Michel Onfray et la métaphysique de l'obésité
Brève

Michel Onfray et la métaphysique de l'obésité

Dans sa chronique mensuelle intitulée La mort de Praxitèle, Michel Onfray avoue sa sidération face aux peinturlures de Fernando Botero qu'il a eu l'occasion d'admirer au musée de Medellin, Colombie. Par quel sortilège l'auteur de La métaphysique des ruines (ouvrage consacré aux chefs-d'oeuvre de Monsu Desiderio) en est-il venu à apprécier les images huileuses de Botero ?

« Je connaissais Botero comme tout le monde, ce qui veut dire que je ne le connaissais pas », écrit Michel Onfray. « J’étais intrigué par ces gros personnages, hommes obèses, femmes adipeuses, animaux eux aussi en surpoids… »

Car en effet, la spécialité de Botero c'est l'obésité appliquée à tous, partout. Musiciens, femmes nues, animaux, objets, l'adiposité dégouline en flaques graisseuses :


De ces peinturlures, Michel Onfray ne connaissait que les reproductions ainsi que les scuptures qui furent exposées à Paris, sur les Champs-Élysées (c'était en 1992). Et puis voilà qu'il est invité à Medellin, ville natale du peintre, voilà qu'il visite le musée municipal auquel Botero a offert nombre de toiles (attention : parce qu'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même il existe aussi un musée Botero à Bogota). « J’ai été sidéré par la présence de ces oeuvres, par la force de leurs couleurs faibles, par le pastel qui atténue la violence de ce qui est dit, par l’immensité de ces nains qui saturent la toile, par le monde noir montré de façon claire», écrit-il. Le grand format des toiles l'aura sans doute subjugé…


… au point d'oublier de signaler que nombre de tableaux peints par Botero, visibles dans ce musée ou ailleurs, sont des reprises de peintures célèbres auxquelles l'artiste a fait subir un régime hypercalorique. Reprendre les toiles des autres évite à coup sûr de réfléchir, de chercher de nouveaux sujets ou de nouvelles manières d'aborder un sujet obsédant. Mais de cela Michel Onfray ne parle pas.

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Sans oublier l'inévitable…

Onfray, sidéré, donc. Et puis voilà que « rentré dans ma chambre d’hôtel, j’ai regardé sur internet où j’ai découvert que Botero avait également peint d’autres sujets politiques, notamment les tortures infligées par les américains au nom de leur lutte contre le terrorisme dans la prison d’Abou-Grahib. Botero n’est donc pas que l’artiste des chairs opulentes, des gros corps aux petites têtes, du triomphe de la chair qui prend toute la place dans le corps et laisse la portion congrue aux visages, aux attributs de la sexualité – petits sexes, petits seins. »

Botero a en effet réalisé en 2005 quatre-vingt-sept peintures et dessins sur Abou-Grahib qui furent notamment exposés en 2007 aux USA, à Berkeley en Californie. Voici quelques-unes des toiles de cette série :


Les scènes peintes par Botero n'ont qu'un très lointain rapport avec la réalité des faits qui se sont déroulés à la prison d'Abou-Grahib, les photos prises sur les lieux sont bien plus atroces que les images ci-dessus. Mais là n'est pas le problème. On peut seulement s'étonner de lire sous la plume de Michel Onfray l'affirmation selon laquelle « Botero n’est donc pas que l’artiste des chairs opulentes, des gros corps aux petites têtes, du triomphe de la chair qui prend toute la place dans le corps ». Car si, justement, les corps martyrisés d'Abou-Grahib sont opulents, gras, adipeux. Forcément. Car cette obésité est le truc de Botero, son gimmick, sa marque de fabrique. C'est grâce à elle qu'on reconnaît de loin sa peinturlure et en effet, comme Onfray le remarque dans sa conclusion, on est loin des sculptures de Praxitèle :


Quoi que peigne Botero, ce sera toujours gras, obèse, huileux. Pas pour célébrer un éloge de la différence, non. Pas pour rendre hommage aux personnes obèses qui n'ont pas demandé à l'être. Mais parce que c'est une marque reconnaissable au premier coup d'oeil, comme le M de McDo est reconnaissable au premier coup d'oeil.

Botero / McDo, même combat.

 

Merci à l'aimable @sinaute qui m'a parlé de cet article de Michel Onfray.

L'occasion de lire ma chronique intitulée Golgotart et Jésus bizness où il est par deux fois question de McDo et jamais de Botero.

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