La retraite des morts, d'hier à aujourd'hui
chronique

La retraite des morts, d'hier à aujourd'hui

Qu'est-ce qui fait une infographie réussie ? Je ne parviens pas à détacher mes yeux de ce tableau de Libé. Regardez-le bien, regardez bien quand s'élargit la bande violette, quand elle s'amincit, vous ne le verrez pas ailleurs. En rose, la ligne des personnes encore en vie, selon l'âge, parmi les 5 % les plus pauvres de la population. En violet, la ligne des personnes encore en vie parmi les 5 % les plus riches. La ligne verticale en pointillés, c'est l'âge légal de la retraite, à 62 ans (sachant que l'âge du départ au taux plein se situe entre 65 et 67 ans, en fonction de l'année de naissance). La signification est indiquée par le titre : "À l'âge de la retraite, 25 % des plus pauvres sont déjà morts".

Rien de neuf, me direz-vous. Que les plus riches vivent plus vieux, on le sait depuis toujours. En tout cas depuis la loi sur les retraites de 1910, quand la CGT s'opposait déjà à la "retraite des morts" (voir cette chronique de Mathilde Larrère). Mais c'est une réalité que les médias dominants ne cessent d'occulter, sous l'autre réalité (également vraie) que l'espérance de vie générale augmente tendanciellement

C'est pour compenser ces différences d'espérance de vie que François Hollande, lors de la réforme des retraites de 2014, avait créé un "compte pénibilité", rappelle Libé. Lequel compte n'a cessé, tout au long de sa brève existence, d'être matraqué par l'information télévisée, délicieusement compatissante à "l'enfer bureaucratique" qui en résultait pour les patrons (voir ici et ici). Vous avez encore en mémoire, j'en suis certain, ce souple journaliste du 20 Heures de France 2 mimant la difficulté d'évaluer scientifiquement une posture de travail penchée à 30 degrés. "Je n'adore pas le mot pénibilité, parce qu'il laisse penser que le travail serait pénible" disait Emmanuel Macron en 2019. La citation restera l'une de ses plus belles. Moyennant quoi, dès son arrivée, il avait supprimé du compte pénibilité la manutention manuelle de charges, le bruit, les postures pénibles, la vibration mécanique, et les agents chimiques dangereux.

Si vous ne verrez pas l'infographie de Libération au journal télévisé, ce n'est pas parce que de diaboliques rédacteurs en chef travailleront à la censurer. C'est pour la même raison que sont invisibilisés les accidents du travail, comme le rappelait notre récente émission animée par Nassira El Moaddem. Pour la même raison que sont invisibilisés les ouvriers, et les pauvres en général.  Cela s'appelle un système. Je vous laisse le qualifier.

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