Bricq, éphémère ministre de l'écologie à cause de Shell ?
Brève

Bricq, éphémère ministre de l'écologie à cause de Shell ?

Pourquoi Nicole Bricq est-elle passée du ministère de l’Écologie à celui du commerce extérieur lors du mini-remaniement intervenu jeudi ? Selon Le Monde, ce transfert, loin d'être une promotion, serait lié au lobby pétrolier, qui a réussi à casser la décision de la ministre de stopper l'exploitation d'un forage pétrolier au large de la Guyane. Un dossier qu'avait suivi Mediapart, qui assure que Bricq avait effectivement perdu la main sur le dossier. Tout en précisant que d'autres raisons pourraient expliquer son éviction de ce ministère.

"Comment le pétrole de la Guyane a eu raison de la ministre de l'écologie". Pour Le Monde, la cause est entendue: "L'affaire de la suspension des forages de Shell au large de la Guyane" aura "fait une victime : Nicole Bricq". De quoi s'agit-il ? Le 14 juin 2012, celle qui est encore ministre de l'écologie prend la décision de "retarder l'exploration du bassin pétrolier de Zaedyus, à 150 kilomètres des côtes du département d'outre-mer (DOM)" en stoppant la signature de deux arrêtés préfectoraux nécessaires pour commencer l'exploration. Pourquoi cette décision ? Mediapart, qui a suivi l'affaire dès le 14 juin, indique que le gel de ces permis de recherche exploratoire devait permettre une refonte du code minier, car "la prise en compte des problématiques d’environnement" n'était "pas satisfaisante". En clair, Bricq voulait imposer davantage de contraintes aux industriels pour une meilleure protection de l'environnement.

D'après Le Monde, cette décision est loin d'avoir fait consensus. "Nicole Bricq a «foncé» dans cette opération, oubliant, par exemple, de prévenir Shell de sa décision et forçant visiblement la main, en tout cas en partie, à son collègue Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif." Résultats ? Une semaine après, "le dossier a été repris en main par le Premier ministre et le préfet de Guyane a reçu l’autorisation de signer les arrêtés préfectoraux permettant la relance des travaux", explique Mediapart.

Pour quelles raisons le gouvernement a-t-il fait volte-face ? En raison d'une double mobilisation indique Le Monde : "Celle des élus de Guyane attachés à la poursuite des forages et à leurs retombées fiscales et économiques. Victorin Lurel, le ministre des outre-mers, fut leur relais parisien. Mais c'est surtout la voix des groupes pétroliers et des industriels qui semble avoir pesé. La colère de Shell a été suivie de celle de Total, de l'Union française des industries pétrolières (UFIP) et de Laurence Parisot, présidente du Medef, qui en ont appelé directement à Matignon, voire à la présidence de la République".

Autres hypothèses sur les raisons de son départ

Bricq, victime du lobbying pro-pétrole ? C'est la thèse du Monde, développée également par Mediapart. Mais à la fin de l'article, le site d'information relève toutefois d'autres raisons qui pourraient expliquer son départ du ministère de l'Ecologie. Des raisons d'abord plus politiciennes : "La principale chose qui a joué, c’est qu’il y avait un contexte pour faire de la place aux amis de Royal, et qu’il fallait dégager un ministère de plein exercice", analyse un membre du gouvernement.

Autre hypothèse : l'erreur de casting. "Elle et son équipe paraissaient larguées, décrit un membre du Comité national du développement durable et Grenelle environnement à Mediapart. Ils ne semblaient pas rentrer dans le fond des dossiers. Il y a cinq ans, les premières réunions avec Borloo étaient hallucinantes parce que ça partait dans tous les sens, mais il était là à fond. Elle avait l’air perdu. Il y a peut-être eu un malentendu : pour beaucoup, le ministère de l’écologie, c’est encore un petit portefeuille, un ministère de mission. Alors qu’en réalité, il y a 118 000 agents à gérer. C’est un ministère opérationnel, d’ouvriers, de centres d’études techniques, de travaux. A 90 %, c’est l’ancien ministère de l’équipement".

Bricq devait par exemple organiser une grande conférence environnementale en juillet, mais aucun participant n'avait été contacté et la conférence allait sans doute être reportée à septembre. Difficile pourtant d'imaginer que ces problèmes d'organisation puissent expliquer son éviction du ministère, d'autant plus que sa remplaçante, Delphine Batho, n'a pas vraiment de compétence en matière d'écologie (elle était plutôt spécialiste des questions de sécurité).

Dans tous les cas, la volte-face du gouvernement sur les permis d'exploration du pétrole off-shore et le départ soudain de Nicole Bricq inquiètent les associations écologistes. "Que Nicole Bricq ait servi de variable d’ajustement, ou qu’on ait changé son affectation à cause des permis Shell, dans les deux cas, c’est désastreux pour l’écologie", s’inquiète le conseiller d’une importante ONG environnementale interrogé par Mediapart.

L'occasion de vous replonger dans notre dossier : "Nucléaire, gaz de schiste, brûlants débats".

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