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Autant en avertit le vent

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Émission très intéressante sur la représentation des Noirs en général et des Noirs Américains en particulier, notamment sur la question de leur statut de pas tout à fait Américains (à noter là-desus que dans son Birth of a Nation de 2016, Nate P(...)

J'avais pas mal de choses à ajouter.


Déjà sur la scène des "40 acres et une mule", je regrette qu’aucun intervenant n’ait relevé la promesse du droit de vote… Droit de vote qui n’était toujours pas effectif à Atlanta à la sortie du film. C’est aussi p(...)

En attendant l’émission où l’on analysera comment il est possible que l’on puisse avoir autant envie de « gifler » les personnages féminins... que dans la liste de « l’éternel féminin«  on puisse citer « la prostitution »... cette émission m’a h(...)

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Toujours un peu de mal à supporter le rythme trop lent de ces émissions qui gagnerait, me semble-t-il,  à être resserré, comme dans la plupart des talk-shows. Le premier extrait du film me semble mal choisi : on y voit "simplement" l'intériorisation par la nourrice des valeurs et des intérêts de la famille qu'elle sert, comme le faisaient la plupart des domestiques des "grandes maisons", quelle que soit leur couleur de peau et le continent où cela se passait, et peut-être se passe encore.

Pour moi Autant en emporte le vent n'était pas raciste mais montrait un monde raciste. J'ai gràce à ce film compris les deux grands types de racisme qui existent dans le monde. Je trouve les yankees tout aussi racistes que les sudistes dans ce film. Scarlett les trouve racistes. Parce qu'ils le sont différemment : il y a le racisme paternaliste du bon petit noir qu'on doit aider dans la vie car il n'est pas autonome, et celui de l'étranger, celui qui fait peur car on ne le connaît pas. Lors d'une promenade dans Atlanta, Scarlett croise des femmes du Nord qui lui disent (Je crois, mes souvenirs sont lointains) que jamais elles ne confieraient leurs enfants à une noire. C'est frappant, tous ces blancs racistes et supérieurs, mais qui ne se comprennent pas. En tant qu'historienne j'ai aussi beaucoup aimé ces passages sur le KKK et ses débuts qui montrent les racines de cette "societé". Je n'ai jamais ressenti cela comme une "propagande", mais vraiment comme une peinture d'un monde raciste et inégalitaire. 

En tant que femme blanche, ce sont plus les aspects sur la condition féminine qui m'ont touchée. De même, jamais d'une manière négative, mais me poussant à la réflexion. 


Pour moi, le film, et surtout le livre, dépeint comment une femme survit dans un monde où les hommes ont le pouvoir. Scarlett par la sortie des conventions sociales. Elle est détestée, même du spectateur parfois. Mélanie, elle lutte par l'acceptation totale de ces conventions' pour en devenir la maîtresse. C'est elle qui a réellement le pouvoir dans ce film. Elle sauve Scarlett. A chaque fois. C'est elle qu'on admire et qu'on aime... mais par ce pouvoir, elle se libère de ces conventions, elle peut finalement se comporter comme elle veut. Et notamment fréquenter Scarlett. 


C'est bien sûr une analyse personnelle sur mon lien avec ce film et surtout livre.


 

J'en profite pour mettre le lien des videos de Durendal qui en 2015 s'intéresse à Autant en emporte le vent et traite à la fois à la question du racisme mais aussi à celui du révisionnisme et de la "relation amoureuse" entre Scarlett et Rhett. Éclairages complémentaires et très nombreux extraits, vaut le détour.


https://www.youtube.com/watch?v=NYv8HwC5pgI (1ère partie) et 

https://www.youtube.com/watch?v=H9KPeKcSDYY (2ème partie)

Je me souviens pas si ça avait été abordé dans un précédent post pop (peut-être celui sur le cinéma pavé de bonnes intentions), mais ça aurait été bien de profiter de cette émission pour aborder les stéréotypes hollywoodiens associés au noir avec les grandes figures récurrentes du magical negro (Morgan Freeman !), du Kunta Kinte, de l'amie noire exubérante (dans les comédies sentimentales essentiellement), du angry black man (Samuel Jackson !)...

Merci pour cette émission. J'ai lu le livre à 14 ans, comme mes copines de collège qui en avaient été "bouleversifiées", à la fin des années 80. Ce livre m'a profondément marquée, et j'ai longtemps été écartelée par différents sentiments : apprécié-je ou non cette femme ? L'admiré-je ou non ? La relation qu'elle entretient avec Rhett me bouleverse-t-elle ou la trouvé-je méprisable ? Admiré-je l’œuvre de Margaret Mitchell ou la trouvé-je scandaleuse ? Eh bien tout à la fois. Et je crois que c'est justement pour ça que ce livre m'a passionnée : Scarlett est une femme à claquer, une peste riche et prétentieuse, maitresse qui jouit de ses esclaves comme de ses jouets, manipulatrice avec les hommes et les femmes qui l'entourent... MAIS c'est un caractère fort qui ne se laisse pas abattre par l'adversité, qui relève la tête, qui prend ses propres décisions, tout au long du livre. Elle fait des choix que j’exècre (épouser des hommes qu'elle n'aime pas pour rendre jaloux Ashley Wilkes, embaucher des bagnards, etc.) MAIS elle dirige sa vie et ne se laisse manipuler par personne, et surtout pas par les hommes (même pas par Rhett qu'elle repousse à maintes reprises*). La façon dont M. Mitchell décrit la beauté du Sud, la gloire de la Cause perdue, la gentillesse de certains maitres avec leurs esclaves me fait froid dans le dos MAIS je ne suis pas dupe, même à 14 ans : je remercie cette saga pour m'avoir montré ce que c'était, et c'est grâce à elle que je comprends aujourd'hui pourquoi certains Américains ont encore du mal à ne pas regretter le "bon vieux temps". Je suis horrifiée quand je lis les lignes sur la création du Ku Klux Klan pour laver l'honneur des femmes blanches... MAIS je remercie le livre pour cette leçon d'Histoire. Je suis choquée quand je vois les serviteurs noirs de Scarlett se contenter si bien de leur condition et remercier leurs bons maitres, MAIS je lis aussi à travers cette longue fresque descriptive ce qu'étaient les travaux au champ, la sale condition dans laquelle les noirs se sont retrouvés quand ils ont été libérés, comment ils ont été manipulés à la sortie de la guerre, la complexité de la situation qu'ils ont découverte (réjouissons-nous de notre liberté, mais nous n'avons aujourd'hui plus rien pour vivre), bref ce qui fait la complexité du vivre-ensemble aujourd'hui aux Etats-Unis. Au final, je ne sais toujours pas si je dois reprocher à M. Mitchell d'avoir écrit un livre à la gloire du Sud esclavagiste, ou si je dois la remercier pour le témoignage si dense qu'elle nous a livré... Je serais quand même finalement plutôt tentée par la 2ème option.

Pourquoi ce commentaire un peu hors-sujet ? Parce qu'il faut AVOIR LU LE LIVRE pour comprendre ce film. C'est ce que je trouve si dommage dans toute cette "affaire" : parler du film, de ce qu'il véhicule ou pas, de ce qu'il met en valeur ou pas, de ce qu'il insinue ou pas... sans savoir (ou sans préciser) qu'il ne reprend - malgré ses 4h ! - que de tout petits extraits de l'histoire que Margaret Mitchell a écrite. Et l'émission d'ASI n'échappe pas au phénomène, comme tout ce que j'ai pu voir ou entendre depuis le "coup" d'HBO. Certes, c'est le film qui a obtenu 8 oscars, c'est Clark Gable et Vivien Leigh que tout le monde a en tête, c'est donc le film qui fait parler de lui. Et c'est bien du film dont il s'agit dans l'affaire HBO. Mais c'est dommage de ne pas faire référence au livre quand on veut comprendre le film justement, et l'analyser, car ce qui est dans le film est une infime part de ce qui a été écrit dans le livre. Avec tous les travers que l'on connait d'une adaptation cinématographique : que ne va-t-on pas garder, que ne va-t-on pas dire ?... Personnellement, j'ai vu le film 2 ou 3 ans après avoir lu le livre : quelle déception ! Alors oui  Clark Gable est beau comme un dieu (pour la jeune fille que j'étais à l'époque en tout cas), certaines scènes sont grandioses... Mais il est tellement peu de choses comparé au livre ! Et je n'ai jamais compris comment les gens avaient pu comprendre l'histoire de Scarlett (car l'intervenante a raison : ce film n'est pas l'histoire de Rhett & Scarlett, malgré ce qu'ont voulu en faire les réalisateurs, pour qu'il soit un succès commercial, c'est l'histoire de Scarlett, uniquement) à travers ce film !!... Tout est tellement raccourci, il manque tellement d'explications... Sur son caractère, sur ce qui lui arrive, sur la relation qu'elle entretient avec Rhett (dans le livre, celle-ci ne doit représenter que 20% de toute l'histoire !)... et donc aussi sur le contexte historique. Alors comment faire une analyse sensée et appuyée, SANS se référer au livre ? Ça me parait bien dommage.


