Taddeï, Cohen et moi : genèse d'un buzz
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Taddeï, Cohen et moi : genèse d'un buzz

Comment nait un buzz ? Comment déforme-t-il les faits qui lui ont donné naissance ? Voici un cas d'école. Je peux en parler de l'intérieur, je suis protagoniste.



La semaine dernière, Patrick Cohen, animateur de la Matinale de France Inter, attaque Frédéric Taddeï sur ses choix d'invités. On vous en parlait ici.

Ce débat me semblant tracer une vraie ligne de fracture entre deux animateurs du service public, j'y ai consacré ma chronique de Libé, parue ce matin. Elle se conclut ainsi: "Qu’on s’entende bien : c’est parfaitement le droit de Cohen, de ne pas inviter Ramadan, Soral, Nabe ou Dieudonné. Aucun cahier des charges du service public ne l’oblige à le faire. On a le droit d’estimer que Dieudonné n’est pas drôle, ou que Nabe n’est pas un grand écrivain. Cohen serait parfaitement fondé à dire «j’estime qu’il existe des théologiens plus pertinents, des humoristes plus drôles». Manchettes, sujets, invités : être journaliste, c’est choisir, trier, hiérarchiser. Mais aucune raison d’en faire une question de principe, et de proclamer que même la baïonnette dans les reins, on n’invitera pas Bidule. En reprochant à Taddéï d’inviter les proscrits, Cohen dit en fait «ce n’est pas parce que je ne les juge pas intéressants, que je leur barre l’accès au micro de France Inter. C’est parce qu’ils ont contrevenu à un dogme».

Se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle. Et non seulement c’est indéfendable, mais c’est contre-productif. Aujourd’hui, les dissidents n’ont plus besoin de Cohen et de ses homologues, pour trouver un écho sur Internet. Avant, il était possible de décider qui étaient les «cerveaux malades», et de les condamner pour crime de pensée, comme dans 1984. Mais aujourd’hui, pour un animateur en vue, déclarer qu’il n’invitera pas Bidule, c’est hisser Bidule sur le piédestal de victime de la censure. Le pré carré audiovisuel, s’il veut rester un lieu crédible de débat d’idées, n’a donc plus d’autre choix que de s’ouvrir aux paroles jadis bannies, quitte à leur opposer une contradiction vigoureuse et argumentée, ou à les prendre à leur propre piège de la dialectique. Et de s’en donner les moyens".

Autrement dit (relisez bien, c'est le point capital), je ne reproche pas à Cohen de ne pas inviter les invités qu'il n'invite pas. Mais je lui reproche de reprocher à Taddei de les inviter. Il me semble que c'est clair.

Et hop, ici arrive la moulinette du buzz, dans laquelle cette chronique devient: "pour Daniel Schneidermann, Patrick Cohen commet une faute professionnelle". Laquelle ? Le titre ne le précise pas.

Interrogé à la mi-journée sur Canal+, voici ce que répond Cohen (devant la photo de ma pomme la plus terrifiante qu'on puisse trouver) picto

Je remercie Cohen de son invitation à inviter les quatre de sa liste. Il se trouve que nous avons déjà invité Marc-Edouard Nabe, à propos d'un livre qui nous semblait intéressant. Peut-être inviterons-nous un jour les autres aussi, si le projet nous semble intéressant. Et peut-être pas. Nous déciderons seuls, comme des grands, sans que personne ne nous y oblige, ni ne nous l'interdise. Pas d'invités obligés, pas d'invités interdits: c'est pas beau, la liberté ?

On notera la phrase clé de Cohen, reprise dans une dépêche AFP. (rien de moins): "je ne dis pas qu'il faut censurer l'émission de Taddeï, ou qu'il faut censurer ses plateaux. Chacun juge et fait comme il veut". Eh bien voilà. Il suffisait de le dire tout de suite. Chacun fait ce qu'il veut. On a le droit d'en débattre si l'on juge le sujet intéressant, mais on n'y est pas obligé. Fin de l' "affaire".


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