Les télés déconfinent De Villiers
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Les télés déconfinent De Villiers

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On ne l’avait pas vu venir. “Les quartiers populaires en France sont des enclaves étrangères”, "Il faut se défendre contre l’islam conquérant”, “On est devant un problème de colonisation barbare”. BFMTV, CNews, LCI, France 5, Europe 1, Sud Radio ont déconfiné de Villiers. Depuis une semaine, il est partout. Un livre et la réouverture de son parc, le Puy du Fou, amplement relayé par M6 et BFMTV, ont été le prétexte au déclenchement de cette offensive médiatique à laquelle on n’était pas préparé. Car si le cas De Villiers et son obsession de l’islam et tout ce qui n’est pas Jésus-compatible est scellé depuis longtemps, la facilité avec laquelle il déroule son discours sans contradiction, devant des journalistes muets, est déconcertante. Une chronique avec tambour et trompettes.

Générique.

Les vacances approchent. Et si vous ne savez pas où partir cet été, on a peut-être une piste. Inutile de feuilleter les catalogues de voyagistes, M6 s'en est chargé pour vous, dimanche 14 juin. Direction la commune des Épesses, en Vendée, où il y a six hôtels, aux ambiances différentes.

“Du style gallo-romain…”

“ou certains carrément moyen-âgeux…”

“Avec des intérieurs pour tous les goûts. Du gaulois rustique...

"... au style Renaissance"

“Mais rien à voir avec le faste et l’ambiance cour du Roi-Soleil du petit dernier.”

Pour vous faire une idée d’ensemble, vous pouviez zapper sur TF1, le même jour :

Et pour connaître les tarifs, fallait compter sur BFMTV, qui est allé directement poser la question au directeur de ces hôtels, trois jours avant la diffusion des reportages de TF1 et M6.

A 120 euros la nuit pour certaines chambres, au milieu de la Vendée, ce n’est pas donné. Mais ça vaut le coup d’après la journaliste. “C’est un bel hôtel, vous allez en prendre plein la vue”.

D’ailleurs, après trois mois de fermeture, voici les premiers visiteurs qui arrivent sous l’œil des caméras de la chaîne info...

Une arrivée que n'a pas loupé M6, qui a filmé leur accueil en grande pompe par le directeur général du complexe : “Vous êtes les premiers visiteurs du Grand Siècle, c’est le nouvel hôtel. Donc, à ce titre-là, on voulait vous offrir une bouteille de champagne en chambre, si vous en êtes d’accord”.

Oui, bienvenue aux hôtels du Puy du Fou, ce parc de loisirs où les visiteurs assistent à des reconstitutions historiques, avec des chars...

des combats d’épées...

Et des costumes lestés de batteries…

Parce que c’est plus joli quand ça clignote la nuit…

Le Puy du Fou ? M6 y a consacré un reportage embedded à l’occasion de sa réouverture…

TF1 n’a pas eu cette chance, la chaîne a donc dû se contenter d’une rediffusion dans Sept à huit

Deux reportages qui cochent toutes les cases de l’embedded!

On y suit les coulisses des spectacles...

On suit également des personnages emblématiques en guise de fil rouge… Sur TF1, c’est le vieil employé, un peu touchant, qui s’occupe des rapaces (“Je n’arriverai jamais à voler moi, alors j’ai l’impression de voler un peu avec eux”).

On suit également la famille catho qui participe bénévolement aux reconstitutions (“Jean-Pierre viendra à bout d’une dizaine de méchants républicains”)

Sur M6, la star est le directeur général du parc, qui, comme Martine, est partout (à la plage, dans la forêt, au théâtre, à l’hôtel, au volant de sa voiturette, dans son bureau)

On suit également Jodie Cartron, l’employée modèle qui s’active pour la réouverture de l’hôtel. Enfin, ce n'est pas une employée classique : “À quelques minutes de l’ouverture de l’hôtel, Jodie devient enfin Cendrillon”, assure la voix off. Une Cendrillon à visière : "Là, on n'est plus un être humain normal. Là, on rentre dans un rôle et faut jouer à fond, quoi". 