[*N.B. Même la fameuse scène montrée dans le film dénomée "viol conjugal" ne peut être commentée sans faire référence au livre : Scarlett n'a jamais été heureuse en amour car elle n'a fréquenté que des hommes molassons et nuls, il n'y a qu'avec Rhett qu'elle découvre le vrai sexe et le plaisir féminin. Comme le dit l'intervenante, il faut connaitre leur histoire entière, leur relation "je t'aime, moi non plus", pour comprendre le sourire de satisafaction de Scarlett le lendemain matin... C'est vrai que dans le film, on le comprend moins bien... Et la scène, sortie de son contexte, en devient alors parfaitement choquante. C'est une femme qui vous écrit ce commentaire. ;-) Mais soit dit en passant, je ne vois pas ce que cette réflexion venait faire dans une émission qui tournait plutôt autour de la figuration de l'histoire de l'esclavage et la représentation des noirs dans le cinéma américain...]

Franchement, prétendre que le film est anti-esclavagiste, il faut être d'une mauvaise foi assez incroyable.


Effectivement, la SEULE scène où ça parle d'esclavage de manière un tant soit peu négative, c'est effectivement la scène entre Ashley et Scarlett à la scierie, dont parle Marie-France Malonga. En revanche, elle arrête de décrire la scène justement au moment où Ashley dit qu'il aurait affranchi les esclaves à la mort de son père, si la guerre ne les avait pas libérés (donc on en conclut qu'Ashley serait anti-esclavage, même si ça ne coûte pas cher de dire ça). Et effectivement, la portée anti-esclavagiste de cette scène est clairement diminuée par le fait qu'elle sert surtout à faire écho à un argument classique des sudistes: "les nordistes nous reprochent d'avoir des esclaves mais en fait leurs ouvriers sous-payés sont encore plus mal traités"...


Le cynisme de Rhett Butler n'est absolument en RIEN une critique de l'esclavage. Je ne vois pas l'once d'un début d'élement concret dans le film qu'on pourrait utiliser pour justifier cette interprétation. Butler est un cynique et un anti-conformiste, il méprise les autres parce qu'à ses yeux, ce sont des moutons, et il méprise leur chauvinisme idiot qui les pousse à penser qu'ils vont gagner la guerre en un clin d'oeil alors qu'ils n'ont même pas d'industrie... Mais à AUCUN moment on ne le voit critiquer l'esclavage. Il finit même par rejoindre l'armée confédérée au dernier moment, ajoutant que finalement, il n'est "pas si fier" d'être resté en dehors de ça, et qu'il se sent obligé d'aller défendre le Sud... Donc cette interprétation d'un Rhett Butler anti-esclavagiste... J'aimerais bien savoir d'où elle sort, vraiment.

c'était passionnant de vous écouter évoquer ce film, merci, 


j'aime beaucoup l'angle de vue de Rafik quand il dit que tous les personnages servent à montrer différentes faces du personnage de Scarlett:


 alors encore un petit effort, que représentent les esclaves noirs, de ce point de vue? 


