Le magazine teuton Der Spiegel vient de publier un numéro hors-série consacré à Venise :

Sur le site du magazine figure, en version grande-bretonne, un très intéressant article à propos de la disparition de la ville qui s'enfonce dans les eaux :

Avec quelques photographies significatives :

La plupart des touristes ne sont pas vraiment dérangés
par les inondations pendant leur séjour à Venise,
mais c'est un gros problème pour les locaux.

Une vieille bâtisse, sur un canal vénitien. Dans beaucoup
de maisons privées, les occupants ont abandonné
le rez-de-chaussée pour vivre dans les étages supérieurs.

La couverture du Spiegel nous montre…

… un détail du Retour au port du Bucentaure le jour de l'Ascension par Canaletto :

Retour au port du Bucentaure le jour de l'Ascension
par Canaletto, vers 1730

Canaletto s'appelait en vérité Antonio Canale. Mais on le surnommait le petit Canale, Canaletto, parce que son père Bernardo était un décorateur de théâtre renommé. S'appeler Canale et être doué en dessin, voilà qui vous force un peu à peindre Venise…

Le Bucentaure est le nom de la barge d'or dans laquelle a pris place le Doge de Venise. Celui-ci vient de jeter un anneau d'or dans la mer, célébrant ainsi une victoire contre les Dalmates en 998 et le mariage de Venise avec la mer.

Comme à son habitude, Canaletto a peint plusieurs versions de cette scène. Environ une huitaine. En voici une deuxième :

Retour au port du Bucentaure, le jour de l'Ascension
par Canaletto, vers 1732

Et en voici une troisième, gravée par Antonio Visentini d'après l'une des toiles de Canaletto :

Visentini reproduisit en gravures quatorze peinturlures de Canaletto qui parurent en 1735 sous la forme d'un livre. Lequel fut complété et réédité en 1742, avec un total de trente-huit estampes. L'ouvrage s'intitulait Prospectus Magni Canalis Venetiarum, Belles vues des canaux de Venise :

Le mot prospectus a un sens différent en français, il a une connotation publicitaire. Et c'est bien ce qu'était ce Prospectus Magni Canalis Venetiarum car un commerçant grand-breton nommé Joseph Smith s'en servit, en Angleterre, pour vendre les toiles de Canaletto : « Vous voulez le Rialto vu du nord ? »

Et quelques mois plus tard : « Voilà le travail ! »

Le pont du Rialto vu du nord par Canaletto,
vers 1735-1740,
musée du Louvre, Paris

« Ah ! Je vois que vous aussi, Mister, vous aimez le Rialto vu du nord ! Vous le voulez également ? Vous l'aurez ! »

Le pont du Rialto vu du nord par Canaletto (ou son atelier),
vers 1735-1740,
Rijksmuseum, Amsterdam

Le Prospectus Magni Canalis Venetiarum de Canaletto et Visentini n'était rien d'autre qu'un catalogue de vente par correspondance, et John Smith était l'agent du peintre.

Rien n'a changé à Venise, bizenesse ize toujours bizenesse, sauf que la ville s'enfonce, s'enfonce…

L'occasion de lire ma chronique intitulée La Dolce Vita de 10h09 avec des vrais morceaux de parmesan dedans.