Inde : corruption à la une, sauf si...
Avec plus de 300 chaînes de télévision dont plusieurs chaînes d'information permanente et une forte concurrence, ceux qui dénoncent la corruption rampante au sein de l'administration indienne trouvaient toujours, jusque récemment, une caméra et un micro pour leur donner la parole. Mais les médias commencèrent à se méfier quand, raconte le Washington Post, un tribunal de la ville de Prune condamna en 2011 une chaîne de télévision privée à 18 millions de dollars de dommages et intérêts.
La chaîne avait montré la photo d'un juge innocent à la place de celle d'un juge homonyme, accusé de corruption. Cette dernière avait présenté ses excuses et corrigé l'erreur en direct. Depuis, les chaînes précisent régulièrement que les accusations de tel ou tel n'ont pas été vérifiées de manière indépendante. Mais rien ne prouve que cela suffira à leur éviter d'éventuelles poursuites.
Outre des mouvements indépendants comme India Against Corruption (IAC) animé par le très populaire Arvind Kejriwal, ancien officiel du fisc indien, il existe aussi un organisme officiel, la Central Vigilance Commission (CVC). Née en 1964 pour combattre la corruption au sein de l'État indien, la CVC reçoit 15 à 20 000 plaintes par an.
"Mettre fin à la corruption ? Comment nettoyer l'Inde" est le titre d'un livre de de N.Vittal paru en juillet 2012. N.Vittal est un spécialiste indien de la corruption, qui avait déjà publié en 2003 "Corruption en Inde - l'obstacle à la prospérité nationale".
Vittal connaît bien le sujet, puisqu'il a été Central Vigilance Commissioner de la CVC.
Dans son dernier livre, Vittal souligne que même si les médias évoquent souvent les affaires de corruption parce qu'elles dopent leurs audiences, ils sont eux-mêmes touchés par le phénomène. Vittal rappelle l'exemple de l'affaire Nira Radia, une lobbyiste politique proche d'un ministre des télécommunications et responsable d'une agence de relations publiques. Près de 6 000 conversations téléphoniques de Radia avaient été enregistrées par le service des impôts en 2008 et 2009. Elles ont montré, entre autres, qu'elle était en contact avec de célèbres présentateurs de télévision et des responsables de la presse écrite, ce qui lui avait permis d'orienter leurs reportages et analyses en faveur de ses clients qui sont deux des plus grands groupes indiens, Tata et Reliance Industries.
Réseaux sociaux contre médias
Lorsque le scandale éclata, les grands quotidiens et les grandes chaînes de télévision restèrent muets sur le sujet. C'est grâce aux réseaux sociaux comme Twitter, où les internautes parlèrent de#barkhagate, que le scandale finit par être évoqué par les médias.
Le #barkhagate - du nom de Barkha Dutt, une célèbre journaliste de télévision et chroniqueuse de presse écrite qui reçut de nombreux prix pour son travail avant que la transcription de ses conversations téléphoniques avec Radia ne soit rendue publique - fut pendant une semaine le sujet plus twitté en Inde.
Deux ans plus tard, les utilisateurs indiens de Twitter évoquent toujours cette affaire qui éclata en novembre 2010 en utilisant les mots clés #Radiagate et #Barkhagate. "Après le Radia Gate qui avaient montré les journalistes le pantalon baissé, le #Barkhagate resta tendance pendant des semaines" Le compte Twitter de @Purple_Truth |
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