Enfants en cage "à Gaza" : des médias manquent de prudence
Cinq enfants sont enfermés dans des cages, sans doute habituellement réservées à des lapins ou des poules. Ils ont à peine cinq ou six ans et ont tous l'air terrifié. Hors du champ de la caméra, on entend la voix d'un homme qui leur parle en riant. Nous avons décidé de ne pas publier la vidéo pour ne pas exposer les visages de ces enfants enfermés. Dimanche 8 octobre, cette vidéo a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux, dans le monde entier et en France, avec des tweets parfois vus plus d'un million de fois. La thèse soutenue : que les enfants que l'on voit sont de jeunes Israéliens pris en otage par le Hamas suite aux attaques perpétrées le 7 octobre contre des civils et des militaires israéliens.
De BFMTV à France Inter
Une thèse qui a fait son chemin jusque dans les médias français. Sur BFMTV, Olivier Rafowicz, porte-parole de Tsahal pour la presse française, affirmait : "Ils ont même exhibé des enfants de quatre ou cinq ans, dans des cages sur la place de Gaza." La rabbin Delphine Horvilleur, invitée de la matinale sur France inter disait à Léa Salamé : "Aujourd'hui des images nous parviennent, je ne sais pas quelles sont ces images, vraies, fausses, montées. Hier sont apparues sur mon écran des images d'enfants dans des cages." Dans une interview à Sonia Mabrouk, entre pour Europe 1 et CNews, l'historien Georges Bensoussan, spécialiste de la Shoah affirmait à l'antenne : "J'ai eu des témoignages directs hier, que j'ai vérifiés quand même pour éviter de tomber dans les fake news, d'enfants pris en otages qui ont été exhibés dans des cages. Des cages à animaux, ça a été filmé." Sauf que dans la journée du 9 octobre, l'extrait de l'entretien a été supprimé du site de CNews.
Il semble en effet que Horvilleur et Bensoussan sont allés trop vite. Le tout, sous le nez de journalistes qui n'avaient rien à leur opposer. Car si les images d'exactions authentifiées commises par le Hamas sont légions sur les réseaux sociaux, avec de nombreuses prises d'otages, celles des enfants en cage prêtent à caution.
Une vidéo antérieure à l'attaque
Un compte Twitter de lutte contre les fausses informations, Fake reporter, qui publie en hébreu et en anglais, a relevé qu'une version de la vidéo avait été publiée sur TikTok quatre jours plus tôt, bien avant l'offensive surprise du Hamas. Dans un tweet, il explique : "Attention : la vidéo qui prétend montrer des enfants israéliens en cage à Gaza est fausse. [...] La vidéo a été postée il y a plus de quatre jours." Fake reporter nous a transmis plusieurs captures d'écran qui corroborent cette information, mais n'a pu, pas plus qu'Arrêt sur images, retrouver une quelconque version "originale" en ligne – elle semble avoir été supprimée de tous les réseaux sociaux. De notre côté, nous avions sollicité plusieurs traducteurs arabophones dont les conclusions se contredisent, l'audio de la vidéo étant d'assez mauvaise qualité.
Toujours est-il qu'elle est antérieure aux prises d'otages actuellement toujours en cours, et que rien ne permet d'affirmer qu'ils s'agit d'enfants israéliens, ni de preneurs d'otages palestiniens. Sur X (ex-Twitter), une note de la communauté, qui permet à un grand nombre d'utilisateurs d'apporter des précisions sur un message qu'ils jugent erroné, accompagne les messages relayant la vidéo et présente les images comme celles d'une prise d'otages d'enfants Syriens. On peut lire : "Il s’agit en réalité d’enfants malheureusement capturés en Syrie, ce tweet est donc factuellement une fake news " Cette note s'appuie sur une thèse qui circule depuis le 9 octobre sur X (ex-Twitter), affirmant que cette vidéo aurait été tournée en Syrie en 2015, ou en 2021 selon les versions. Aucun élément ne permet à ce jour de l'affirmer.
De son côté, CheckNews a publié un article le 9 octobre arrivant aux mêmes conclusions qu'ASI : "CheckNews n'a pas pu établir le contexte de ces images. Mais nous avons obtenu confirmation que cette vidéo circulait déjà sur TikTok le 4 octobre, et qu'elle ne peut donc avoir de liens avec l'attaque du Hamas ce week-end."
Joints par ASI, ni Olivier Rafowicz ni CNews n'ont pour le moment donné suite.
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