Merkel rit-elle ?
Pas plus tard qu'hier matin, la France se réveillait au son des martiales déclarations d'Angela Merkel. "Tant que je vivrai", aurait dit la chancelière ("Solang ich lebe") il n'y aura pas d'eurobonds (comprenez, l'Allemagne ne se portera pas garante pour les cigales européennes). Cette promesse aurait été accueillie par des vivats, et des "longue vie!" des députés présents. Et la presse française de titrer, une fois de plus, sur "le diktat de Merkel", qui "durcit le ton", "pose un ultimatum", etc.
Qu'apprend-on, à la lecture attentive d'une dépêche de l'AFP ? Exactement ceci: "aucun des participants interrogés n'était toutefois en mesure de citer exactement les propos de la chancelière mais plusieurs ont indiqué qu’elle avait dit qu’il n’y aurait pas de mutualisation de la dette des pays de la zone euro «tant que je vivrai». Certains ont assuré qu’elle plaisantait à ce moment-là, la chancelière étant peu coutumière de ce genre de propos". Sur twitter, la correspondante de l'AFP à Berlin, Aurelia End, est plus précise, assurant qu'il s'agit d'un emballement médiatique sans fondement. Et que la phrase de la chancelière plaisantine pourrait s'entendre différemment: Merkel aurait pu vouloir dire qu'elle serait morte depuis longtemps, avant que soient réunies les conditions pour les eurobonds (cette interprétation est, je le précise, une hypothèse de ma consoeur de l'AFP, qui se garde bien de trancher). On apprend en outre que les enthousiastes parlementaires étaient membres du FDP, parti libéral allemand, membre minoritaire de la coalition qui soutient Merkel. Ce détail ne change sans doute pas grand chose, mais il était bon de le préciser.
Tout ceci n'est qu'une anecdote. Elle montre simplement comment l'ultra-médiatisation de la crise de la dette contribue à l'hystériser, déformant dans une capitale les déclarations tenues dans le pays voisin. On a connu des guerres éclatant pour moins que ça (ci-contre, le monument commémoratif de la dépêche d'Ems, épisode qui doit rester en permanence à l'esprit de tous les médiologues).
A propos de Merkel, d'ailleurs, on lira avec intérêt cet article du correspondant du Monde à Berlin. On y apprendra que la chancelière est bien plus tolérante envers les cigales allemandes, qu'envers les cigales européennes. On laissera aux spécialistes le soin de l'interpréter, dans un sens ou dans un autre.
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