Tron, cinq jours chrono
Brève

Tron, cinq jours chrono

En cinq jours ! Cinq jours auront suffi

, entre les premiers articles faisant état des plaintes pour agression sexuelle déposées contre Georges Tron, et sa démission de son poste de secrétaire d'Etat (mais pas de sa mairie de Draveil). Qu'est-il donc arrivé à notre bon vieux système de protection des élites ? Qu'est-il arrivé à nos bonnes vieilles procédures décennales, garantissant, de recours en recours, une impunité de fait aux puissants ?

Pas d'illusion: si Georges Tron a été si rapidement contraint à la démission, on le doit évidemment à un fonctionnement inhabituellement rapide de la Justice et de la presse, fonctionnement imputable au "contexte DSK". Bienveillance inhabituelle de la Justice à l'égard des plaignantes : les plaintes pour "harcèlement" déposées contre Tron requalifiées par le parquet de l'Essonne en plaintes pour agressions, on n'a pas toujours vu pareille sévérité. Les plaignantes entendues séance tenante par la police, au cours d'une de ces procédures "d'enquête préliminaire" rendues célèbres par l'affaire Bettencourt, et qui permettent d'éviter la saisine d'un juge d'instruction : nul doute que les PV d'audition sont remontés très vite au gouvernement, lui permettant de se faire une première idée de la crédibilité des plaignantes.

Quant aux médias traditionnels, ils ont foncé aussi. Le 24 mai au soir, Le Parisien faisait état des deux plaintes. Dès le 26, Libération publiait un premier récit de l'une des plaignantes, livrant de nombreux détails de scènes d'agression, qui n'ont rien à voir avec la très innocente pratique de la réflexologie. Jusqu'à samedi, les deux quotidiens nationaux n'ont pas levé le pied, si j'ose dire. Cette rapidité est d'autant plus spectaculaire que ces deux quotidiens, comme nous l'avons rappelé, n'avaient pas consacré une seule ligne aux trois procès du sénateur socialiste Jacques Mahéas, pour des faits comparables, ayant abouti à sa condamnation définitive en 2010.

A quelques années d'intervalle, le même couple presse-justice peut donc produire un enterrement de première classe (Mahéas, condamné, est toujours sénateur, et toujours membre du Parti Socialiste), et la démission d'un ministre. Le contexte DSK, disais-je. Mais aussi sans doute autre chose : la fin d'une veille autocensure. Pendant longtemps, si les rédactions nationales répugnèrent à traiter des sujets de moeurs ou de corruption mettant en cause des élus, c'était, répétaient mes confrères, "pour ne pas faire le jeu du Front National", et de son "tous pourris". Nul n'ayant été en mesure de prouver que l'Omerta freinait la progression du FN, ni d'ailleurs l'inverse, ce motif d'autocensure semble être tombé. A l'exception de Tron et de ses défenseurs, on n'a entendu aucune voix critiquer une couverture particulièrement offensive.

Le fonctionnement expéditif du couple parquet-médias, dans le cas Tron, n'est sans doute pas idéal. Le démissionnaire souligne, dans sa lettre de démission, qu'il n'a pas eu connaissance du texte des plaintes. N'oublions pas, derrière l'offensive foudroyante des plaignantes, la silhouette de leur avocat Gilbert Collard, par ailleurs avocat de Marine Le Pen, et une de ses "prises" les plus visibles dans la "société civile". N'oublions pas que si le parquet et la presse sont allés si vite, c'est aussi parce qu'ils ont une longue inertie à se faire pardonner en matière d'agressions sexuelles par des élus. Souhaitons que ce souci ne les ait pas entrainés, envers Tron, à une injustice manifeste. Il n'y a pas de système idéal, et la couverture de l'affaire Tron n'a pas que des motifs réjouissants. Mais, du point de vue de l'information, on ne trouve aucune raison de se plaindre que la presse ouvre enfin les yeux sur ce qu'elle préférait ne pas voir.

Photo de l'une des plaignantes, publiée par Le Parisien

PS: Jean-François Kahn, qui poursuit de studio en studio sa tournée d'adieux au journalisme, a précisé lundi matin sur France Inter qu'il n'excluait pas d'intervenir encore dans la vie publique. Non plus en tant que journaliste, mais en tant que "citoyen qui aime la tête de veau", puisque tel est le cas. Ouf ! On a (presque) craint le pire.

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