"Comment ne pas écrire sur l'Afrique en 2012" (The Guardian)
Brève

"Comment ne pas écrire sur l'Afrique en 2012" (The Guardian)

Sept ans après la parution de son essai intitulé "Comment écrire sur l’Afrique", le romancier kényan Binyavanga Wainaina publie dans The Guardian un guide du correspondant étranger, lui apprenant les ficelles du métier... pour ne pas réellement parler du continent.

"Si l’on dressait une nouvelle carte de l’Afrique, elle serait divisée en trois : 1) flambées d’horreur : Mugabe, régimes antidémocratiques, guerres, Somalie, Congo. 2) flambées de joie : Mandela, Coupe du Monde, safaris, Baby 4 Africa (une petite ONG qui fait des choses formidables avec des bébés noirs qui se tortillent allègrement dans les mains de leurs sauveurs blancs qui les ont arrachés à la guerre). Mes associations favorites sont clitoraid.com et Knickers 4 Africa, qui collecte des slips usagés pour les femmes africaines. 3) Et puis, tout le reste ! L’Afrique de base."

Binyavanga Wainaina dépeint un traitement médiatique homogène du continent africain avec humour et ironie. Son texte, intitulé "Comment ne pas écrire sur l’Afrique en 2012 - un guide du débutant" a été publié dans le quotidien britannique The Guardian le 3 juin dernier, et traduit par Courrier international. Si l'auteur dénonce avec cynisme les revers du journalisme "occidental" sur le continent, il ne donne qu'en creux les pistes pour améliorer la couverture du continent.

Récipiendaire du Prix Caine pour l’écriture africaine, fondateur de Kwani?, premier magazine littéraire de l’Afrique de l’Est, Binyayanga Wainaina a aussi écrit pour des journaux américains et britanniques tels que le New York Times, National Geographic ou The Guardian. En 2005, il avait publié un essai satirique dans le magazine littéraire britannique Granta. Intitulé "Comment écrire sur l’Afrique" l’article avait notamment été salué par le New York Times.

Premier argument développé par l’auteur dans cette satire : si les correspondants étrangers produisent autant de clichés à propos du continent, c’est parce qu’ils ne l’explorent pas beaucoup. L'auteur dénonce en effet la concentration des journalistes occidentaux dans les mêmes villes. "Nairobi est un bon plan pour un correspondant de presse. Non seulement il y a des toujours vols réguliers pour le dernier ”génocide” le plus proche, mais il y a aussi des pelouses, des courts de tennis et un très bon service". Il continue sur le même ton. "Si vous travaillez pour un grand journal, une télévision ou une radio, il est fort possible que vous viviez à Nairobi ou à Johannesburg. Pour faciliter votre travail, vous devez avoir dans l’annuaire de votre téléphone les numéros des directeurs locaux d’ONG européennes comme Oxfam et Save the Children. Il n’est pas difficile de trouver ces numéros : il y a de grandes chances pour que ces responsables soient vos voisins ou vos partenaires de tennis."

Autre cible de Wainaina: les ONG, qui servent très souvent de principales sources aux journalistes sur le terrain. Une convergence qui n’aide pas à un traitement original de l’information sur le continent. "Toutes les connaissances nous sont fournies par les ONG. Ces organisations parlent des droits de l’homme et c’est parce qu’elles le font que nous savons qu’elles sont bien, objectives et fiables. Si un correspondant étranger a besoin de savoir ce qui se passe exactement au Soudan, son déjeuner hebdomadaire avec le responsable d’Oxfam le renseignera sur les questions les plus urgentes".

Le romancier dénonce aussi le manque actuel de correspondants détachés par les rédactions, et leur répartition sur le continent, entre l'Afrique de l'Est, l'Afrique de l'Ouest, ou Johannesburg. Cet abandon progressif du continent par les journalistes aurait débuté à la fin de la guerre froide, selon le romancier. "En 1991, l'Afrique a cessé d'exister".

Ironie du sort,  Wainaina affirme que cette désertion des journaux américains et européens permet finalement au continent de se développer. "Il n’est pas surprenant qu’une vaste classe moyenne soit en train d’apparaître sur tout le continent africain : les médias britanniques, américains et européens nous ont perdus. Les nôtres sont en plein essor et nous signons des contrats avec la chaîne chinoise CCTV et Al-Jazira. Nous voyageons sur les lignes Emirates et Kenya Airways. Nous concluons des accords avec ceux qui considèrent un avenir commun dynamique comme une base de dialogue".

Sur le même thème, notre journaliste Justine Brabant a arpenté l'Est de la République démocratique du Congo. Elle en a tiré quelques leçons sur l'information en zone de guerre. A voir aussi, notre émission consacrée à l'influence des ONG sur la vision des conflits en Afrique.

(Aude Garachon)

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