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Commentaires

Comment donnent les internautes ?

La chronique de Daniel intitulée "Et pourquoi pas le don ?" ne vous a pas laissés indifférents, à en juger par le nombre de réactions dans le forum. Le don peut-il être une solution à l'insoluble question de la rétribution des biens immatériels (création artistique, information) sur Internet ? Voici trois messages. Tony A explique que le don, contrairement à l'apparence, est contraint socialement ou moralement. IT dévoile la notion de "contre-don". Mais qui fait le premier don ? demande Godel. Et à propos, combien donnent les internautes ? Premières réponses ici.

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D'abord, je n'ai jamais laissé entendre que les internautes qui téléchargent illégalement étaient des criminels. Sur la licence globale (ou contribution créative), le même problème se pose systématiquement: comment partager le pot commun? Sur quels critères distribuer aux artistes le revenu de ce qu'il conviendrait d'appeler une taxe culturelle? Enfin, est-il légitime de prélever la même somme à chaque individu quelque soit son niveau de consommation culturelle? La contribution créative n'est pas un modèle alternatif réalisable sur le moyen terme. On peut toujours élaborer des utopies où tout le monde aurait accès aux oeuvres et où les artistes seraient justement rémunérés, mais il convient d'être précis.

Par ailleurs, je m'oppose à votre entreprise de victimisation des artistes et des internautes. Il est simplement faux de prétendre que les grosses et puissantes majors exploitent les artistes et arnaquent systématiquement les consommateurs. Aujourd'hui, il est possible légalement d'acheter un morceau pour 0,99 €, un album pour 9,99 €, de louer un film à 1,99 €, d'écouter gratuitement 4,5 millions de titres sur Deezer ou de souscrire à des offres groupées pour un prix limité. De plus, les DRM ont été supprimés et la chronologie des médias a été raccourcie (4 mois entre la sortie en salle et la sortie en DVD et VOD).

N'oublions pas que les petites maisons de disques sont les premières à être touchées par le téléchargement illégal. 4000 labels indépendants européens ont apporté leur soutien à la loi création et internet. Cessez de faire d'une corrélation (Batman le plus téléchargé, Batman le plus vendu en DVD) un lien de cause à effet grotesque. Les artistes et les majors les plus puissants résistent face au téléchargement, pas les petits labels. Si quelques artistes voient le jour grâce à Internet, beaucoup sont condamnés à rester dans l'anonymat à cause du téléchargement illégal (-40% de nouveaux artistes produits depuis 5 ans).

Il est vrai que l'offre légale doit être améliorée, mais il faut faire preuve de malhonnêteté intellectuelle pour défendre que les majors sont responsables du téléchargement illégal. Vous pouvez vous leurrer dans une paranoïa conspirationniste en accusant les majors de tout et n'importe quoi (notamment sur les copies asiatiques), je préfère regarder la réalité en face et admettre que le téléchargement illégal massif doit être freiné. Sans une prise de conscience collective (que la loi Hadopi 2 stimulera en partie), les revenus des artistes ne vont cesser de plonger et à terme c'est la richesse culturelle de notre pays qui en pâtira. Pas la peine d'être apeurés, soyons responsables.
Godel mentionne le classique "Essai sur le don" de Marcel Mauss et "L'énigme du don" de Maurice Godelier. Pour ceux qui s'intéressent à cette approche, il faut aussi signaler les ouvrages de Jacques T. Godbout qui ont l'avantage de se focaliser sur l'actualité du don dans notre société. Notamment "Le don, la dette et l'identité : homo donator versus homo oeconomicus" (Boréal, 2000),"Ce qui circule entre nous : donner recevoir rendre" (Seuil, 2007), et "L'esprit du don" (La Découverte, 1992).