Selon moi, la part de la femme qui sera encore et toujours réduite, dominée, même dans le futur système; la part de Scarlett  qui n'a pas du tout aimé se faire violer, mais qui la ferme, se résigne, bien obligée...

 

Ce film ne parle pas de la domination des noirs par les blancs, dont le public se f... à l'époque, mais de la domination en général, et en particulier de la domination masculine sur les femmes, (il y a d'autres films américains sur ce thème, de Billy Wilder je crois, c'est un thème qui intéresse les américains à l'époque, très peu les français).


D'ailleurs l'affiche du film de Walsh L'esclave libre, que montre-t-elle? non pas un noir, mais une femme, "libérée" par son maître, aux pieds duquel elle se traîne  ...!!! Tu parles d'une libération!


On en est presque au même point aujourd'hui.


Quand j'ai vu ce film, j'avais 15 ans environ en 68, je me suis ennuyée ferme, la seule scène qui me soit restée c'est celle du "viol conjugal", qui  m'a vraiment traumatisée. Toutes mes copines bavaient devant Scarlett, je n'ai jamais compris qu'elles ne soient pas choquées, et s'identifient au point de fantasmer sur le destin amoureux d'une telle gourde.


ce que Rett a exprimé avec sa muflerie (si délicieusement machiste, n'est-ce pas, mesdemoiselles?) , quand elle lui avoue l'aimer, il dit qu'il ne l'aime plus...


.... "que vais-je devenir?"


 "Frankly, my dear, I don't give a damn" 


Vous avez recuperer le plateau de "Yo MTV Rap" ?

L'excellent commentaire d'Alain Korkos a justement souligne l'importance du contexte de la "Cause Perdue" et de la propagande qui l'accompagne, auquel je pensais aussi tres fortement. Je ne l'ai decouverte que tres tard a la faveur d'une serie de deux videos Youtube tres interessantes produite par un jeune videaste americain d'origine sudiste, que je conseille vraiment pour une perspective de l'interieur (en anglais mais sous titres anglais disponibles)

Should we still be watching Gone With the Wind?

L'auteur argumente egalement un point interessant, sur le fait que certains critiques soulignent le fait que, malgre les points problematiques incontestables (le revisionnisme sur l'esclavage, le traitement des personnages noirs), David O Selznick, qui etait un liberal, parvient a injecter quelques critiques de l'ideologie de la Cause Perdue (ex la scene ou les Sudistes sont presentes comme des matamores va-t'en-guerre et ou Rhett, la voix de la raison, pointe que la guerre est perdue d'avance pour le Sud au regard de son peu de developpement par rapport au Nord, certaines scenes aussi filmees avec plus de dignite et que l'on doit probablement a G. Cuckor, montrant l'inutilite des morts pour la Cause (la liste des morts et la scene de l'hopital)).

Donc il semblerait qu'il y ait eu aussi un effort de fait pour s'elever au-dessus du racisme et du revisionnisme du roman (le personnage de Mamie est semble-t-il aussi bien plus developpe et conscient que dans le roman, et meme si elle ne s'affranchit pas de sa condition d'esclave, Hattie McDaniels parvient en effet a clairement montrer dans son jeu que Mamie n'est aucunement dupe des travers de ses maitres), mais au final le film reste marque par le point de vue Sudiste adopte, et le fait de passer sous silence presque entierement la question de l'esclavage.

Rafik Djoumi  toujours aussi passionnant. On voudrait l'entendre toujours plus, on le sent déborder de choses à diresur sa passion et c'est presque frustrant

propos surprenants sur l'inconscience du racisme au visionnage d'AEELV. "Mamsel' Scarlet" était devenu chez nous le slogan même de toute attitude raciste. pas besoin d'être noir ou métis pour ça!

J'ai vu ce film en famille, dans les années soixante. 

Je devais avoir treize ou quinze ans et je me souviens de l'avoir trouvé chiantissime (on ne disait pas chiantissime à l'époque). 


Les bons sentiments, le pathos vibrato sur un monde qui s'écroule, tout cela m'avait échappé. 


Je trouvais les personnages et  l'intrigue (sic) complètement hors sol et justes destinés à faire se pâmer mes sœurs (tout petit j'étais déjà macho).


