Léa et les chics types (et les lunettes)
Dans la série "Z'avez pas vu ma mue ?"
, après la sono qui marche, les éclairages impeccables, les images "fournies par le candidat"
diffusées en direct de Villepinte par les chaînes d'info privées, aujourd'hui les lunettes. Z'avez pas vu mes lunettes ? Des lunettes de dentiste, lis-je sur Twitter. De belles lunettes, en tous cas. Qui respirent la bienveillance, la mesure, l'étude patiente des chiffres à décimales, des dossiers touffus. Avec des lunettes comme ça, il peut se permettre un vrai échange avec le ministre de l'Économie, sur les tarifs régulés de l'électricité. Il peut dire n'importe quoi, ses lunettes parlent pour lui. Personnellement, c'est à ce moment que j'ai décroché, hier soir, de sa "première grande émission politique"
(dixit Léa Salamé, sans rire). Vaincu par ses lunettes.
Je dis "Léa Salamé", mais pour Zemmour, c'est "Léa"
tout court. Léa par-ci, ma chère Léa par-là. Sans réaction aucune de la part de la journaliste. Et pour cause. Jusqu'en 2014 – rappel pour nos jeunes abonnés – Éric et Léa s'amusaient ensemble chaque semaine à se disputer sur le plateau de I-Télé, en compagnie du copain Nicolas (Domenach). Cahuzac, le mariage gay, la théorie du genre : on savait rire, en ce temps-là. "Vous êtes deux chics types"
tint à leur dire Salamé. Quelques mois plus tard, le "chic type" était licencié par la chaîne, pour avoir proposé dans une interview au Corriere della Sera
de renvoyer chez eux des millions de musulmans (je résume, le détail est ici). C'était l'époque où il était polémiste (chut ! Ne plus en parler). Il ne portait pas encore de lunettes.
Le matinaute ne voudrait tout de même pas finir la semaine par une énième déprimante chronique sur Zemmour. Vous avez vu ce qui se passe à Bruxelles ? La commission vient de proposer que les livreurs Deliveroo, les chauffeurs Uber, et tous les employés des plateformes VTC soient désormais considérés comme salariés, avec les droits afférents, couronnant ainsi deux ans d'efforts de l'eurodéputée insoumise Leïla Chaibi. C'est un tremblement de terre pour les plateformes, qui ont dépensé des centaines de millions en lobbying pour l'éviter. C'est une défaite pour le gouvernement français, qui ne cache pas sa préférence pour un "statut tiers", entre les deux. Bien sûr, ce n'est pas encore fait, et les lobbyistes vont maintenant se transporter au Parlement européen, puis dans les parlements nationaux. Mais c'est un progrès, un vrai, pour la vie de millions de personnes. À ceux qui cherchent où est la gauche, ce qu'elle fait au jour le jour, loin des caméras, pas besoin de lunettes : elle est là (sur l'univers des livreurs VTC, je ne saurais trop recommander l'excellent roman de Benoît Marchisio, Tous complices,
Les Arènes).
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