Une fois de plus, lisant la belle lettre de Cécile Duflot à François Hollande à propos des opérations policières d'évaporation de migrants dans le Nord de Paris, on ne peut pas ne pas repenser à la lettre de Jules-Géraud Saliège, archevèque de Toulouse, lue en chaire en 1942 par tous les curés du diocèse. "Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes". Dire cela en 1942. Le dire simplement parce que les mots, à un moment, deviennent irrésistibles.

Une fois de plus, s'impose en filigrane le parallèle, absurde mais irrésistible, lui aussi. Absurde, car si la détresse des parias est la même en gros  plan, les situations, dès que l'on élargit le champ, n'ont évidemment rien à voir. Duflot évoque les images "sinistres" de migrants embarqués de force dans le métro. Mais non. Ces images ne sont pas "sinistres". Un wagon de métro sur la ligne 6 n'est pas un wagon à bestiaux vers la Pologne. Elles sont simplement très inquiétantes. Terribles parallèles, qu'imposent pourtant les toutes simples références à la France, ou à...l'humanité élémentaire. Chassez les de votre tête, ils reviennent au galop. Ces riverains de la Halle Pajol, qui ne se sont jamais engagés en politique, mais descendent tout de même de leur appartement, et forment chaîne humaine, pour protéger les évaporables, et leur préparer à dîner : quelle autre pulsion animait les Justes de 42 ?

Soyons patients. Anne Hidalgo, maire de Paris, se réveille. Elle souhaite ouvrir un lieu d'accueil, pour quelques jours, le temps que les arrivants réfléchissent, précisent leurs intentions. Parfait. Il faut les imaginer arrivant à Paris, ne parlant pas la langue, soudain environnés d'une meute indistincte de riverains, de badauds, de policiers, de journalistes, de responsables associatifs. Cette ouverture prendra quelques semaines, quelques mois. Mais les autres ? Que font, que disent les autres responsables gouvernementaux, ou... ecclésiastiques ? Que disent, et surtout que font, puisqu'on parlait de Mgr Saliège, les dignitaires religieux d'aujourd'hui ? Que font les curés, les rabbins, les imams ? Qu'attendent-ils pour ouvrir aux parias leurs églises, leurs synagogues, leurs mosquées ?