Je ne sais plus qui a dit " Avant d'être un art, le cinéma est une industrie". 


Et de ce point de vue,  je crois que ce film était un très bon film : Destiné à remplir les salles où que ce soit pour drainer un maximum de dollars dans les poches des producteurs il "a fait le job" comme on dit chez les branchouilles.


Je ne suis donc pas trop surpris que l'industrie du cinéma tente aujourd'hui de recycler, serait-ce au prix d'une "recontextualisation" bien marquetinguée, les vielles sauces qui ont bien marché dans les nouvelles casseroles du politiquement correct.


Emission intéressante, plus un débrouissaillage qu'une vraie analyse, plein de pistes à explorer. Aujourd'hui ce film est un document, un genre d'artifact qui nous montre le sud des années 1860 à travers le prisme des années 30. Hattie McDaniel a longtemps été attaquée par la NAACP pour ces rôles presque exclusivement de bonnes (peu probable qu'on lui ait offert autre chose), elle répondait régulièrement qu'elle préférait jouer une bonne pour $700 la semaine que d'être une bonne pour $7 la semaine. Rafik se trompe un peu sur la nomenclature utilisée pour les noirs qui semblent adopter le point de vue de leur maître, toujours employée aujourd'hui, et l'insulte suprême: être un Uncle Tom (pas un n...r qui est utilisé dans un autre contexte). 

Une idée pour une prochaine émission: le rôle du serviteur, de la femme de chambre dans le cinéma, pas seulement le film de Bunnuel mais je pense à Lisette et les autres domestiques dans la Règle du jeu, à tous ces films anglais où le valet a un rôle principal...la dynamique de classe est fascinante. 

On pourrait aussi rajouter que le film participe à l'époque à la criminalisation des Noirs dans l'opinion publique, comme l'avait fait The Birth of a Nation, en présentant les Noirs affranchis comme désœuvrés et dangereux (voir l'impressionnant documentaire The 13th) Sans que le nom du Klan soit prononcé, le fait que les amis blancs de Scarlett organisent une expédition punitive dans le "shantytown", c'est-à-dire le bidonville où se regroupent les affranchis, est une claire référence au KKK. L'idée même de présenter les Sudistes comme une sorte d'aristocratie sans titre, des "chevaliers" qui se battent pour défendre leurs femmes, leurs valeurs et leur civilisation est une reprise des discours suprémacistes de l'époque.


Et à propos de la place des femmes, il n'est pas nécessaire de se limiter à la scène du viol conjugal : toutes les scènes de baiser entre les deux héros sont le résultat d'une surprise ou d'une contrainte... On est bien là dans l'expression de la culture du viol.

Je ne crois décidément pas qu'il soit pertinent de "refaire le film" ou de réécrire le livre. Ça m'apparaît en fait comme uns sorte de falsification, une entreprise d'effacement des traces. Nous devons garder le souvenir de "Tintin au Congo", et lire, parallèlement, "Congo, une histoire" de Van Reybrouck (il est vrai que ce n'est pas du même niveau, mais bon, un peu de courage). 


Par contre, regarder désormais d'un autre oeil ces livres qui nous ont captivés, ces films qui nous ont enchantés. Une commentatrice a parlé des femmes giflées avec notre complicité gourmande (Gabin, par exemple, dans "Touchez pas au grisby"). J'ai revu ça récemment, et ça m'a paru tellement intolérable que tout le film en a été contaminé.

Émission très intéressante sur la représentation des Noirs en général et des Noirs Américains en particulier, notamment sur la question de leur statut de pas tout à fait Américains (à noter là-desus que dans son Birth of a Nation de 2016, Nate Parker choisit de les désigner comme simplement Africains, puisqu’ils n’ont justement pas encore accédé au rang de citoyens au moment de la révolte d’esclaves dépeinte dans son film).


Mais quelle énorme erreur de dire qu’« il n’y a rien de politique là-dedans » ou que « le reproche principal [qu’on peut faire à Autant en emporte le vent] c’est de montrer l’intériorisation de la domination, comme si ce n’était pas oppressif ». Car il y a un autre reproche à lui faire, bien plus important que tout ce qui a été dit, et c’est l’idée de la “Lost Cause”, la Cause Perdue, expression que vous n’avez à aucun moment prononcée. Nous sommes là au cœur de la politique, de l’idéologie, de la réécriture de l’Histoire.


