Tron : prudence du "Monde"
Brève

Tron : prudence du "Monde"

Le Monde a-t-il fait le service minimum à propos des plaintes déposées contre Georges Tron pour harcèlement sexuel ? Il a fallu attendre deux jours pour que le quotidien consacre un article entier à l'affaire... dans lequel les faits reprochés ne sont pas évoqués en détail. Contactée par @si, l'une des auteurs de l'article, Patricia Jolly, s'explique.



Le Monde, réticent ? La plainte pour agression sexuelle déposée contre le secrétaire d'Etat à la fonction publique, Georges Tron, a été largement couverte par une partie de la presse (révélations dans Le Parisien, interview exclusive de l’une des plaignantes le lendemain dans Libération). Au Monde, seuls deux brèves assez laconiques ont été publiés les deux premiers jours. Dans l'édition datée du jeudi 26, on apprend qu'une "plainte a été déposée contre Georges Tron". Le lendemain, deuxième encadré indiquant qu'une "enquête préliminaire a été ouverte par le parquet d'Evry" pour "harcèlement sexuel" tout en précisant que le parquet pourrait la requalifier en "agression sexuelle et de viol".

Ce n'est que dans l'édition datée samedi 28 mai qu'un article évoque plus longuement l'affaire en laissant la part belle à la défense. Sur le site internet, cet article est titré "Georges Tron se dit victime d'une «camarilla organisée»". Dans la version papier, le terme de "victime", destiné normalement aux plaignantes, a disparu du titre : "Georges Tron contraint de se défendre d'accusations d'agressions sexuelles". Mais le corps du texte n'a pas changé. L'article est construit en trois temps : le rappel de la procédure, la contestation des faits par la défense de Tron, et la plainte en diffamation que s'apprête à déposer Marine Le Pen, que Tron accuse à mots couverts d'être à l'origine de cette manoeuvre.

L'élément particulièrement frappant dans cet article du Monde est l'absence de tout récit détaillé des faits reprochés à Tron. On apprend simplement que deux anciennes employées municipales de Draveil, ville dont il est maire, "accusent M. Tron, adepte de la réflexologie plantaire, de leur avoir prodigué des massages de pied qui ont dégénéré en violences sexuelles". A la différence de Libération, qui a obtenu l'interview d'une des plaignantes et décrit ainsi certains scènes de violences sexuelles (comme nous l'avons relaté), Le Monde ne donne pas la parole aux plaignantes.

En revanche, la version de la défense est très détaillée. "Les faits sont contestés par mon client dans leur totalité", indique l'avocat de Tron. Et Le Monde explique que selon une source judiciaire, l'une des plaignantes "a quitté son emploi en mars 2009, alors qu'une plainte avait été déposée à son encontre par les services financiers de la mairie pour le détournement de quelques centaines d'euros dans la trésorerie". "Après qu'elle eut remboursé la somme, le procureur d'Evry a classé la plainte", précise le quotidien.

Qui se penche ensuite sur la seconde plaignante : "Le 2 juin 2010, l'autre plaignante avait rédigé un courrier, que Le Monde a consulté, demandant le non-renouvellement de son contrat. Plusieurs de ses collègues indiquaient au cours des mois précédant cette démarche un état dépressif et suicidaire de la jeune femme et plusieurs épisodes d'alcoolisation sur son lieu de travail". L'alcoolisme pourrait-il être la conséquence de ces agressions supposées ? Le Monde ne se prononce pas explicitement, mais note que les plaignantes ont "cependant" reçu le soutien de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). Cet organisme avait eu connaissance dès "novembre 2010", du témoignage de l'une des plaignantes pour des faits de "viol et agressions sexuelles".

Article du Monde dans l'édition
datée samedi 28 mai
picto

Le Monde, avec un article tardif faisant la part belle à la défense, a-t-il cherché à minimiser l'affaire ? Contactée par @si, l'une des co-auteurs de l'article, Patricia Jolly, s'en défend, et revient sur la chronologie de ces plaintes : "On n'a pas attendu, on a respecté le timing de la procédure. D'habitude, ça ne se passe pas comme ça, explique-t-elle. C'est le parquet qui décide des poursuites après vérification, normalement, ça reste secret. Là, la plainte a été envoyée après que Maître Collard [l’avocat des plaignantes] a médiatisé l'affaire dans Le Parisien mercredi". Pourquoi ne pas avoir fait un long article dès l'édition datée jeudi 26 mai ? "Quand j'ai appelé la procureure mercredi matin, elle m'a dit qu'elle avait reçu la plainte mais qu'elle ne pouvait pas se prononcer, c'était trop tôt", raconte la journaliste. D'où la simple brève. "Ensuite, on a pris le temps de vérifier", explique-t-elle avant d'ajouter : "Nous la plainte, on ne l'a pas eue. Collard ne m'a jamais rappelé, et l'avocat de la défense n'a pas eu la copie de la plainte". Faute d'avoir les coordonnées des plaignantes et la plainte, Le Monde ne s'est donc pas attardé sur les faits précis, d'autant que la possible requalification de la plainte par le parquet peut surprendre. Comment Collard, avocat pénaliste de renom, a-t-il pu se tromper en déposant une plainte pour simple "harcèlement sexuel" alors que les faits décrits dans Libération relèvent davantage de l'agression sexuelle ? Ceci pourrait expliquer le traitement très prudent du Monde.

L'occasion de lire notre observatoire : "Agressions sexuelles par élus : l'après-DSK a commencé".

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