Pour ma part je préfère payer pour tenir un livre entre les mains, mais sinon, deux de ces ouvrages sont lisibles en intégralité (et gratuitement) sur internet :

Le don, la dette et l'identité : http://classiques.uqac.ca/contemporains/godbout_jacques_t/don_dette_identite/don_dette_identite.html

L'esprit du don : http://classiques.uqac.ca/contemporains/godbout_jacques_t/esprit_du_don/esprit_du_don.html

Et les curieux pour qui un résumé suffit trouveront un solide (mais austère) survol de "L'esprit du don" ici : http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/godbout.html

A voir ce qui peut s'extrapoler aux questions du téléchargement sur internet...
Si le "modèle commercial" de Nine Inch Nails vous intéresse, je vous conseille cette conférence par Michael Masnick intitulée "Serving your Fans - The Trent Reznor Case Study", lors du Midem en Janvier dernier.

http://www.youtube.com/watch?v=Njuo1puB1lg&hl=fr

Et pour revenir sur le succès de "Ghosts I-IV", il faut bien prendre conscience que [large]l'album le plus vendu de l'année* était gratuit** ![/large]. Ca mérite bien réflexion, il me semble.

*le plus vendu sur Amazon mp3
** sous license Creative Commons.
Premièrement, comment ne pas s'étonner qu'Arrêt sur images défende discrètement le modèle de gratuité (compensé par le don) alors que son modèle économique est celui de l'abonnement payant (contrairement à Rue89 par exemple)? C'est conscient que l'information, au même titre que la création artisitique, a un prix que la rédaction d'Asi a choisi le modèle payant. Arrêt sur images ne pourrait exister (à ce degré de qualité) sans la participation financière quasi-obligatoire de ses abonnés. Composer un album, écrire un livre, faire un reportage, cela coûte de l'argent.

L'hypocrisie des internautes pirates, drogués à la gratuité, est troublante. L'argument selon lequel le monopole des majors et la piètre qualité des artistes contemporains justifient le téléchargement illégal est stupéfiant de mauvaise foi. Sans doute devrions-nous remercier les pirates de nous débarrasser du détestable commerce de l'art!

Il y a une réalité intangible que chacun devrait regarder en face: si les individus ont le choix entre la gratuité et le payant, ils choisiront massivement la gratuité. Dans un système où le téléchargement illégal est anonyme, indolore et impuni, trouver de l'argent pour la création relève du miracle (les exemples toujours cités de MyMajorCompany ou Radiohead ne sont que des embryons microscopiques). "Les belles âmes" devraient reconnaître que nous ne payerons que si nous sommes obligés de le faire. Compter sur le don individuel et l'échange dérégulé, c'est faire preuve d'un ultralibéralisme surprenant. L'appel aux dons des internautes est presque aussi vain que l'appel d'Eric Woerth aux exilés fiscaux. La gratuité est illusoire. Attention à la gueule de bois!

Internet n'est pas en mesure de remplacer les maisons de disque. Les artistes lancés par Internet (Grégoire ou Sliimy) sont extrêmement rares. La réalité est que ce sont les maisons de disque qui lancent de nouveaux artistes grâce à l'argent qu'elles ont gagné de la production d'artistes confirmés. Depuis cinq ans, le chiffre d'affaires des maisons de disque a fondu de moitié. Dans le même temps, le nombre de nouveaux artistes produits a chuté de 40%. Comment ne pas s'alarmer? Les tentatives du gouvernement de réguler l'échange de fichiers sur internet sont salutaires. Malgré tous ses défauts et les réquisitoires enflammés des technophiles, Hadopi est observée avec attention partout dans le monde et est en passe d'être imitée outre-Manche. Mettre un frein au téléchargement illégal est la condition sine qua non du développement de nouveaux modèles économiques. Il faut que le téléchargement illégal soit risqué pour les internautes (même dans une faible mesure) pour que la création artistique continue de pouvoir se financer.
Tout ceci est bien gentil et tirerait presque les larmes...

Sauf que nous sommes dans une époque où des centaines de milliers, voire des millions de branquignols se prennent pour des artistes et acceptent très mal de ne pas être couverts d'or en échange de leurs merdiques productions...

C'est un problème, même si je comprends bien qu'il est plus agréable et valorisant de barbouiller des toiles (qui ne vous ont rien fait au demeurant) ou de bricoler la vitesse de rotation de platines antédiluviennes plutôt que de serrer les boulons des dernières Renault, Peugeot ou Citroën...

Seulement la société n'a aucun besoin de tous ces parasites, artistes auto-proclamés, et bras cassés avérés !