Certes, l’époque représentée dans le film est celle des années 1860, mais la naissance, puis la montée en puissance de la Cause Perdue surgit à partir des années 1890-1910, et continue de vivre aujourd’hui encore. Ce sont quelques idées simples qui peuvent se résumer ainsi : l’esclavage ne fut pas la cause principale de la guerre, le Sud ne cherchait qu’à se défendre contre un agresseur qui entendait empiéter sur les droits locaux des États, sur ses valeurs morales, sa manière de vivre, ses traditions. Cette très étrange “narration” née trente ans après la défaite de 1865, sera développée dans tous les livres scolaires du Sud jusqu’aux années 1970. C’est elle qui est derrière la vague de statues érigée dans les années 1910 puis 1930, et qui sera resservie au moment des combats contre la déségrégation des années 1950-1960. C’est elle aussi qui fera apparaître en 1894 la croix confédérée sur le drapeau officiel du Mississipi. On pourrait citer d’autres exemples. Toutes ces manœuvres ne relèvent pas d’un travail de mémoire mais de l’affirmation d’un pouvoir, celui des Blancs. Là, maintenant, en 1910, en 1930 et plus tard. Ces toutes nouvelles statues réaffirmaient ce fait, et Autant en emporte le vent participait de ce discours. Alors oui, une contextualisation est nécessaire pour expliquer cette idéologie qui éclate dans tous les cartons du film, celui d’ouverture que vous avez cité, mais pas seulement.


Dans cette narration, le Ku Klux Klan est simplement une association d’auto-défense. C’est dit brutalement, grossièrement dans La Naissance d’une nation de Griffith, ouvertement dans le roman de Margaret Mitchell : « Bien sûr que Monsieur Kennedy est au Klan, et Ashley aussi, et tous les hommes que nous connaissons. Ce sont des hommes, non ? Des hommes blancs, et des Sudistes. » La même scène est édulcorée dans Autant en emporte le vent qui nous présente une réunion de femmes en train de tricoter, et qui attendent leurs maris partis en “expédition punitive” après l’agression de Scarlett. Pour qui connaît le roman, la scène est très claire, sans aucune ambiguïté. Pour les autres, elle mérite elle aussi une contextualisation.


Dernier sujet enfin, qui mérite une explication, une mise en perspective, c’est le fait que Autant en emporte le vent est aussi l’histoire d’une femme qui manque de se faire exproprier mais qui parvient à redresser sa plantation détruite. Petit rappel : le film sort en 1939, alors que depuis dix ans des millions de fermiers victimes de la crise, de la Grande Dépression, ont connu ce sort. Parce que nous, dans le Sud, on est plus fort, semble dire le film. Grâce à nos valeurs, nos traditions, qui s’opposent à la modernité cynique et corrompue.


Contrairement à ce qui a été affirmé dans l’émission, Autant en emporte le vent est donc bien un film politique qui participa à l’époque de sa sortie à la diffusion d’un message éminemment idéologique, celui de la Cause Perdue. Et aujourd’hui encore, sous Trump, alors que la police flingue des Noirs à tous les coins de rue, ce film continue de remplir cette fonction.

En attendant l’émission où l’on analysera comment il est possible que l’on puisse avoir autant envie de « gifler » les personnages féminins... que dans la liste de « l’éternel féminin«  on puisse citer « la prostitution »... cette émission m’a heurté en tant que femme... j´ai eu l’impression que l’on ne peut pas traiter deux sujets à la fois ... aujourd’hui il était question de racisme, pour la violence de genre il y a déjà eu une autre émission... donc on peut se lâcher. ça m’a tout gâché. 

« ..

J'avais pas mal de choses à ajouter.


Déjà sur la scène des "40 acres et une mule", je regrette qu’aucun intervenant n’ait relevé la promesse du droit de vote… Droit de vote qui n’était toujours pas effectif à Atlanta à la sortie du film. C’est aussi pour ça que ce film est qualifié de "révisionniste" par ses détracteurs.