Tout doit être prêt pour bien accueillir les clients. Enfin non, ne dites pas "client" comme le rappelle “Anaïs, 28 ans”, la responsable des nouvelles recrues : “On ne dit pas client chez nous, on utilise deux mots, ceux qui viennent visiter le Puy du Fou, les visiteurs donc, et après ceux qui viennent dormir dans nos hébergements thématisés, ça va être les hôtes. C’est vrai qu’au Puy du Fou, on a tout un vocabulaire. Par exemple, ce n’est pas juste mes salariés, ça va être mes équipes, des talents du Puy du Fou. Quand on rentre ici à l’hôtel, c’est l’entrée des artistes. Voilà, ce n’est pas juste l’entrée et la sortie.” Et ça, ce n’est pas juste un spot publicitaire pour le Puy du Fou, mais un reportage embedded qui pénètre dans les coulisses du parc. Oui, c’est important le vocabulaire.

Si le Puy du Fou a ouvert ses portes aux caméras, c’est pour passer un message aussi transparent que du gel hydro-alcoolique : tous les moyens ont été mis en œuvre pour accueillir des “visiteurs” en toute sécurité.

Fou du Puy du Fou

Convaincu qu'il faut vous rendre au Puy du Fou ? Si vous avez encore un doute, demandez conseil auprès de Candice Mahout, la cheffe du service culture de BFMTV. Le 11 juin, elle était en duplex depuis le Puy du Fou toute la journée. Un peu comme le DG et Martine, on l'a suivi partout...

Mahout sur la scène…

Mahout dans les tribunes...

Mahout dans les bois...

Mahout dans une tonnellerie..

On a même eu le droit à Mahout en reporter de guerre (en duplex d’une tranchée de la Première guerre mondiale).

Un beau spectacle. Et comme c’est du spectacle, pas un mot sur le fond. Ni sur TF1, M6 ou BFMTV. Pour compléter vos fiches d’histoire, on vous conseille plutôt trois articles passionnants sur le sujet (France Culture, Le Monde et Slate). De quoi mettre à jour vos connaissances sur le contre-récit du “génocide vendéen”, terme controversé et balayé depuis longtemps par l’histoire académique.

Mais au Puy du Fou, on est assez éloigné de l’histoire. Dans le spectacle “Les Vikings”, quand des “barbares” attaquent un village chrétien, il ne faut pas s’étonner de voir débarquer Saint-Philibert, marchant sur l'eau, et dont “l’apparition miraculeuse rétablira la paix”, souligne TF1.

Pas très historique tout ça, comme l’a reconnu lui-même l’actuel “président du grand parc”, Nicolas de Villiers, au Monde : “On n’est pas historiens, on fait du légendaire. On joue sur les lieux communs que partagent toutes les civilisations : l’amour, la mort, la souffrance et l’espérance, en cherchant simplement dans l’histoire des hommes leur part lumineuse. Pour qu’à la fin, le spectateur ressorte rassuré sur la nature humaine”.

Et pour se rassurer sur la nature humaine, on peut compter sur celui qui était retiré des affaires depuis dix ans, mais marche sur l’eau depuis peu : Philippe de Villiers. Pendant le confinement, le fondateur du Puy du Fou est sorti du bois pour alerter sur les risques financiers d’une fermeture prolongée de son parc. Un appel entendu par Emmanuel Macron en personne, qui lui aurait donné l’autorisation de rouvrir plus tôt. Tel est le récit raconté par de Villiers, un vrai champion de la communication quand on sait que le Puy du Fou, qui a donc eu les faveurs des télés, n’a rouvert… que quatre jours plus tôt que le Parc Astérix.

“Vous dites des choses parmi les plus intelligentes”

Mais qu’importe, à la faveur de cette réouverture et d’un livre écrit en quatrième vitesse pendant le confinement et intitulé Les Gaulois réfractaires demandent des comptes au Nouveau Monde, De Villiers a fait la tournée des plateaux télés et des radios. BFMTV, CNews, LCI, France 5, Europe 1, Sud Radio...

Et le moins qu'on puisse dire est que son retour a été plutôt bien accueilli par les journalistes. A commencer par l’irremplaçable Pascal Praud, grand fan du Puy du Fou (et de son fondateur) : “Moi je trouve modestement qu’on traverse une crise intellectuelle et culturelle en France depuis des années, dont vous êtes une victime. Et c’est intéressant votre cas, parce que je trouve que vous dites des choses parmi les plus intelligentes depuis bien longtemps en France".

