Le New Yorker, avant et après Newtown
Brève

Le New Yorker, avant et après Newtown


Chris Ware est un illustrateur et auteur de bédés qui travaille régulièrement pour l'hebdomadaire The New Yorker. En septembre 2012 il dessina pour ce magazine une couverture montrant une scène habituelle, banale : des écoliers rentrant en classe après une promenade sous l'oeil de leur institutrice, celle de sa fille.

En janvier 2013 Chris Ware reprit le même sujet, et la comparaison des deux images est éclairante.

Couverture du 17 septembre 2012

C'est le matin, des élèves entrent dans leur école. Nous savons que c'est le matin, parce que certains d'entre eux tiennent en main un petit sac ou une lunch-box contenant leur repas de midi. La maîtresse regarde vers l'intérieur de l'établissement, vérifie que personne ne manque à l'appel. Pendant ce temps, les parents s'éloignent. Ils parlent entre eux ou consultent leurs messages sur leurs téléphones portables, tournent le dos à leur progéniture, ne voient pas la petite fille avec le sac à dos rouge (celle de ChrisWare, peut-être) qui se retourne et regarde vers nous en souriant.

Le point de vue est placé en hauteur. C'est une espèce d'oeil omniscient, qui veille tranquillement sur ce petit monde aux couleurs de l'été indien. Il n'arrivera rien. Que pourrait-il arriver ?

Couverture du 7 janvier 2013


Un matin d'hiver, des élèves entrent dans leur école. Ce n'est pas la même que dans la première image, celle-ci est située dans une grande ville. Là aussi, la plupart d'entre eux tiennent en main un petit sac ou leur lunch-box. La maîtresse regarde vers l'extérieur, d'où peut surgir le danger. Pendant ce temps, les parents regroupés sur le trottoir regardent leurs enfants pénétrer à l'intérieur de l'école. Ils s'assurent qu'il ne leur arrivera rien, attendent que la porte se referme.

Le point de vue "idéal", celui de la caméra qui contemple de loin et de haut le petit monde tout en bas, est ici remplacé par un point de vue plus réaliste, plus terre-à-terre, situé à l'intérieur du bâtiment et à hauteur d'homme. Ce pourrait être l'oeil d'une seconde institutrice ou d'un vigile qui observe, dans ce décor sombre, les écoliers.

L'insouciance a fait place à l'inquiétude, tout le monde a en tête le massacre de Newtown du 14 décembre dernier, vingt-huit morts dont vingt enfants.

♦ ♦ ♦

Le 13 septembre 1993, Art Spiegelman (l'auteur de Maus) faisait la une du New Yorker avec cette couverture un tantinet satirique :


Il la mit en ligne le 30 décembre dernier, sur sa page Facebook. "I did this New Yorker cover in 1993. Colombine happened in 1999, Newtown in 2012, nearly 20 years later. My wish for 2013: let Newtown be remembered as the turning point—I’m hoping that kids with guns can become ironic again", écrit-il.

"J'ai fait cette couverture pour le New Yorker en 1993. Colombine eut lieu en 1999, Newtown en 2012, presque vingt ans plus tard. Mon souhait pour 2013 : qu'on se souvienne de Newtown comme d'un tournant — J'espère que montrer des enfants avec des armes redeviendra une plaisanterie."

C'est mal parti : la NRA (la National Rifle Association, le lobby pro-armes), qui impute la responsabilité du massacre de Newtown et Colombine aux jeux vidéo, vient de lancer cette semaine une appli iPhone permettant d'apprendre à tirer. La NRA n'est pas à une contradiction près. Baptisée NRA: Practice Range, cette appli est gratuite et en accès libre dès l'âge de quatre ans (!) sur la plate-forme iTunes. Apple, partenaire de la NRA, donc.


Lien
Chris Ware évoque, sur le site du New Yorker, les circonstances dans lesquelles il a réalisé ces deux couvertures. Il ne les analyse pas mais parle notamment des armes en libre circulation.

L'occasion de lire ma chronique intitulée Pendant ce temps les massacres continuent.

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