Le cas Leonarda, et le droit ( Eolas)
Brève

Le cas Leonarda, et le droit ( Eolas)

Après la confusion liée à l'emballement médiatique, place au cours de droit. Sur son blog, l'avocat Maître Eolas est revenu sur l'affaire Leonarda en détaillant précisément les multiples étapes de la procédure d'asile, appliquées au cas concret de l'affaire. Verdict ? La procédure administrative a été respectée, la justice n'est pas intervenue, et le sort de Leonarda n'a été abordé qu'à travers la situation administrative de ses parents. Petit plongeon dans les méandres de la procédure de demande d'asile.

L'affaire Leonarda ? "Une banalité affligeante pour tout avocat en droit des étrangers", explique d'emblée Me Eolas. Arrivé en France en 2009 avec sa femme et ses cinq enfants (un sixième naitra en France), le père de Leonarda, Resat Dibrani, est kosovar. Il fait une demande d'asile. Cela passe d'abord par la constitution d'un dossier via la préfecture. "Quand ces obstacles procéduraux sont franchis, généralement avec l'aide d’associations dévouées et efficaces, le dossier est examiné par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides", explique Eolas. L’examen de cette demande prend la forme d’un entretien avec un agent de l’OFPRA, qu’on appelle Officier de Protection (OP). Cet entretien fait l’objet d’une transcription rédigée sur le champ par l’OP lui-même, et portera autant sur les faits fondant la demande que sur des questions visant à s’assurer de la réalité des allégations du demandeurs, notamment de sa provenance".

Dans le cas de Resat Dibrani, Eolas précise qu'"il y a gros à parier que son récit prétendait qu’il habitait le Kosovo quand la guerre a éclaté en 1998. Les Rroms qui arrivent à établir qu’ils étaient au Kosovo en 1998-1999, et tout particulièrement à Mitrovica d’ailleurs, et l’ont fui à ce moment se voient en règle générale accorder l’asile. Leur retour au Kosovo est inenvisageable : ils sont vus comme des collaborateurs des Serbes, leur maison a été détruite ou saisie et les rancœurs sont encore vives". C'est à l'officier de protection de déterminer si le récit est cohérent et crédible. "L’Office n’a pas été convaincue par le récit de Resat, et on sait à présent, de l’aveu du principal intéressé, que c’était à raison. Sa demande est donc rejetée", poursuit Eolas. Vient ensuite le recours à la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile).

A noter que pendant cette procédure, "tant que la demande est examinée, que ce soit par l’OFPRA ou devant la CNDA, le demandeur a un droit au séjour, qui ne peut pas lui être refusé sous prétexte qu’il serait entré illégalement ou même frauduleusement, à savoir avec des faux papiers", précise l'avocat-blogueur. La suite ? Resat D "saisit la CNDA d’un recours, examiné en audience publique où il peut s’expliquer devant 3 conseillers, probablement assisté d’un avocat. Le rejet est confirmé. Il va demander un réexamen, qui sera rejeté par l’OFPRA, les faits nouveaux qu’il invoquait étant soit pas vraiment nouveaux, soit pas vraiment établis".

Au cours de la procédure administrative, la justice n'intervient pas. Le cas de Leonarda n'est jamais directement traitée : "un mineur n’est jamais en situation irrégulière et ne peut faire l’objet d’une mesure de reconduite", explique Eolas. La fille 15 ans est donc dépendante de la situation administrative de ses parents.

Une fois que la CNDA a émis un avis négatif, celui-ci a été transmis à la préfecture du Doubs, où réside Resat D et sa famille. Le refus du renouvellement du titre de séjour a été assorti d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). C'était en 2011. La famille est tout de même restée en France et c'est "Resat D… lui même qui va briser ce statu quo en prenant l’initiative de demander la délivrance d’un titre de séjour “à titre exceptionnel et humanitaire”, en application de la circulaire Valls de novembre 2012", poursuit Eolas. On connaît la suite : "Dans le cadre de cette circulaire, il va demander à bénéficier d’une régularisation à titre humanitaire et exceptionnelle (§2.1.4 de la circulaire). Cette demande a été rejetée le 19 juin 2013, refus assorti d’une OQTF". Contrôlé par la police des frontières à la gare de Mulhouse le 26 août 2013, Resat D est placé en centre de rétention. Un recours a été rejeté par le tribunal administratif, son placement en rétention a été prolongé jusqu'en octobre. Et le 8 octobre, il finit par accepter d'embarquer. Le lendemain, c'est le reste de la famille qui suit (après avoir récupéré Leonarda dans les conditions que tout le monde connaît).

Conclusion de l'avocat-blogueur : "En ce qui concerne Leonarda, il est faux de dire que la loi a été respectée puisque son sort n’a jamais été examiné dans cette affaire. Elle est une victime collatérale de l’expulsion de son père, mais n’était pas en situation irrégulière en France et n’a violé aucune loi. De même qu’il est incorrect d’invoquer l’autorité des décisions de justice, aucun juge n’ayant décidé ni du refus de séjour ni de la procédure de reconduite, ni de ses modalités. Tout ce qu’a dit la justice est que Resat D… n’a pas démontré l’illégalité de ces décisions. Ni plus ni moins. Et l’administration était libre de prendre, en toute légalité, la décision d’accorder une autorisation de séjour à la famille D…"

En revanche, sur l'aspect purement médiatique, Eolas déplore qu'une jeune fille de 15 ans ait été livrée "en pâture" : "demander à une jeune fille de 15 ans de réagir en direct et à chaud, dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle, à une proposition aberrante formulée par le président de la République en personne, qui interpelle une mineure pour lui faire une proposition alors que la loi française dit que seuls ses parents peuvent faire un tel choix (...) est-ce donc cela que nous sommes devenus ? Avons-nous perdu toute décence pour faire ainsi de la maltraitance sur mineur en direct ?"

L'occasion de lire la chronique de Daniel Schneidermann sur l'affaire : "Leonarda, et elle seule"

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.