Nutella : l'heure des pourquoi
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Nutella : l'heure des pourquoi

Après les vidéos virales, la digestion. Jeudi dernier, journaux télévisés et internautes s'étaient rués avec délectation sur les vidéos de ruées sur les pots de 950 grammes de Nutella à 4,70 euros, soldés à 1,41. Trois jours plus tard, certains journalistes se souvenant qu'ils sont journalistes, prennent le temps de réfléchir au phénomène. 

Et comment réfléchir ? En sollicitant des spécialistes. Faute de nutellologues, des généralistes feront l'affaire. Le Parisien et Franceinfo ont donc interrogé des profs de marketing, des sociologues, et des anthropologues. Ces articles débordent de réflexions passionnantes sur "les deux France", les "sociétés non sereines" , les marques iconiques, et les "conséquences inattendues". On y rappelle (et c'est utile) le taux de chômage des communes des hypermarchés où se sont produit les bousculades, 20% au minimum.

Le Parisien a eu aussi une idée différente, une bien étrange idée : la journaliste Elsa Mari est retournée à l'Intermarché de Beauvais, où s'est produite une de ces bousculades, et donne la parole aux clients qui y ont participé. Et c'est dans ce court reportage que l'on plonge vraiment dans la réalité sociale. Ce ne sont plus des chiffres qui parlent, mais des hommes et des femmes, avec leurs mots, leurs mots à eux, et chacune de leurs phrases est une gifle. A commencer par la vague honte de ces clients stigmatisés par le ricanement médiatique.

Les jours précédents, raconte Elsa Mari, la promo s'étalait aux arrêts de bus, dans les réseaux sociaux, et dans les catalogues de l'hypermarché. "D'habitude, explique un jeune homme, les gens achètent de la pâte à tartiner au premier prix, comme ça ils peuvent mettre de la viande dans leur assiette. Là, ils peuvent s'offrir de la marque". Et puis, c'était la fin du mois. " A cette période, dit une mère de trois enfants, il me reste parfois 20 ou 30 euros. C'est un produit de luxe, comme le vrai coca".

Accessoirement, on apprend que l'on trouve déjà, dans le groupe Beauvais  brocante de Facebook, des pots revendus à 3 euros. "S'ils en ont acheté dix, dit une jeune femme, ça fait 15 euros de gagnés". Elsa Mari n'ajoute rien. Aucune réflexion de spécialiste, aucun jugement personnel.  Elle a bien raison.

D'autant que les choix de titraille du journal disent tout seuls la stupéfaction des journalistes découvrant les peuplades beauvaisiennes. "C'est un produit de luxe, comme le vrai coca" : de cette  phrase, Le Parisien a choisi de faire un intertitre. Choix compréhensible, tellement compréhensible, et qui trahit, sans qu'il soit besoin de commentaire, l'infranchissable fossé entre ceux qui parlent ici, et ceux qui recueillent cette parole.



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