D'après une histoire vraie
Brève

D'après une histoire vraie

Les affiches de cinéma se parent souvent d'une mention précisant "D'après une histoire vraie", "D'après des faits réels", "Inspiré de faits réels", etc. Le tout récent Philomena de Stefen Frears est ainsi vendu :

Philomena de Stefen Frears, 2014


D'autres exemples récents :

Le Majordome de Lee Daniels, 2013

Killer Elite de Gary McKendry, 2011

L'Homme qui viendra de Giorgio Diritti, 2013


On même eu droit à "D'après une histoire vraie déclassifiée" :

Argo de Ben Affleck, 2012


Et, top du top, "D'après deux histoires vraies" :

Julie & Julia de Nora Ephron, 2009


On attend avec impatience "D'après 827 histoires vraies déclassifiées".

Pourquoi les distributeurs de films écrivent-ils "D'après une histoire vraie" sur leurs affiches ? Pour conférer à ces films un argument d'autorité ? Mais alors, une histoire vraie aurait-elle plus de poids qu'une histoire inventée ? Déclencherait-elle plus de compassion envers des héros bousculés par des événements qui les dépassent ?

Blue Caprice d'Alexandre Moors, 2013


À moins qu'il s'agisse, en employant ce type de formule, de flatter le voyeurisme du spectateur. Un truc du genre : "On a regardé pour vous par le petit trou de la serrure de ces gens-là, et croyez-moi, ce qui se passe à l'intérieur de leurs vies n'est pas joli-joli ! Approchez-vous, la place est à 12 euros seulement et le comptoir à pop-corn et Coca est sur votre droite".

The Bling Ring de Sofia Coppola, 2013


De la télé-réalité sur grand écran, en somme. Qui est tout sauf de la réalité filmée puisque les engueulades entre les différents participants de ces émissions télévisées, ainsi que leurs étreintes, sont scénarisées, c'est-à-dire écrites à l'avance.

Les films vendus avec l'étiquette "D'après une histoire vraie" ou autre formule du genre ont en vérité peu de liens avec la vérité vraie qui n'a ni début, ni milieu, ni fin assortie d'un épilogue. Elles sont "inspirées de faits réels", "d'après des faits réels". Les mots "inspiré" et "d'après", qui instaurent une discrète mise à distance, ne sont que des protections juridiques visant à éviter d'éventuels procès de la part des véritables protagonistes de ces histoires. Un film de Jim Sheridan intitulé Au nom du père avait, à sa sortie, suscité bien des critiques. Cette bobine, qui narrait l'histoire d'un Irlandais arrêté parce que soupçonné d'attentats au nom de l'IRA, avait déclenché les foudres de la presse grand-bretonne de l'époque (voir par là) qui dénonçait les nombreuses entorses à la réalité parsemant cette bobine. Dont l'affiche mentionnait fièrement : "Une histoire vraie par le réalisateur de My Left Foot". Sans se protéger avec un "inspiré de" ou un "d'après".

Au nom du père de Jim Sheridan, 1993


"D'après une histoire vraie" est une formule destinée à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. "Venez voir ça, c'est de la vraie vie, c'est pas du cinéma !" Sauf que si, justement, c'en est, du cinéma.

C'est un peu l'inverse de ces réclames affichant fièrement un macaron sur lequel est écrit "Vu à la télé". Dans ce cas-là, un produit manufacturé n'acquiert de réalité que s'il est passé par le filtre de la fiction publicitaire télévisée. "Ça existe pour de vrai, puisque je l'ai vu à la télé."

À moins que la vérité vraie soit de ce côté-là :

Extrait de I comme Icare d'Henri Verneuil, 1979


L'occasion de lire ma chronique intitulée Du beau spectacle en perspective.

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