Pas vraiment une destination touristique, le Kazakhstan. Gouverné depuis 21 ans par le dictateur Noursoultan Nazarbayev, le pays vit sous un régime autoritaire.
Mais cette facette a été laissée de côté par CNN, qui s'est rendue sur place pour une série de 9 reportages courts, aux allures de films promotionnels. Parmi les sujets abordés par la chaîne américaine, la richesse du sous-sol kazakh, qui regorge d'hydrocarbures et de minerais, mais aussi le développement de la capitale, Astana. Les journalistes louent un pays ouvert sur l'extérieur et surtout, propice aux investissements étrangers... caractérisés dans ce reportage par l'implantation d'Eurocopter |
Autre facette du Kazakhstan explorée par CNN, son potentiel touristique.
Ce pays d'Asie centrale, voisin de la Russie et de la Chine possède des massifs montagneux, propices au développement des sports d'hiver.
CNN se penche ainsi sur une station qui n'a "rien à envier" à celles que l'on peut retrouver en Europe ou aux Etats-Unis.
Surpris par le travail de CNN, le mensuel américain The Atlantic a cherché à en savoir plus sur les coulisses de ces reportages. A la lecture des certains papiers publié sur le site de la chaîne en marge des vidéos, un détail a alerté les journalistes : "Vous remarquerez peut-être un avertissement au bas des articles :«La série Eye On diffusée par CNN est souvent parrainée par les pays que nous visitons. Pour autant, nous conservons un contrôle total sur la partie éditoriale de ces reportages.»" Dans le même temps, les vidéos sont compilées sur une page web qui, à travers articles et infographies, présente le Kazakhstan sous tous ses aspects, à l'exception bien sûr de l'absence de démocratie.
On remarque la bannière publicitaire en haut de la page, qui fait la promotion de la candidature kazakh pour l'expo internationale de 2017
Aucun chiffre n'est dévoilé, mais le "partenariat" évoqué par CNN est assuré par une entreprise locale, Samruk-Kazyna, et le "forum économique d'Astana". "Samruk-Kazyna est une holding gérée par l'Etat qui gère des actifs et des ressources nationales d'une valeur de plusieurs dizaines de milliards de dollars", indique The Atlantic.
Vus les sujets abordés par la chaîne - le commerce kazakh et les nombreuses ressources du pays - on peut raisonnablement penser que le partenariat a été effectué contre monnaie sonnante et trébuchante.
Autre indice relatif à l'indépendance éditoriale toute relative de la chaîne : le magazine souligne les liens étroits entre certains intervenants des vidéos et le pouvoir en place. L'économiste Darmen Sadvakasov, interrogé par CNN, a par exemple dirigé un cabinet proche du président, au moins jusqu'en octobre dernier. Même cas de figure pour un "expert dans le domaine de l'énergie", qui loue le travail du gouvernement en la matière. Après quelques recherches, il s'avère que l'homme est employé par une association de scientifiques, dirigée par... le président kazakh lui-même. Surpris par les conflits d'indérêts dans ces reportages, le journaliste de The Atlantic glisse une comparaison : "Imaginez si CNN avait interviewé Peter Orszag, directeur entre 2009 et 2010 du bureau de gestion du budget auprès de Barack Obama. On lui poserait alors des questions comme à un simple économiste pour évaluer la politique économique du président américain." Le parallèle a de quoi interpeller. Interrogé par The Atlantic, un porte-parole de CNN a assuré que les interviews avaient été organisées par l'équipe éditoriale de CNN International.
Il faut tout de même souligner qu'avant cette série de reportages vidéo, le site de CNN avait consacré un article plus critique au régime kazakh, en décembre 2011. Il faisait état des violences policières envers des manifestants, relayées entre autres par l'association Human Right Watch. Depuis, les opérations de com' menées par le gouvernement ont manifestement porté leurs fruits. Selon The Atlantic, le régime emploie quatre agences de relations publiques, dont celle de Tony Blair.
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