De mémoire Baudelaire, Rimbaud, Van Gogh et pas mal d'autres génies sont morts dans la misère, qu'ils en fassent donc autant nos pseudo-génies, c'est un moyen comme un autre d'égaler des modèles dont ils n'atteindront jamais l'ongle du petit orteil...

L'art, commerce rentable ? C'est minable !

***
Pour parler de mon expérience avec plusieurs sites fonctionnant sur le don (mais pas exclusivement), mon constat est que le volume des dons peut être en gros constant, voire grossir d'une année à l'autre, mais bizarrement, les donneurs ne sont les mêmes qu'à 30% au moins, 50% au plus.
Je n'en tire aucune conclusion particulière, si ce n'est une inquiétude : l'inflation de sites et associations, fondations ou autres structures dont le financement repose au moins partiellement sur le don, ne risque-t-il pas à terme de rendre ce fonctionnement difficile ? Le nombre de "donneurs" potentiels" constitue-t-il un"gâteau" de taille limitée, surtout si on se cantonne par force à un monde de lecteurs francophones ?

Autres questions, d'abord selon la nature de l'accès au site :
- Une partie du contenu du site n'est accessible qu'après filtrage (par formulaire) ? Il y a souvent une sorte de confusion qui s'établit entre accès restreint et accès payant, il faut rudement de la pédagogie pour éviter les "l'ai payé, j'ai le droit" (surtout si c'est en fait gratuit) ...
- Une partie du site n'est ouverte qu'aux abonnés payants ? Pas facile de distinguer don et abonnement : il faut que la partie réservée propose vraiment une plus-value en termes de contenu ou de service, et peut-on encore parler de "don" ?
- Le contenu du site est totalement ouvert ? Alors ceux qui donnent n'ont pas de "bonus" ; ils n'en réclament pas, certes, mais les auteurs eux se posent la question, car le "bonus" provoque vraiment un afflux de dons supplémentaires. Et quel type de bonus ? En gros, soit le don à une certaine hauteur entraîne l'envoi d'un cadeau "matériel" (cadeau-bonus, oui, je sais), soit le contenu du site est immédiatement accessible aux donneurs, et ouvert à tous les visiteurs après un temps de latence, etc.

- Quel équilibre entre les différentes sources de financement ? Corollaire : peut-on accepter de l'argent, même sans contrepartie, de n'importe quel partenaire ? Et jusqu'à quelle proportion ?
Par exemple, un grand groupe industriel propose un parrainage "désintéressé" qui laisse toute liberté rédactionnelle : pas facile de trancher entre ceux qui estiment que plus le mécène est riche et puissant, plus l'artiste est libre, et ceux qui craignent la dénaturation du projet initial.

Sans parler du renouvellement de l'équipe du fait des débats évoqués, quelle qu'en soit l'issue...

Beaucoup de questions sans réponse toute faite...
Une conférence de Richard Stallman : http://podcast.oxyradio.net/sard/stallman.mp3
Il expose son point de vue au sujet du don, du mécénat global, de la licence globale, HADOPI, entre autres choses.
Pou information, la page wikipedia de R. Stallman : http://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Stallman
« Alors, peut-être que dans @si il y a un peu des attributs du don à l'intérieur de ce qui reste une transaction marchande ? ou pas ? »
En ce qui me concerne, il y a clairement les attributs du don dans l'acte de prendre un abonnement à @si. En tout cas, quelque chose qui relève du « soutient militant » et qui au moins pour le premier réflexe, était du à la disparition de l'émission télé. J'ai « failli » m'abonner des les premiers jours. Je ne l'ai pas fait à cause de la référence « poutine » en page d'accueil avant l'ouverture qui m'a refroidi.
Bon, qui commence ?

C'est bien de donner ... quand on peut.

Moi je donnerais volontiers de l'argent à un cinéaste dont aucun producteur ne veut ; un écrivain sans maison d'édition ; un(e) chanteur(se) sans micro ; un(e) artiste en général que l'"establishment" essaierait d'empêcher de s'exprimer ; un concepteur de logiciel en shareware, si celui-ci est astucieux (le logiciel), etc., bref aux "outcasts" de notre société.

Bon maintenant je vais répondre à l'autre question. :)

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