Oradour et les "malgré nous" (presses allemande et française)
Brève

Oradour et les "malgré nous" (presses allemande et française)

Alors que les présidents français et allemand sont à Oradour-sur-Glane aujourd'hui, la délicate question des Alsaciens qui étaient présents, sous l'uniforme SS, lors du massacre (zappée par France 2) est évoquée des deux côtés du Rhin. Mais en Alsace certains critiquent cette visite, et défendent la mémoire des "malgré nous" incorporés de force, qui furent aussi victimes, selon eux, d'un "crime de guerre". Revue de presse des deux côtés du Rhin.

Vu d'Allemagne

Les "malgré nous" sont de retour dans le débat. La question de ces soldats alsaciens enrôlés de force dans l'armée allemande lors de la deuxième guerre mondiale est au centre des commémorations d'Oradour-sur-Glane. D'abord dans la presse allemande. Exemple : l'article paru, hier, mardi 3 septembre, dans le HNA Witzenhaeuser Allgemeine en page 17, et repris dans d'autres journaux régionaux, remarque que "l'un des habitants survivants du massacre Robert Hébras, accompagnera la visite officielle. Hébras a été condamné à 1 euro symbolique et 10 000 euros de frais de justice pour avoir écrit que les Alsaciens présents ne l'étaient pas contre leur gré, mais qu'ils avaient volontairement rejoint les forces allemandes." Robert Hébras (88 ans), c'est l'un des deux survivants du massacre. Dans un livre sur le massacre d'Oradour-sur-Glane, il parlait justement des "malgré-nous" en écrivant "il y avait quelques Alsaciens enrôlés soit disant de force". Un procès intenté par les association de "malgré-nous" a abouti en 2012. Hébras a vu sa qualité de témoin être déniée car "il n'avait pas distingué les Allemands nazis des Alsaciens et pour avoir douté de l'incorporation de force érigée en vérité historique".

picto François Hollande, Robert Hébras, et Joachim Gauck, le président allemand à Oradour, mercredi 4 septembre, photo de Thomas Wieder, journaliste au Monde.

Pour Der Spiegel, Oradour est "clairement un chapitre délicat de l'histoire française : des Alsaciens faisaient partie des soldats de la SS-Panzer-Division Das Reich. Cette présence dans les forces allemandes est aujourd'hui controversée en France. Certains oublient qu'ils ont volontairement combattu pour Hitler. (...) L'Association des Alsaciens orphelins de guerre de la Seconde Guerre mondiale a demandé au président Hollande de rappeler dans son discours le sort des conscrits forcés de cette zone frontalière."

Le journal autrichien Der Standard souligne, lui, que "Tous les auteurs n'étaient pas allemands. En 1953, outre 7 allemands, 14 Français alsaciens furent inculpés. Ils furent condamnés à mort ou à la prison. Peu de temps après toutefois, l'Assemblée nationale française par 319 voix contre 211 a voté une amnistie pour ces "Malgré nous" qui déclaraient avoir été incorporés de force dans des unités allemandes. (...) c'est toute la question de la Collaboration française".

Ce matin, sur son compte Twitter, Miriam Hollstein, journaliste politique cite le président allemand : "Gauck dit que le massacre d'Oradour, a été commis par des Allemands d'une autre Allemagne".

Le site de la chaîne d'information permanente NTV (affiliée de CNN) consacre un encadré aux Allemands considérés comme coupables du massacre "L'un des principaux responsables du massacre, le SS-Gruppenführer Heinz Lammerding, a été condamné à mort par contumace à Bordeaux. Néanmoins, il a pu refaire sa vie en devenant un businessman à succès qui fait des affaires avec le gouvernement à Düsseldorf. Il n'a jamais eu à répondre de ses actes jusqu'à sa mort en 1971."

"Le premier lieutenant Heinz Barth a été jugé et condamné à la prison à vie en 1983. Pour raison de santé, il est sorti de prison au bout de 15 ans. Mais sans aucun remords: devant verser sa pension aux victimes de crimes de guerre, Barth leur intente un procès en 2000."

"Depuis 2011, le bureau en charge des crimes nazis à Dortmund a rouvert le dossier contre six auteurs présumés du massacre, mais âgés de plus de 80 ans. Trois d'entre eux n'ont pas été interrogés dit le procureur"

   

Vu de France

Le sujet était à la Une des Dernières Nouvelles d'Alsace dimanche dernier "Deux présidents à Oradour"

Un historien, Jean-Laurent Vonau, commente "Tous les Alsaciens seront surtout attentifs à ce que dira Joachim Gauck. C’est de ce côté-là qu’il y a un point d’interrogation. À Colmar, le 8 mai 2010, Nicolas Sarkozy avait reconnu le crime de guerre de l’incorporation de force. Je suis convaincu que François Hollande ne fera pas moins. En revanche, l’incorporation de force n’a jamais été reconnue comme un crime de guerre du côté allemand. Si le président allemand analyse le crime d’Oradour, il me paraît évident qu’il dise deux mots de l’incorporation et de son caractère criminel."

Il ajoute : "La reconnaissance de ce crime par une haute personnalité est d’autant plus importante que la réconciliation franco-allemande ne peut pas se faire sur le dos des Alsaciens."

Le début d'un autre article explique "En Alsace, dont étaient originaires les treize incorporés de force présents lors des exactions, ce déplacement est diversement apprécié."

René Gall, président délégué de l'Association des évadés et incorporés de force du bas-Rhin se dit "outré" et "offusqué" par la visite du président allemand, d'autant plus que le survivant condamné par un tribunal alsacien, Hébras, accompagne la visite.

Le journal cite aussi Philippe Richert, président de la Région Alsace. "Nous savons comment le Limousin et l’Alsace ont été opposés. Les plaies ont cicatrisé, le dialogue est présent. J’ai fait venir le maire d’Oradour pour lui montrer l’espace dédié au drame de sa commune au Mémorial de l’Alsace-Moselle."

Franck Buchy, l'envoyé spécial des DNA à Oradour-sur-Glane souligne sur son compte Twitter affiché "en live" sur le site de son journal : "Oradour: ce matin, la presse locale ne mentionne pas le cas des incorporés de force alsaciens ni le procès de Bordeaux et l'amnistie".

La réconciliation entre le Limousin et l'Alsace n'est pas encore achevée...

L'occasion de relire la chronique de Daniel Schneidermann sur "l'autre Oradour".

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