Les héritiers Renault réclament des indemnités à l'Etat
"Pas motivés par l'intérêt financier" (Le Monde)
C’est Le Monde qui raconte dans  son édition du 13 mai que lundi dernier, "les huit petits-enfants de  l'industriel Louis Renault ont déposé, devant le tribunal de grande  instance de Paris, une assignation destinée à obtenir l'indemnisation du  préjudice matériel et moral causé par la nationalisation-sanction  prononcée à la Libération".
 
 Comment expliquer ce rebondissement judiciaire ? C'est "l'une des  conséquences inattendues du nouveau droit ouvert par l'instauration, en  mars 2010, de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui  permet de contester devant le juge constitutionnel une disposition  législative, explique Le Monde. Dans leur assignation, les huit enfants  du fils unique de Louis Renault, Jean-Louis, mort en 1982, font valoir  que l'ordonnance du 16 janvier 1945 [qui nationalise Renault] porte  atteinte à plusieurs principes constitutionnels, dont le droit de  propriété, garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du  citoyen, la personnalité des peines, la présomption d'innocence et les  droits de la défense".
 
| Louis Renault a été arrêté en 1944 pour fait de collaboration. S'il n'a jamais été jugé car il est mort en détention, l'entreprise Renault a été nationalisée pour sanctionner cette collaboration. Au moment de la nationalisation, "le capital de la société est alors évalué à 240 millions de francs, détenus à 96,80 % par Louis Renault, 0,73 % par sa famille, 0,60 % par les administrateurs et 1,87 % par les "employés supérieurs", précise Le Monde. En 1959, la femme et le fils de Louis Renault remettent en cause la nationalisation et la confiscation de l'entreprise en déposant un recours auprès du tribunal administratif, puis devant le Conseil d'Etat. Mais ce dernier est rejeté car l'ordonnance de 1945 qui a nationalisé l'entreprise a statut législatif. Aujourd'hui, la procédure de QPC permet de faire sauter ce verrou. Forts d'une première victoire judiciaire en juillet dernier, qui leur avait permis de faire retirer une photo illustrant la collaboration de Louis Renault dans une exposition à Oradour-sur-Glane, les héritiers attaquent désormais l'Etat. Et réclament des indemnités. | 
Combien peuvent-ils espérer gagner ?  Dans une dépêche AFP datée du 8 mars 2011 (reproduite sur le site louisrenault.com), Sylvain Roger, un ancien  responsable CGT chez Renault, s'était aventuré à avancer un chiffre :  "S'ils arrivent à leur fins, cela peut coûter au contribuable français  plusieurs centaines de millions d'euros, et cela peut en encourager bien  d'autres", avait-il déclaré. Contacté par @si, l'un des auteurs de l'article du Monde, Thomas Wieder,  explique que c'est compliqué d'évaluer les sommes en jeu :  "Il y a plusieurs façons de calculer la  valeur des 96% détenus par Renault en 1945. Il y a aussi la question des  actifs qui leur auraient rapporté au cours des 60 dernières années. Tout ça est très hypothétique". 
 
 Quelle que soit la somme, la demande d'indemnisation peut surprendre: les héritiers Renault assuraient que leur démarche n'était  motivée "par aucun intérêt financier". Etonnamment, cette précision  figure de nouveau dans l'article du Monde de ce jeudi : "Agés de 32 à 66  ans, les huit héritiers assurent pourtant que leur motivation n'est pas  financière. Par cette procédure, ils cherchent d'abord à rouvrir le  débat sur le rôle effectif joué par leur grand-père pendant la guerre".
 
 Thomas Wieder maintient que ces indemnités semblent être  une motivation secondaire malgré les sommes en jeu : "Depuis plusieurs  années, ils mènent un combat mémoriel, qui a pris une dimension judiciaire  que depuis quelques mois, nous explique-t-il. Selon le journaliste du Monde, ce serait "une erreur d'interprétation de mettre ce motif là  au centre de ce qu'ils ont fait depuis des années". Disons  alors que ce serait la cerise sur le gâteau. Une belle cerise.
 
Si vous avez manqué le début de cette opération réhabilitation, lisez notre enquête "Louis Renault : réhabilitation médiatique d'un collabo ? "
Cet article est libre d’accès 
          En vous abonnant, vous contribuez
          à une information sur les médias
          indépendante et sans pub.
          
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous
