- pour son pré carré) c'est parce que les citoyens ne se sont pas emparés de ce combat présenté comme catégoriel. A qui la faute si ce combat est catégoriel? La faute aux enseignants chercheurs bien sur, qui n'ont rien fait contre la LRU en décembre 2007 et janvier 2008, ils n'ont commencé à bouger que quand leur statut a menacé d'être touché, et son rentrés à la niche sitot ce projet retiré...Et maintenant seule une minorité est encore en lutte contre la LRU, qui est pourtant une réforme autrement plus grave que celle su statut des enseignants chercheurs.

la meme logique est à l'oeuvre dans le privé, qu'on fait ceux de caterpillar, les continental, et les autres pendant toutes ces années où ils ont vu leurs camarades salarié perdre leur emploi dans les mêmes conditions qu'eux? Que font les salariés qui seront dans le prochain wagon de licenciements pour aider ceux de caterpillar ou de Clairoie aujourd'hui? ...rien ils ne font rien....Aucune conscience de classe...
ça fait penser au poème "quand ils sont venus..." pour ceux qui connaissent. Comme le disait cet actionnaire de LVMH au micro de Mermet: "les ouvriers se sont laissés piétiner pendant 40 ans, ils se sont contentés du peu qu'on leur donnait et maintenant ils font les étonnés...il y a les exploiteurs et les exploités un point c'est tout"
Je n'avais jamais bien compris en quoi le blocage pouvait faire chuter le nombre d'inscriptions.
Les élèves qui s'inscrivent à la fac le font pour d'autres raisons ; de plus, pour m'être occupée cette année de l'orientation de certains élèves de Terminale, eh bien, ils ne savent pas vraiment que les facs sont bloquées.
On a beau dire ce qu'on veut : les personnes qui ne sont pas étudiants ou profs à l'université n'ont pas suivi ce mouvement. C'est un fait.
Paris-IV reste l'une des facs les plus intéressantes pour les étudiants d'Ile-de-France en lettres ou en sciences humaines.
Et si les gens s'inquiètent des blocages, j'espère qu'ils auront l'intelligence d'en vouloir aux gouvernants et aux décisionnaires ; pas à ceux qui luttent pour sauvegarder un petit quelque chose
Tout le Monde ment.
( Gregory House )
Je suis surprise moi aussi de ces résultats, je trouvais plausible la théorie de la baisse des inscriptions.
Mais en même temps, c'est vrai qu'on peut raisonner autrement, et ce n'est finalement pas beaucoup plus optimiste pour les facs : l'image des universités étant déjà catastrophique au départ, tous ceux qui pouvaient ne pas y aller allaient déjà ailleurs de toute façon, donc ça ne change pas grand-chose.

Presque tous, devrais-je dire, sinon je démonte ma propre argumentation qui consiste à nier le fait qu'il n'y ait "que" des gens dont les prépas et les grandes écoles n'ont pas voulu qui vont à l'université. Enfin, pour être plus précise, je rejette l'idée selon laquelle la formation à l'université est nulle et je pense qu'un bon élève à la fac peut très bien atteindre un niveau au moins égal à ceux des prépas et écoles, tout en étant moins formaté. Et je déplore, plus que je ne conteste (il faut bien se rendre à l'évidence), le fait qu'il n'y ait quasiment pas de bons élèves qui choisissent l'université.

Bon, pour revenir au sujet, je serais quand même curieuse de savoir si les échanges Erasmus ne souffrent pas des grèves, eux. Parce que j'ai entendu dire que certains étudiants avaient été renvoyés chez eux, et j'ai pu constater par moi-même l'état d'esprit de certains étudiants étrangers en période de blocage (ceux qui étaient là pour les études, pas ceux qui font la formule Erasmus-vacances) : ils n'ont pas cette culture de la grève et de la contestation, ils ne comprennent pas et surtout ils sont dégoûtés de payer très cher pour vivre en France et ne pas avoir de cours.
En tout cas, si j'étais à la place d'un coordinateur Erasmus étranger, je pense que j'aurais de moins en moins envie d'envoyer mes étudiants dans des universités qui sont bloquées pendant au moins 1 mois, 1 année sur 2. Mais comme pour les inscriptions, on peut se demander si cette réticence n'existait pas déjà avant, vu la pauvreté des universités françaises et l'absence quasi-totale d'encadrement qui effraie les étudiants étrangers habitués à un bien meilleur service. Je me rappelle que dans mon département d'anglais (oui, en langues vivantes où l'année à l'étranger est quasi-indispensable) nous n'avions qu'un ou deux échanges Erasmus avec le Royaume-Uni à tout casser...
http://www.marianne2.fr/Mouvement-universitaire-medias-la-rupture,-elle-est-la_a179635.html

Journaliste à Libération, Sylvestre Huet, dont le blog a été un puissant relais du mouvement regrette surtout le peu d'efforts de pédagogie des journaux et l'absence de décryptage de la novlangue et des mensonges gouvernementaux.------ Sylvestre Huet révélera ses demandes répétées d'avoir accès aux pages « événements » ou aux dossiers de Libé pour permettre une couverture plus exhaustive du mouvement....Refus répétés de la rédaction en chef à une exception près.

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