Time / Aisha : la journaliste accusée de conflit d'intérêt
Brève

Time / Aisha : la journaliste accusée de conflit d'intérêt

La couverture de Time présentant Aisha, une jeune Afghane de 18 ans dont le nez et les oreilles auraient été mutilés par les talibans, a ému l'Amérique. @si est déjà revenu sur son histoire et sur les résonances de la photo.

Nouveau rebondissement : La journaliste de Time, Aryn Baker, qui a écrit l'article présentant les souffrances des femmes en Afghanistan, est accusée par The New York Observer.com de conflit d'interêt. Son mari entrepreneur afghan-américain aurait réalisé de nombreuses affaires en Afghanistan depuis l'intervention de l'OTAN, et sous la bénédiction du Président Hamid Karzai. Il aurait donc tout intérêt au maintien sur place de l'armée américaine.

L'article de l'Observer.com signé par John Gorenfeld, a été publié le 12 août :

"Son mari, Tamin Samee, un entrepreneur afghan-américain est membre d'une commission lancée par le gouvernement afghan dotée d'un budget de 100 millions de dollars qui prône les investissements étrangers en Afghanistan. Il a lancé deux entreprises, Digitan et Ora-Tech, qui ont sollicité et remporté des contrats sur des projets de reconstruction avec l'aide de la force d'intervention internationale et également celle du Président Hamid Karzai."

Des éléments rejetés en bloc par Time, qui a contacté le site internet: "Ces affirmations sont totalement fausses. Le mari d'Aryn Baker n'a aucun lien avec les militaires américains, n'a jamais sollicité d'affaires venant d'eux et n'a pas d'inteéêt à ce que les Américains restent en Afghanistan. L'article publié dans Time n'est ni pour, ni contre la guerre, c'est un reportage sérieux et factuel sur les femmes dans ce pays".

L'éditorialiste politique du Time, Joe Klein se fait également l'avocat d'Aryn Baker sur son blog Swampland:

"Qu'est-ce qui est pro-guerre dans tout ça ? Parce que c'est réellement un terrible dilemme moral. Si l'Afghanistan refuse notre aide pour le sauver contre lui même, bon nombre de femmes vont souffrir dans les mains des talibans. Est-ce que quelqu'un doute de cela ? Quelqu'un peut-il mettre en doute la réalité et la sensibilité du reportage d'Aryn sur cette histoire importante ? Ou ces critiques des médias de gauche sont comme leurs sordides réponses. Ils ont besoin de discréditer chaque parcelle de réalité qui n'entre pas dans leur vision du monde."

Le New-York Observer note pourtant plusieurs faits troublants :

Deux ans avant son mariage avec la dirigeante du bureau du Time en Afghanistan et au Pakistan, Samee a déclaré à Radio Free Europe : "Les possibilités sont très bonnes ici" dans le secteur des télecoms, grâce à l'implication de la force internationale d'assistance et de sécurité et de la présence de la coalition." Il déclarait la même année à Entrepreneur.com: "vous ne trouverez pas d'endroit qui offre autant d'opportunités" et le bénéfice a été encore plus grand que je l'espérais. Trois ans plus tard, Digistan postait une offre d'emploi dans son service des ventes où l'on peut lire dans la description de l'entreprise : "a brillamment remporté des commandes du gouvernement et des militaires" ce qui reflète les liens étroits entre l'entreprise et l'Otan."

Une activité qui semble florissante si l'on en croit l'Observer.com : L'un des employés de Samee, Shah Afghan, avoue sur son profil Linkedin avoir fait gagner 1,2 millions de dollars à Digistan entre 2006 et 2008. Une liste de clients d'élite, incluant la Kabul Bank, dont la réputation de malhonnêteté a motivé la demande de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton à Hamid Karzai pour un nettoyage de la corruption dans le pays.


Autre élément : le nom de Samee Tamin figure parmi les six membres d'un comité nommé Harakat lancé par le gouvernement Karzai. Doté d'un budget de 100 millions de dollars, il a pour objectif de "créer un environnement florissant pour les investissements étrangers en Afghanistan'.

Un portrait à la gloire d'un ami de Samee

Le New York Observer.com revient également sur un épisode antérieur à l'article en question. Aryn Baker a réalisé pour Time, une série de portraits sur des entrepreneurs intervenant en Afghanistan notamment sur un client de l'entreprise Digistan, le banquier Hayatullah Dayani.

Et l'Observer.com de poursuivre : "bien qu'elle n'ait jamais fait le portrait de Samee, elle a écrit sur son entourage. Dont celui de Rory Stewart, un diplomate écossais auteur et ancien administrateur de l'autorité provisoire en Irak (autorité militaire qui a dirigé le pays de la chute de Saddam Hussein à l'organisation de nouvelles élections, ndlr) et qui a traversé l'Afghanistan à pieds. Elle l'a honoré dans un portrait élogieux en 2007: Stewart of Afghanistan.

Stewart est une personnalité fougueuse qui a inspiré à Hollywood un scénario et dont on sait qu' Orlando Bloom aimerait jouer le rôle. Il finance aussi à auteur d'1,7 millions de dollars de l'association Turquoise Mountain dont Samee est également un des sponsors. L'association recrute des ingénieurs pour restaurer les quartiers historiques de Kaboul. "

 L'article d'Aryn Baker sur Aisha est présenté par l'Observer.com comme une sorte de baroud d'honneur, celle-ci quittant le pays pour une autre affectation à l'étranger. Son départ, qui correspond à une procédure normale selon Time (les reporters à l'étranger changeant régulièrement de pays), a refusé d'indiquer sa nouvelle affectation.


(
Par Jean-Yves Alric
)

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