Journaux censurés en Algérie : propriétaire "discutable"
Brève

Journaux censurés en Algérie : propriétaire "discutable"

Les deux journaux algériens qui évoquaient la mauvaise santé du président Bouteflika n'ont pas pu paraître dimanche, à la demande des autorités. Leur patron, le journaliste, Hichem Aboud, a déclaré que Bouteflika, soigné en France, avait été ramené à Alger, dans un état comateux. Qui est ce personnage qui indispose le pouvoir algérien ?

La France est restée très discrète sur l'état du président algérien, mais le ministère français des Affaires étrangères a indiqué que Boutefika était toujours en France, sans dire où (au Val de Grâce où il a été soigné depuis le 27 avril, ou ailleurs) démentant, ainsi, partiellement, les informations avancées par Aboud, dans les interviews qui ont suivi la non parution de l'édition dominicale de ses deux journaux, Mon Journal et Djaridati.

Alors que le pouvoir algérien a démenti que le président soit dans le coma, après avoir dénoncé la censure qui a empêché la parution de ses deux journaux, Aboud, semble avoir baissé d'un ton. Dans un entretien avec le quotidien El Watan il déclare : "A la fin, j’ai pris les choses du bon côté. Il n’y a pas de panique. J’espère seulement qu’à l’avenir, nos autorités pourraient faire mieux pour éviter de se donner une mauvaise image. Qu’est-ce qui empêche le médecin du président de faire un communiqué sur la santé de Bouteflika ? Pourquoi ne pas diffuser des images prises dans sa chambre, comme cela a été fait en 2005, afin de rassurer l’opinion publique sur l’état de santé de son Président ?"

Qui est Aboud ? Un journaliste, un pion dans la lutte pour le pouvoir algérien, un homme qui travaille toujours pour l'armée, un opposant ?

Un éditorial du quotidien Le Matin, présente Aboud comme "un personnage controversé, un peu barbouze, un peu journaliste, et dont nos censeurs savent qu’il a fait le vide autour de lui" mais ajoute: "Un confrère, fût-il d'une traçabilité douteuse et de mœurs suspectes, a jugé utile de jeter sur la place publique une information que le sérail voulait garder pour lui : c’est tout ce que je retiens de l’affaire Aboud Hicham. Et pour cette seule raison, infime aux yeux des uns, discutable aux yeux des autres, lui et son équipe rédactionnelle ont droit à toute notre solidarité."

Le site kabyle Tamurt évoque l'interdiction des journaux de Aboud sur un ton ironique en titrant "Son quotidien, Mon journal, censuré par le DRS, Hichem Aboud, l’arroseur arrosé!" DRS ce sont les initiales des services de renseignement algériens : le "Département du Renseignement et de la Sécurité."

Journaliste et membre des services de renseignement ?

"Le quotidien Mon journal de Hichem Aboud, un haut responsable du DRS toujours en fonction, est interdit de vente depuis ce matin. Le journal est bloqué au niveau de l’imprimerie sous ordre de l’autorité suprême en Algérie, le DRS, un département où pourtant le premier responsable de ce journal occupe un poste important", avance Tamurt.

Ce n'est pas la première fois qu'Aboud se fait remarquer par des informations sensibles publiées dans son journal. En avril 2013, il accusait Mohamed Raouraoua, président de la Fédération algérienne de football (FAF) et ex-commissaire de la manifestation Année de l’Algérie en France, d'être impliqué dans des affaires de corruption et de malversations.

Mais qui est vraiment Hichem Aboud ? Les éléments biographiques disponibles en ligne (et à prendre avec précaution) tracent le portrait d'un personnage à mi--chemin entre politique et renseignement. Selon sa fiche Wikipedia, il s'engage dans l'armée en 1975, travaille dans plusieurs journaux après avoir fait des études de journalisme. Puis "il rejoint la direction du commissariat politique de l'armée algérienne" avant de quitter l'armée en 1992, pour lancer un quotidien qui déplaît au pouvoir. Pendant les onze mois durant lesquels il le dirige, il est plusieurs fois condamné pour "délit de presse". Puis correspondant du Quotidien de Paris, il se voit retirer son accréditation, et continue. Ce qui lui vaut, selon Wikipedia, une inculpation pour "intelligence avec une puissance étrangère" en février 1997. Il quitte alors le pays et s'installe en France.

En 2002, il publie, en France, chez Jean-Claude Lattès, La Mafia des généraux qui dénonce le système militaro-politique algérien.

A propos de ce livre, en avril 2013, Aboud déclare au quotidien El Watan, "Les généraux cités ont utilisé le ministère de la Défense pour déposer une plainte contre moi. (...) Ce livre n’est plus d’actualité, mais reste un livre d’histoire. La justice m’a donné raison puisque j’ai été acquitté. Mais le livre a été interdit en Algérie par décision de justice", a-t-il affirmé. Et d’ajouter : "Je sais qu’en France, l’Elysée est intervenu pour qu’il n’y ait plus de réédition du livre après la quatrième édition. Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur, s’est fait tirer les bretelles à l’Elysée après avoir publié une interview avec moi."

En octobre 2011, Aboud aurait quitté la France pour rentrer en Algérie. Un blog politique algérien commente ainsi son retour : "L’ancien officier de la Sécurité Militaire, Hichem Aboud, en «exil» en France depuis quatorze ans est rentré en Algérie." Il aurait été "chargé d’infiltrer les milieux de l’opposition en Europe."


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