Salariés du Monde : l'arme du blog
Le conflit social du Monde semble s'acheminer vers une solution.
Au cours de ce conflit, les salariés du journal auront découvert une cyber-arme en créant un blog, presse en colère. Petite exploration.
Les salariés du Monde en ont marre. Leur quotidien (dans tous les sens du
terme) est en crise, depuis que la direction a annoncé le vendredi 4
avril au soir, un plan de redressement prévoyant 130 suppressions d'emplois. Un dessin de Plantu avait fait la Une du Monde, concernant l'affaire Jérôme Kerviel .
Plantu l'a quelque peu modifié pour l'adapter à la crise du quotidien qui avait commencé l'année dernière .
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L'édito, du jeudi 1er mai donne la couleur de cette atmosphère de rébellion: Ni les assemblées générales, ni les grèves, ni les discussions de couloir ne suffisent à nos envies d'orage. Alors bloguons ! Résistons ! Secrétaires et journalistes, coursiers, informaticiens, documentalistes et éditeurs, gens de plume ou gens d'image, ce blog est à nous !
A ce jour, sept notes ont été publiées. Outre les notes, on y trouve aussi une vraie revue de presse de la crise du Monde.
Martine Silber, journaliste, la blogueuse la plus active, livre en détail les comptes rendus des différentes assemblées générales. Elle expose, notamment, le plan de redressement : les services les plus touchés (la culture et les sport ), les 1000 pages par an qui seront supprimées... La grève immédiate est votée, une grève «historique ». Une décision difficile pour beaucoup de rédacteurs. Notre métier est d’informer et ne pas pouvoir le faire nous pèse.
Elle retrace aussi le déroulement des votes pour décider des grèves successives:
Pour la première grève, le vote a été réalisé à mains levées, «ce qui nous sera reproché par la direction »
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Il n'y a jamais eu de grève au journal pour des motifs internes, explique la rédactrice.
Le vote
pour la grève du 17 avril se fait donc à bulletin secret, à la différence près
que ceux qui sont en reportage, en vacances, les
pigistes, les correspondants en province ou à l'étranger peuvent voter par mail
(on refuse les sms)...
La tambouille interne est rendue publique. Comme cette proposition,
faite par le personnel, d'un accord de méthode. C'est un document
qui a été préparé par des experts pour essayer de gagner du temps
afin de rechercher d'autres solutions.
Et cet accord ne verra jamais le jour, il ne verra passera même pas la porte de la direction. Le texte sera refait sept fois, pour aboutir au bout de dix jours de va-et-vient à un «non» pur et dur du directeur des ressources humaines et du secrétaire général du journal. Ni Eric Fottorino, le président du directoire qui vient pourtant de notre rédaction, ni le directeur général, ni Denis Guiraud, n'ont reçu les délégations. On a l'impression de s'être fait balader. D'autant que pendant ce temps là les délais courent et que les négociations ne peuvent pas commencer. L'imposante façade du Monde, photo publiée sur le site "Off the records" |
L''impact psychologique de la crise sur le personnel est illustré avec un brin d'humour : Les AG continuent, certains ont recommencé à fumer, d'autres
comparent leurs antidépresseurs, il y a aussi les veinard(e)s qui ont perdu du
poids.
Dans une autre note, Silber évoque la difficulté pour
l'équipe de ne pas voir la sortie du quotidien :
Un jour sans journal, c'est dur. Si nous en sommes tous un rouage, nous en sommes aussi les premiers lecteurs et les premiers critiques. On lit, on commente, on râle, on se réjouit, ça dépend des jours et des papiers. Déjà quand il arrive en retard, on s'inquiète: «Y a pas le journal ? ». Alors, pas de journal du tout, c'est vraiment bizarre. Banderole de protestation des salariés du Monde |
Elle profite alors de ce "temps libre"
pour se plonger dans les 380
commentaires des lecteurs du monde, sous l'article du 4 avril. Elle y décèle
trois catégories de réaction: 1) bien fait pour
vous, 2) c'est moche mais tout le monde a ses problèmes, 3) continuez à vous
battre et se déclare d'accord avec tous pour des raisons diverses mais
pas incompatibles.
Dans un tout
autre registre, le journaliste Yann Plougastel rend hommage à son défunt
confrère Bernard Veillet-Lavallée, anciennement au Monde: un journaliste en colère, qui aimait les journaux au-delà de tout et
surtout ceux qui les font. Que dirait-il aujourd'hui?
S'il parle de
l'homme surnommé l'Amiral, c'est parce que la richesse de
la presse ne repose que sur la collection de ces individualités qui, jour après
jour, semaine après semaine, l'inventent avec leurs humeurs, leurs sexes, leurs
amours, leurs emportements, leurs passions... L'oublier, c'est comme une seconde
mort.
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