Connivence : où sont nos barrières invisibles ?
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Connivence : où sont nos barrières invisibles ?

Quels sont les tabous de la presse, aujourd'hui ? Où sont les barrières invisibles qui enserrent les curiosités des journalistes ?

Vastes questions dont on débattait la semaine dernière -à la Sorbonne, s'il vous plait- avec d'éminents confrères, notamment Raphaëlle Bacqué et Philippe Ridet, du Monde, à propos du livre du politiste Alexis Lévrier, "Le contact et la distance, le journalisme politique au risque de la connivence". Réfléchissant à cette notion de barrière invisible, j'évoquais par exemple ma propre incuriosité à propos de l'existence de la seconde famille de François Mitterrand, dont j'avais appris facilement l'existence en 1988 (sept ans avant sa révélation publique) au cours d'un reportage à l'Elysée, et sur laquelle je n'avais pas éprouvé le besoin d'enquêter plus avant. Vie privée. Aucun intérêt. Saluez le flair, quand on sait que la protection de cette seconde famille fut à l'origine de tous les dérapages gendarmesques du second septennat dudit Mitterrand !

Et aujourd'hui ? Où sont nos barrières invisibles ? Question idiote, eh pomme ! Par définition nous ne le savons pas, puisqu'elles sont invisibles. Comme un seul confrère, Bacqué et Ridet se sont récriés : finies, les barrières. Renversées. Aujourd'hui les politiques sont harcelés jour et nuit de curiosités intempestives. On sait tout, on dit tout.

Prenons tout de même un exemple troublant : l'incuriosité générale de la presse envers les missions précises de la compagne de Benoit Hamon chez LVMH. C'est à la suite du refus de Hamon de participer à l'émission de Karine Le Marchand, que l'on a appris que sa compagne, Gabrielle Guallar, était salariée de haut niveau chez LVMH depuis 2014. Ah tiens. Intéressant, non ? Et qu'y fait-elle exactement ? Mystère.

On pouvait penser que la question titillerait quelques curieux. Raté. Seul un court article de l'ultra-macronien Challenges (donc feu orange à mon Décodex personnel), article repris nulle part, nous en a appris un peu plus ces dernières semaines. Le 15 mars 2015, Guiallar a été repérée devant une commission spéciale du Sénat, défendant la loi Macron, et plus précisément le principe de l'ouverture des magasins le dimanche (notamment en faveur de Sephora, filiale LVMH). Elle est chargée aujourd'hui du dossier du futur Palais LVMH de la Samaritaine, dossier épineux s'il en est, qui pourrait l'amener à s'opposer à la Mairie de Paris à propos de l'accès automobile au bâtiment, situé sur les quais.

Peut-être plusieurs confrères ont-ils enquêté, et jugé le résultat de leurs enquêtes inintéressant. Cela peut se défendre. Sur la loi Macron, Hamon a parfaitement le droit de défendre des positions différentes de celles de sa compagne, et vice-versa. Mais je ne pouvais m'empêcher d'y penser ce matin en entendant Hamon, sur France Inter, patauger légèrement sur les délocalisations (toile de fond, comme on le sait, du récemment césarisé "Merci patron" anti-LV MH de Ruffin).

Evoquant l'article de Challenges au cours du débat, j'ai eu l'impression, troublante, de l'apprendre à mes confrères du Monde, notamment à Bacqué, pourtant co-auteure du portrait de Hamon publié par Le Monde lors de la primaire PS. Vous me direz que maintenant que Hamon et Mélenchon ont scellé leur non-union, c'est à dire se condamnent à jouer les agents d'ambiance pour la suite de la campagne, la question a moins d'intérêt. Je ne peux pas vous donner tort.

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