Praud poursuit : "Vous êtes une personnalité tout à fait particulière, vous avez fait le Puy du Fou qui est une réussite totale, mais on vous fait passer pour un imbécile. Et qui vous fait passer pour un imbécile ? Disons-le, parfois, ça a été les Guignols, ça a été les humoristes, un certain camp médiatique, pour vous décrédibiliser en fait, pour caricaturer.  (...) Et on vous fait passer pour ce que vous n’êtes pas”.

De quoi faire rougir de Villiers : “Je vous remercie parce que je le ressens profondément. J’ai été un paria en fait. Maintenant, je regarde mes combats, mes livres par exemple, les abeilles, les mosquées de Roissy, etc.”

Praud : “Par exemple, le Puy du Fou. J’ai entendu des gens se moquer, ironiser sur le Puy du Fou”. Mince, on est démasqué.

Sur LCI, De Villiers a retrouvé un autre ami…

Un ami qui lui veut du bien. “Quand on a été une fois dans sa vie au Puy du Fou, j’y suis allé à de nombreuses reprises mais c’est vrai que c’est très particulier, on est forcément emballé, on se dit : voilà, cet homme est intéressant”, explique Giesbert.

Dernière vieille connaissance, Ruth Elkrief de BFMTV. Si celle-ci s’est montrée bien plus distante que Giesbert et Praud, De Villiers a rappelé à de multiples reprises qu’ils se connaissaient bien : “On a connu ensemble la chute du mur, vous étiez jeune journaliste”, “Quand vous faisiez les premières interviews avec moi il y a très longtemps, on était loin de penser tous les deux…”

Voilà pour les amitiés journalistiques. Et quand il n’est pas les pieds dans ses charentaises avec ses amis, De Villiers est juste en promo avec les autres journalistes. Une promo tout ce qu’il y a de plus classique avec des éléments de langage qui auraient fait les délices du Petit journal il y a 10 ans : mêmes phrases, mêmes citations, mêmes intonations, d’une radio à l’autre, d’une télé à l’autre. Et même absence de réactions face à ses propos. Car ce qui frappe chez les journalistes qui le reçoivent (1h30 chez Praud, 1h chez Ferrari, 30 min chez Ruth Elkrief, etc.), c’est leur passivité. De Villiers déroule, les journalistes regardent ailleurs. 

Accrochez-vous, c'est parti : “Il faut revenir à l’idée d’une communauté de destin et demain on fera une Europe, une union d’États sur le numérique, sur la lutte contre le terrorisme, sur la culture pour que les petits Européens sachent d’où vient cette civilisation et pour qu’ils aient envie de la défendre contre l’islam conquérant.” (CNews, l’heure des pros). Pas de réaction.

“Moi je dis, merde, ça suffit. C’est mon patrimoine, c’est ma France. Je ne veux pas qu’on touche à ma mère ! Et ceux qui veulent toucher à notre mère, parce qu’ils n’aiment par leur mère, eh bien, ils n’ont qu’à partir.” (Sud Radio). Pas de réaction.

“On est devant un problème de colonisation barbare. Oui, des barbares. Des gens qui en fait sont sans civilisation, parce qu'ils ont perdu la leur, parfois une grande civilisation. Ils ont perdu leurs racines, ils n'ont plus de racines. Ils sont arrivés chez nous et en fait ils veulent se débarrasser de notre civilisation, de nos racines.” (CNews, punchline). Pas de réaction.

“Les policiers se suicident parce qu’ils ont peur, parce que quand ils vont dans les quartiers, on appelle ça les quartiers populaires maintenant, qui sont des enclaves étrangères, ils savent qu’ils risquent leur peau” (LCI). Pas de réaction.

“Il n’y a pas de discrimination raciale en France (...) C’est quoi la France de la province : l’usine qui se démonte, le porte-monnaie qui se vide, et la mosquée qui s’installe.” (CNews, l’heure des pros). Pas de réaction.

Complètement déconfiné, De Villiers est chez lui partout où il y a des caméras, complices. Le sommet étant atteint par Pascal Praud et Elisabeth Lévy (dont on vous a épargné des citations, ne nous remerciez pas). On leur laisse le mot de la fin...

- Praud : “Le Puy du Fou, allons au Puy du Fou ! Vous êtes tous allés au Puy du Fou ?”

- Lévy : “Ah oui !”

- Praud : “On ira au Puy du Fou !”

- Lévy : “Vraiment il faut y aller, il faut y aller !”

Pour les tarifs, on vous renvoie au début de cette chronique. 

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