Un autre extrait aurait pu être montré, encore plus problématique : l’arrivée du carpetbagger noir ventru et chantant qui refuse de prendre dans sa voiture un soldat blessé. https://www.youtube.com/watch?v=PUBpMYc-16w


Sur Butterfly McQueen, Il n’est pas tout à fait vrai qu’elle n’a pas eu de carrière après Autant en emporte le vent. Elle n’a pas eu de rôle notable, mais c’est aussi le cas d’Hattie McDaniel malgré son oscar. On peut surtout noter qu’elle détestait le rôle de Prissy et la façon dont les noirs étaient représentés à l’écran.


Sur Rhett Butler comme antiesclavagiste ou au moins traître à la cause du Sud, si à sa première apparition, il est présenté comme cynique et critique sur la société du Sud, ce n’est pas sur son aspect injuste. Surtout à sa 2e apparition, il est applaudi par les habitants d’Atlanta comme un forceur de blocus, c’est-à-dire ceux qui permettent l’approvisionnement de la ville malgré le blocus de la marine du nord. Il soutient au moins autant, si ce n’est plus, la cause sudiste que les soldats (même si c’est dans le but de faire des bénéfices).


Par ailleurs, si Selznick marchait sur des œufs lors de la production du film, c’est parce que le roman de Margaret Mitchell est bien plus problématique que ne l’est le film et les associations de défense des afro-américains s’en étaient émues. 

La 2e partie présente une apologie du Klu Klux Klan représentée comme un groupe de courageux gentilshommes protégeant les femmes blanches des noirs violeurs. Dans le roman, Scarlett est agressée par 2 noirs affranchis et sauvée par le "bon noir", à savoir un de ses anciens esclaves, Big Sam qui retourne joyeusement à Tara après, alors qu’à peu près tous les hommes entourant Scarlett (à l’exception de Rhett) organisent une expédition punitive dans les quartiers noirs. Dans le film, un des agresseurs est blanchi et si l’expédition punitive a lieu, le KKK n’est jamais nommé.

Les associations noires étaient d’autant plus vigilantes qu’il y avait eu le précédent 20 ans plus tôt de Naissance d’une nation qui est un brûlot raciste et qui a contribué au renouveau du KKK dans les années 20… Et dont d’ailleurs la meilleure contextualisation que j’ai vue est celle que fait Spike Lee dans BlacKkKlansman, montrant la diffusion du film à une réunion du Klan avec en parallèle le récit d’un lynchage : https://www.youtube.com/watch?v=AxxKJ2QgPtY 

Ce film qui s’ouvre d’ailleurs sur un extrait d’Autant en emporte le vent.


Parenthèse, j'aurais aimé savoir ce que Rafik avait pensé de la série Watchmen d'HBO qui pose aussi la question du racisme et des représentations.

Sinon Daniel, vous auriez pu dire à Marie-France Malonga que ce n'est pas si grave si elle parle en langage normal plutôt qu'en jargon de sociologue. Les récepteurs comprendront.

L'Oréal vient de supprimer les mots 'blanc", "blanchissant" et "clair" de ses produits. Bienvenue en Absurdie !

La plateforme HBO s'est trouvée confrontée à un autre genre de problème, s'agissant de la diffusion de certains épisodes de "South Park".  Ceux dans lesquels était représenté le prophète Mahomet.

Une "recontextualisation" n'a pas été envisagée.

Un journaliste de la RTB (belge), envoyé spéciale en France, avait commencé à décrire un discours de Georges Marchais à la fête de l'Huma  comme suit: "Aussi long que le film "Autant en emporte le vent"

Façon de dire long et ... emporté par le vent.


Ce journaliste avait un humour redoutable : Armand Bachelier,.

Ses papiers me manquent.


NB Ce film duuure 243 minutes !


Avis a

Dommage que vous n'ayez pas attendu le retour du film avec sa fameuse contextualisation. C'est quand même le résultat qui permettra de juger si le retrait temporaire de ce film valait le coup.

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