Migrants "cafards" : Katie Hopkins, ou la xénophobie souriante du "Sun"
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Migrants "cafards" : Katie Hopkins, ou la xénophobie souriante du "Sun"

Une chroniqueuse du Sun a qualifié vendredi – 48 heures après la disparition de 400 migrants dans le naufrage de leur embarcation en Mediterrannée – les migrants clandestins de "cafards", et suggère d'envoyer des "navires de combat" pour les forcer à rentrer chez eux. Une pétition demandant au Sun de la licencier a recueilli près de 250 000 signatures en trois jours.

"Des bateaux de secours ? Pour stopper les migrants illégaux, j'utiliserais plutôt des navires de combat". Le titre de la chronique publiée par le Sun – journal le plus lu au Royaume-Uni – deux jours après la mort probable de 400 migrants au sud de l'Italie ne reflète pas tout à fait son contenu : il est moins violent. Dans son texte, la chroniqueuse ne parle pas de "migrants illégaux" : elle parle de "fléau d'humains sauvages", proliférant "comme la gastro sur un paquebot", et faisant de certaines villes britanniques des "plaies purulentes, gangrenées par des essaims de migrants et de demandeurs d'asiles qui dépensent les allocations comme des billets de Monopoly".

Katie Hopkins a rédigé sa chronique au lendemain du naufrage au sud de l'Italie d'une embarcation venue de Libye qui a fait 400 morts, jeudi 16 avril. L'indignation provoquée par le texte a redoublé suite au naufrage dimanche d'un second bateau, à 130km des côtes libyennes, qui aurait cette fois fait près de 800 morts.

Le credo de la chroniqueuse : face aux drames de l'immigration, l'émotion empêche de trouver les bonnes solutions. Elle fait d'ailleurs part, en détail, de sa propre capacité à ne ressentir aucune empathie : "Je m'en fous. Montrez-moi des images de cercueils, montrez-moi des corps flottant dans l'eau, jouez du violon et montrez-moi des gens maigres ayant l'air triste. Je m'en fous toujours." Et au lecteur qui voudrait s'émouvoir, la chroniqueuse avertit : "Ne vous trompez pas, ces migrants sont comme des cafards. Ils peuvent avoir un peu l'air "Ethiopie de Bob Geldof vers 1984" (référence à la campagne de charité lancée par des célébrités au moment de la famine en Ethiopie, ndlr), mais ils sont construits pour survivre à une bombe nucléaire. Ce sont des survivants."

L'exemple australien ?

La solution, pour Hopkins, vient d'Australie. Là-bas, on "menace [les migrants] de violence jusqu'à ce qu'ils dégagent". Depuis l'arrivée à la tête du gouvernement australien du Premier ministre conservateur Tony Abbott, l'Australie a en effet lancé l'opération "Frontières souveraines", qui a pour objectif de repousser toutes les embarcations de clandestins. L'Europe devrait s'inspirer de cette méthode, qui a permis à l'Australie de "réduire de moitié le nombre de bateaux de migrants", assure la chroniqueuse.

De moitié ? Difficile à établir, d'autant que Hopkins ne précise pas s'il s'agit de naufrages, de bateaux interceptés en mer, ou de bateaux parvenant à atteindre les côtes australiennes. Les seuls chiffres rendus publics par les autorités font mention de 23 bateaux (transportant 1263 personnes) arrivés illégalement en Australie entre le début de l'opération "Frontières souveraines" et décembre 2014, mais ne précisent pas le nombre de bateaux interceptés en mer et repoussés.

Ce que l'on sait, en revanche, c'est que les migrants qui sont interceptés sont parfois interrogés en pleine mer, avant d'être renvoyés de force vers le pays qu'ils ont fui ou parqués dans des camps de rétention sur des îles du Pacifique où ils sont victimes de trafics sexuels et de viols. Même ceux qui, après être arrivés en clandestins, se voient reconnaître le statut de réfugié politique n'ont pas le droit de s'établir en Australie : ils ont le choix entre retourner dans le pays qu'ils ont fui, ou... être transférés au Cambodge, en vertu d'un accord entre Canberra et Phnom Penh.

Pour avertir les candidats au départ du sort qui leur serait réservé, les autorités australiennes diffusent des vidéos et des affiches traduites en 17 langues, au logo et au slogan explicites: "Pas moyen. Vous n'élirez pas domicile en Australie".

Une politique qui séduit visiblement la polémiste britannique : "Si vous pensez comme moi, alors il est temps de devenir Australien. Amenez les navires de guerres, renvoyez de force les migrants sur leurs côtes, et brûlez les bateaux."

Hopkins, qui fut candidate à des émissions de télé-réalité avant de devenir chroniqueuse, n'en est pas à sa première provocation. Ces dernières années elle s'en est prise, dans le désordre, à une infirmière écossaise atteinte du virus Ebola (raillant les Ecossais "plus si indépendants" quand il s'agit de leur système médical), à la chanteuse Lily Allen (devenue "hideuse" après avoir pris du poids lors d'une grossesse), aux gens atteints de démence (qui "bloquent des lits" dans les hôpitaux – et si cela lui arrivait personnellement, elle préférerait se suicider). Le Guardian a titré son portrait "Katie Hopkins, reine du conflit". Elle-même assume l'étiquette de "pire garce du Royaume-Uni", revendiquant le droit à la polémique :

Son billet paru dans le Sun a été largement condamné au Royaume-Uni. Dans le quotidien The Independent, le chroniqueur Simon Usborne condamne un texte "tellement haineux qu'il aurait fait pâlir Hitler". L'organe de régulation de la presse britannique, l'IPSO (Independent Press Standards Organisation), a dit avoir reçu plus de cent plaintes au sujet de cette tribune, des chiffres "inhabituels". Une pétition demandant au Sun de la licencier a récolté près de 250 000 signatures en trois jours.

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