Monde / contre-enquêtes : Acrimed pas convaincu
L'une des publicités publiées par Le Monde pour lancer ses nouvelles pages "Contre-enquête" le 29 mars dernier
Transformer une enquête en "contre-enquête" suffit-il à bouleverser le contenu ? Le journalisme de "questionnement" va-t-il vraiment plus loin que l'"investigation" ? Sur le site d'Acrimed (Action-critique-médias), Frédéric Lemaire et Henri Maler se sont penchés sur la mise en pratique des ambitions de la nouvelle formule du Monde, premiers exemples à l'appui.
Ils reviennent tout d'abord sur ce "journalisme de questionnement" désormais prôné par le quotidien: "Incrédule, le lecteur s’étonne d’apprendre que, jusqu’à présent, la presse écrite avait été privée de ces précieux questionnements… dont on verra qu’ils consistent d’abord à donner une forme interrogative aux titres qui surplombent un recueil d’articles."
S'ensuivent quelques exemples, parmi lesquels ces titres, piochés dans le numéro du 7 avril :
En Une : "Quel est l’effet de la réduction des effectifs sur le contenu de l’enseignement? " Puis en tête de la double page: "Peut-on encore "dégraisser le mammouth"?" Suivie de ces deux autres: "Comment les coupes budgétaires sont-elles opérées dans l’éducation nationale?", "Ces restrictions influent-elles sur le contenu de l’enseignement?"
Outre ces glissements lexicaux "gadgets" qu'ils jugent infondés, les observateurs d'Acrimed déplorent également la personnalisation excessive de la vie politique et la place démesurée accordée à des photos d'illustration peu informatives, qui participent à la perte en densité d'un contenu globalement "inégal".
Le Monde, estime Acrimed, prétend inventer un "journalisme de questionnement", fondé sur des "contre-enquêtes" qui habillent de mots nouveaux des pratiques fort anciennes, avec pour seule nouveauté, en presse quotidienne, la réunion sous un même thème de plusieurs articles (...) Ajouter des points d’interrogation à la fin des grands titres habituels inspirés d’un "journalisme des évidences premières" ne suffira pas à résoudre la crise de l’offre éditoriale du Monde (...) On est en droit de se demander quelle est la part de marketing dans des déclarations d’intention qui, sous couvert de présenter un journalisme idéal et une "nouvelle" forme de journalisme se traduisent d’abord en pratique, par des effets d’éclairage, de mise en scène et de mise en forme: une rhétorique de la séduction qui, si elle ne dévore pas la totalité du contenu, le conditionne. Comme on parle du conditionnement d’un produit."
(Par Flora Beillouin)
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