Algérie : émission satirique censurée (ou suspendue ?)
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Algérie : émission satirique censurée (ou suspendue ?)

Censure ou simple suspension sur la chaîne privée algérienne El Djazaïria ? Le Petit Journal de Canal+ rapportait hier que l’émission hebdomadaire satirique El Djazaïria Week-end a été supprimée suite à une chronique reprenant les révélations du livre Alger-Paris : une histoire passionnelle co-écrit par deux journalistes français qui assurent que la fille du Premier ministre Abdelmalek Sellal s’est acheté un appartement sur les Champs-Elysées. Le patron de la chaîne évoque une simple interruption provisoire.

Peut-on critiquer les membres du gouvernement algérien à la télévision ? Pas si facile, et l’émission satirique El Djazaïria Week-end en a fait les frais comme le rapportait hier Le Petit Journal de Canal+. Le tort de cette jeune émission hebdomadaire diffusée le vendredi sur la chaîne privée El Djazaïria ? Avoir repris, le 17 avril, une des révélations du livre Alger-Paris : une histoire passionnelle co-écrit par deux journalistes français, Christophe Dubois de TF1 et Marie-Christine Tabet du Journal du Dimanche. Les deux auteurs de l’ouvrage sorti en France le 12 avril dernier assurent que la fille du Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal s’est offert un appartement sur les Champs-Elysées. Ou, plus exactement, à en croire le site Kabylie-News qui évoque l’ouvrage introuvable en Algérie, deux appartements pour 860 000 euros dans lesquels elle n’a jamais mis les pieds et qui auraient été achetés avec l’argent de son riche mari, un homme d’affaires libanais.

"Alors que notre premier ministre demande aux expatriés de revenir en Algérie, on aimerait vraiment des explications", s’interroge l’un des journalistes d’El Djazaïria Week-end, Abdou Semmar. En guise d’explication, après pression du gouvernement auprès des dirigeants de la chaîne, l’émission a été purement et simplement supprimée, assure Yann Barthès :

Des pressions ? Selon le quotidien algérien El Watan, "Abdelmalek Sellal aurait appelé le jeune dirigeant de la télévision, Karim Kardache, pour lui reprocher le contenu de l’émission. Et, jusque-là discret, le président de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, Miloud Chorfi, diffuse un communiqué d’avertissement" le 19 avril. Ce communiqué dénonce "les dérives répétitives de l’émission Week-end qui verse dans le sarcasme et le persiflage à l’encontre de personnes, dont des symboles de l’Etat et de hauts responsables de différentes institutions de l’Etat". Pourtant, d'après le site Algérie-Libre, "Kardache réfute que ce soit de la censure ou de l’autocensure suite à l’avertissement de Chorfi" et assure que "l’émission reviendra après le mois de carême, […] que c’est une fin de saison, mais elle reprendra avec un nouveau look après le mois de Ramadhan" (version que ne citait pas Le Petit Journal). Mais, d’après El Watan, le patron d’El Djazaïria "a préféré sauvegarder la chaîne en sacrifiant son émission-phare".

Le statut des chaînes privées en Algérie est loin d’être stabilisé. Un autre article d’El Watan explique que "ces chaînes de télévision privées lancées voilà trois années n’ont aucune existence juridique en Algérie". Comme nous le racontions ici, le gouvernement algérien a en effet décidé en 2012 d’ouvrir la télévision au privé. Mais les règles ne sont pas claires pour ces chaînes qui "ne disposent pas d’agrément pour émettre en Algérie". El Djazaïria émet pour sa part depuis la Jordanie. Du coup, pour El Watan, ces chaînes "évoluent de façon informelle avec une simple autorisation délivrée, théoriquement, par le ministère de la Communication. Le pouvoir, qui a érigé l’informel en règle de gestion, se complaît dans cette situation qui lui offre la possibilité d’agir sur les lignes éditoriales de ces télés en brandissant la menace de retrait de l’autorisation".

Si le patron d’El Djazaïria considère que l’émission n’a fait l’objet d’aucune censure, ce n’est pas l’avis d’Abdou Semmar – interrogé via Skype par Barthès – et évoque une injustice. Le journaliste a assuré à l'AFP avoir "réalisé un dernier numéro vendredi, en choisissant d'arrêter l'émission plutôt que d'infléchir la ligne éditoriale comme on nous le proposait". Enfin, Semmar signe sur le site Algérie Focus, dont il est rédacteur en chef, un billet pour dire son indignation : "je n’ai accusé personne. Je n’ai insulté personne. J’ai juste porté sur la scène publique ces informations pour inviter nos dirigeants à fournir des explications, à réagir. En 2015, l’Algérien ordinaire qui reçoit mensuellement un salaire de 290 euros, a parfaitement le droit de comprendre comment ces dirigeants mènent une vie d’un luxe insolent en France. [...] Nos larmes céderont prochainement la place à la détermination. Celle de créer un autre espace d’expression."

Suite à cette censure, signale Le Figaro, "de nombreux journalistes et travailleurs de la presse, militants associatifs et représentants syndicaux, regroupés au sein de l'initiative Indépendante pour la Défense des Libertés d'Expressions ont lancé un appel […] à un grand rassemblement de solidarité le vendredi 1er mai devant la Place de la liberté de la presse à Alger". Une date qui ne doit rien au hasard souligne le site algérien L’Expression – qui avait dézingué El Djazaïria à sa naissance– "puisqu'il s'agit de la Fête des travailleurs. C'est aussi la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse."

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