Pétain, d'un trait de plume...
, recouvrant un texte dactylographié avec une machine des années 40: d'où vient cette émotion inhabituelle, à contempler, et contempler encore, les deux pages du texte original du statut des Juifs, annoté par Pétain, et retrouvé soixante-dix ans plus tard, dans des conditions encore mystérieuses ?
Les Juifs seront interdits de tous les postes de l'Education nationale. Les Juifs dont les parents ont été naturalisés avant 1860 ne seront pas épargnés par le statut qui en fait des parias. C'est si rare, que nous soit donnée à voir l'Origine du Mal. Le document d'où, en France, tout est parti : les étoiles jaunes, les rafles, les trains. Alors que le Mal est partout, toujours son origine nous reste cachée. D'interminables et tardifs procès n'aboutissent jamais à la certitude absolue dont nous aurions besoin. Les dénégations, les plaidoieries, la tympannisation des conseillers en com, laissent toujours un doute. Les "je ne savais pas, je n'ai pas voulu cela, vous ne pouvez pas comprendre, c'est de la faute des autres, j'ai cherché à atténuer, je leur ai donné des couvertures, c'est bien plus compliqué que ce que vous pensez", obscurcissent toujours le crime.
Ici, pas d'excuses, pas de plaidoieries. Voici, resurgie du siècle passé, intacte, administrativement nette, la matrice du malheur. Ces quelques taches de crayon à papier, ces arrondis d'écolier, les harmonieuses ondulations de la biffure, que nous contemplons inlassablement, voyant presque courir, tremblante, la main du vieillard consciencieux, suffisent à resserrer le malheur sur des milliers d'êtres. "D'un trait de plume" : l'expression n'a jamais été si bien incarnée.
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