Les Invisibles est un film documentaire de Sébastien Lifshitz qui sortira mercredi prochain 28 novembre 2012. L'affiche de cette estimable bobine nous montre deux femmes nues debout, de dos. Deux Grâces, presque trois.

Les trois Grâces incarnent, dans les mythologies grecque et romaine, la plénitude de la vie (les Grecs les appelaient Charites). Euphrosyne est l’allégresse ou encore le courage, Thalie est l’abondance ou la joie et Aglaé la splendeur ou l'éclat.

Il s'agit là d'un classique de la peinturlure occidentale, un sujet maintes et maintes fois traité pour au moins deux raisons : il permettait aux artistes de représenter la même femme sous trois angles différents tout en essayant de ne pas reproduire les poses déjà peintes par les collègues et c'était un-vrai-défi-t'as-vu-cette-pose-t'y-avais-pas-pensé-à-celle-là ; il permettait aux "amateurs d'art" de se rincer l'oeil sans se sentir coupables puisqu'il s'agissait là de mythologie. Exemples.

Fresque pompéienne, Ier siècle avéjicé

Le Printemps par Sandro Botticelli, vers 1482

Un tout petit tableau de 17 x 17 cm :

Les trois Grâces par Raphaël, 1504

Ci-dessous, une peinturlure comparable à la double page centrale de Playboy : Cranach avait en effet monté un atelier dans lequel s'affairaient des assistants chargés de produire des Grâces et des Vénus à la pelle, autant de rénettes dénudées à prétentions mythologiques :

Les trois Grâces par Lucas Cranach, vers 1530

Les trois Grâces, école flamande d'après Allori, XVIe s.

Rubens peignit lui aussi des cargaisons de Grâces, en voici une version :

Les trois Grâces par Pierre Paul Rubens, 1620-1622

Les trois Grâces par Jean-Baptiste Regnault, XVIIIe s.

Les trois Grâces par Edward Burne-Jones, 1890

Les trois Grâces par Lovis Corinth, 1904

Soleil d'automne par Frantisek Kupka, 1906

Les représentations des trois Grâces suggèrent parfois, comme celle ci-dessous, une relation homosexuelle :

Les trois Grâces et Aphrodite surprises par un mortel
par Jacques Blanchard, 1633
(on se demande un peu par quel hasard ce type passait par là)

Le film Les Invisibles traite justement l'un des multiples aspects de ce sujet puisqu'il met en scène des homosexuels nés dans l'entre-deux-guerres qui racontent leur vie hors des clous.

"Bien que le thème abordé soit l’homosexualité, précise Allociné.fr, le titre Les Invisibles renvoie surtout aux personnes âgées. Partant du constat que la presse ne s’intéresse que très peu aux personnes de cette classe d'âge et que la presse spécialisée ne s'adresse qu'aux homosexuels trentenaires, les plus de 70 ans seraient ainsi les grands oubliés de notre société, ne disposant d'aucune représentation."

La bande-annonce :

Les Invisibles, un film qui promet d'être intéressant et qui passera peut-être en projection privée à l'Élysée. Ou pas.

Les trois Grâces au musée du Louvre
par Brassaï, 1937

L'occasion de lire ma chronique intitulée Silvio, beau comme de l'antique ! où il est question de peinturlures revisitant l'Antiquité en compagnie de Berlusconi, amateur d'art méconnu. Et aussi ce Vite dit où il fut question de trois Grâces cranachiennes censurées.