Loi "liberticide" contre la presse en Hongrie
"Viktor Orbán a attendu le début de la trêve des confiseurs pour mettre fin à la liberté de la presse en Hongrie. Bien vu, si l’on en juge par le silence assourdissant qui a accueilli le vote d’une loi muselant les médias, le 21 décembre", écrit Libé. Effectivement. Avant ce 31 décembre, qui avait entendu parler de la nouvelle loi hongroise, qui entrera en vigueur demain ? Elle est pourtant choquante, et totalement inhabituelle pour un pays européen, puisqu'elle "place l’ensemble des médias (audiovisuel public et privé, journaux, sites internet) sous la férule d’un conseil dominé par le Fidesz", le parti d'Orban, détaille Libération. "Tous devront fournir une information «objective» et qui n’offense personne, sous peine d’amendes très lourdes, suffisant à couler n’importe quel journal. Le Conseil des médias aura un droit de perquisition dans les rédactions et pourra exiger que les journalistes dévoilent leurs sources, même si aucune enquête judiciaire n’est en cours." "En attendant, l’autocensure s’est installée", décrit le quotidien : "Les noms propres disparaissent des colonnes, on refuse les articles jugés provocateurs. Un journaliste vedette de la radio publique, Attila Mong, loin d’être un militant de gauche, a été viré pour avoir observé une minute de silence après le vote de la loi." |
Devant cette nouvelle très inquiétante pour la liberté de la presse, le journal note aussi que le silence des autorités européennes ne "ne pourra pas se prolonger, puisqu’Orbán a ouvertement violé les droits et libertés garantis par les traités européens, alors même que Budapest va exercer à partir du 1er janvier la présidence semestrielle tournante de l’Union aux côtés d’Herman Van Rompuy, le président permanent du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement. Autant dire que sa vocation à représenter l’Union aux yeux du monde est clairement mise en cause."
Le sujet commence à émerger un peu partout dans la presse. Il a été évoqué ce vendredi, par la revue de presse internationale de France Inter et relevée par Rue89, qui publie l'interview, réalisée par le site MyEurop.info, "d'un journaliste hongrois contraint de garder l'anonymat, à la fois pour lui-même et son journal". "Le «conseil des médias» chargé de la surveillance des organes de presse peut désormais sanctionner les journalistes, sans autre forme de jugement, en fonction de critères aussi vagues que la diffusion d'informations «non équilibrées» ou dépourvues «d'objectivité politique»", s'indigne le journaliste.
|
Comme le montre l'article en Une du quotidien américain Miami Herald (deux colonnes en bas de page), le sujet est aussi traité par la presse étrangère. "Les nouvelles lois hongroises inquiètent ses partenaires européens", constate le quotidien américain. Miami Herald vendredi 31 décembre 2010.
Et que dit la France sur ce sujet ? Pour l'instant, rien, regrette Jean Quatremer sur son blog : "Si l’Allemagne et le Luxembourg, tout comme l’OSCE, les groupes "libéral et démocrate" et vert du Parlement européen, les organisations de défense des droits de l’homme (...), ou les syndicats internationaux de journalistes ont condamné cette loi, les institutions communautaires sont pour l’instant silencieuses, tout comme la plupart des États membres de l’Union, dont la France, la «patrie des droits de l’homme»."
Le journaliste a interrogé Laurent Wauquiez, le nouveau ministre délégué aux affaires européennes, qui déclare que... Paris "refuse d’aller dans le mur en donnant des leçons à la Hongrie", ce qui ne pourrait que "braquer les gens"…
"Le jeune ministre estime que la nature de ce texte, «dont je ne dis pas qu’il ne pose pas des problèmes», dépendra largement de la façon dont il sera appliqué par l’autorité de contrôle des médias", écrit Quatremer. "Wauquiez croit néanmoins savoir que les autorités hongroises sont «prêtes à faire des adaptations», ce dont on peut légèrement douter, vu que la loi vient d’être promulguée sans même attendre un quelconque dialogue avec les autorités européennes."
Le journaliste spécialisé souligne que "la France, comme la plupart des pays de l’Union, sait que le Fidesz bénéficie d’un très large soutien de la population hongroise (moins de 2000 personnes ont manifesté contre la loi sur les médias…) et qu’une pression étrangère ne fera que le renforcer". "On attend désormais avec beaucoup d’intérêt les prochains reproches que l’Union fera à la Turquie en matière de droits fondamentaux. Les standards sont clairement à la baisse", conclut-il, amer.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous