Peines non exécutées : bataille de chiffres
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Peines non exécutées : bataille de chiffres

Eric Ciotti a encore frappé. Le monsieur sécurité de la majorité UMP a remis à Nicolas Sarkozy, mardi 7 juin, un "rapport choc" sur l'exécution des peines de prison. Selon ce rapport, plus de 80 000 peines de prison prononcées par les tribunaux attendent d'être exécutées. Pour Le Figaro, forcément en pointe sur le sujet, ce chiffre alimente "un fort sentiment d'impunité qui choque les victimes et démoralise la police". Ciotti a fait 50 propositions "pour une meilleure efficacité de l'exécution des peines", avec à la clé la garantie d'une augmentation de la population carcérale.

Invité de Ce soir ou jamais mardi 7 juin sur France 3, Serge Portelli, vice-président au tribunal de grande instance de Paris, a dénoncé ces mesures, quitte à contester, à tort, ce chiffre de 80 000. Un point partout dans la com' ?



"Exécution des peines : un rapport choc remis à Sarkozy", titrait Le Figaro lundi 6 juin. Le député UMP Eric Ciotti dénonce les 80 000 peines de prison non exécutées. Il a donc sorti l'artillerie lourde avec 50 propositions, qui pourraient nourrir le projet de l'UMP en 2012, "pour une meilleure efficacité de l'exécution des peines".

Parmi les principales propositions, Ciotti suggère notamment l'abandon des aménagements de peines systématiques et la suppression des crédits automatiques de réduction de peine (3 mois d'incarcération en moins chaque année).

Conséquences attendues : l'augmentation de nombre de personnes incarcérées, alors que la France bat déjà des records en termes de surpopulation. Pour Serge Portelli, ces propositions sont aberrantes et s'appuient sur des chiffres dont il met en doute l'honnêteté. Exemple de chiffre malhonnête avancé par Ciotti, selon Portelli: on serait passé en quelques mois de 30 000 peines non exécutées...

à 80 000 picto

En réalité, Portelli confond le nombre de peines non exécutées par an, et le total des peines non exécutées. Contrairement à ce qu'il laisse entendre, le chiffre de 80 000 n'est pas sorti du chapeau de Ciotti comme par magie. Ce chiffre était déjà avancé par l'Inspection générale du ministère de la Justice en juillet 2009. Il correspond au stock total des peines non exécutées. Le chiffre de 30 000, lui, correspond au nombre de peines non exécutées par an. Il n'y a donc pas de manipulation dans les chiffres.

En revanche, le chiffre en lui-même n'est pas forcément significatif d'une impunité du système. En juillet 2009, la présidente de l'Association nationale des juges d'application des peines, Martine Lebrun, expliquait à L'Express que ce chiffre isolé ne voulait rien dire : "Il faut le comparer au nombre total de décisions rendues sur une période de temps donnée", expliquait-elle. ce chiffre ne concerne que les peines fermes d'emprisonnement qui représentent uniquement deux condamnations sur dix prononcées par les tribunaux. Il est évalué, je suppose, en fonction des cinq dernières années puisque c'est la durée de la prescription. A la lecture du rapport on constate donc qu'il s'agit de 13% des peines fermes qui ne sont pas exécutées. Ce chiffre n'a rien d'extraordinaire".

D'ailleurs, le rapport de l'Inspection générale des services judiciaires précisait en 2009 que "dans la très grande majorité des cas (90%) [des peines non exécutées], il s’agissait de courtes peines (durée inférieure ou égale à un an de prison), pour lesquelles il est prévu que le juge d’application des peines examine si le condamné peut bénéficier d’un aménagement (bracelet électronique, d’une semi-liberté, d’un travail d’intérêt général, etc)". Une simple question de temps donc.

Or, c'est précisément tous ces aménagements de peine que Ciotti veut remettre en cause, pour imposer un système tout carcéral au moment où la France bat des records de surpopulation dans ses prisons.

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