Quand Franceinfo faisait parler les jeunes, quartiers populaires compris
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  • Avec
    Antoine Resche
  • Presentation
    Loris Guémart
Réservé à nos abonné.e.s

Cette émission est diffusée en direct un mardi sur deux à partir de 17 h 30 sur notre chaîne Twitch.

- 3:10 En 2022, Franceinfo faisait parler les jeunes, quartiers populaires compris

Le 1er juillet, le fondateur de la newsletter Bulletin Jean Abbiateci rappelle sur Twitter que le Bondy Blog est né suite aux révoltes de 2005, créé par des journalistes suisses "mus par la curiosité et le besoin de comprendre". Et le journaliste de poursuivre : "C'est à mon avis aussi une question de choix et d'ambition éditoriale de s'intéresser à ses sujets, idéalement aussi quand tout est calme." Quelques heures plus tard, la journaliste de Franceinfo Manon Mella poste une sélection de témoignages de jeunes de quartiers populaires, issus de sa série de pastilles sonores "Génération 2022". Florilège issu de sa sélection : "Personne ne me représente au niveau politique" (Lansky Namek, 23 ans, Marseille) ; "J'en ai marre de ces politiciens qui ne sont jamais venus dans nos quartiers" (Amine, 17 ans, Marseille) ; "J'ai l'impression qu'on est mis à l'écart par rapport aux autres quartiers" (Adama, 18 ans, Pantin) ; "Pendant toute ma scolarité, on m'a dit que j'étais née du mauvais côté du périphérique" (Lucie, 17 ans, Drancy).

Auprès d'ASI, elle explique qu'à l'origine de ce travail réside une demande du directeur de Franceinfo, Jean-Philippe Baille, faite en mars 2021, un an avant l'élection présidentielle. D'août à avril, la journaliste est entièrement dédiée à ces pastilles de 2 minutes 30. "Très vite, j'ai fait le choix de me mettre un peu en retrait sur la forme. […] Quitte à donner la parole aux jeunes, autant qu'on les entende un maximum", raconte Manon Mella. Comment choisir ces jeunes ? "Souvent, quand on entend les jeunes dans les médias, ce sont des étudiants. Je me suis dit que j'allais aussi donner la parole à des jeunes qui travaillent, qui sont au chômage." Trouver des jeunes engagé·es en politique ou dans les associations s'avère facile, en passant par les services presse des structures concernées. Pour les autres, qu'elle est allée chercher "dans la rue, devant des facs, à Pôle emploi, dans des cafés ou des bars", elle privilégie le terrain, partout en France. Elle se rend aussi dans la Sarthe, désert médical, ou à Fourmies (Nord), "endroit où le chômage des jeunes est le plus élevé". Les jeunes de quartiers populaires témoignent du "sentiment d'être abandonnés par les politiques, mais aussi par les médias, les pouvoirs publics, tout le monde en réalité", et "d'être considérés comme des étrangers en étant français"

- 21:08 "Implant files", la saga judiciaire continue pour le droit d'informer

En 2018, un consortium de médias internationaux, dont Radio France et le Monde, dévoilent les failles béantes du système européen de certification des implants médicaux. Par exemple en obtenant la certification d'un filet à oranges. Mais les journalistes butent sur un os lorsqu'ils essaient d'obtenir les listes des implants certifiés, et refusés : le Laboratoire national de métrologie et d'essais, une institution parapublique, refuse de les transmettre, et la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) ne fait pas suite à leur demande, le tout au nom du "secret des affaires" alors juste transposé par la France de la directive européenne – confirmant les craintes des journalistes opposés à cette restriction du droit à l'information. Ils vont devant le tribunal administratif (et perdent), puis au Conseil d'État (qui casse la décision), et de nouveau devant le tribunal administratif… dont la décision (négative) est tombée en juin.

- 34:27 Soutenir ou pas le "JDD" face à Vincent Bolloré ?

Deux semaines sans parution du Journal du dimanche, c'est inédit – comme la création d'une caisse de grève. Le soutien d'une bonne partie de la gauche à l'hebdomadaire plus connu pour son relais enthousiaste de la communication du pouvoir politique que pour son journalisme critique, c'est inédit aussi. La semaine dernière, Daniel Schneidermann, présent à la soirée de soutien, rappelait le mot d'ordre à gauche : soutenir sa rédaction, "qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas". Même proposition quelques jours plus tard chez Acrimed: "Toute lutte visant à enrayer l'accession d'un personnel d'extrême droite à des postes de direction et à opposer un contre-pouvoir à l'omnipotence de Vincent Bolloré sur la presse est bonne à prendre." Sans aucune illusion quant à la participation passée de l'hebdomadaire à la "normalisation médiatique de l'extrême droite".

- 46:53 Les journaux de France Musique, et le 22 h de France Culture bientôt supprimés

La rédaction d'information de France Musique et de France Culture est en grève pour protester contre l'annonce de la suppression des journaux d'information de la première, et du journal de 22 h pour la seconde. Pourquoi cette décision ? Selon la présidente de Radio France Sibyle Veil, afin de "mettre les moyens d'information à l'heure où le plus de Français nous écoutent". Mais l'un des rares médias à avoir couvert ce mouvement social, l'Humanité, rappelle que cette décision "semble aussi contrevenir au cahier des missions et des charges du groupe public, dont l'article 26 oblige Radio France à «diffuser chaque jour et de manière régulière des bulletins et journaux d'information», sur chacune de ses antennes nationales". Et que la solution envisagée, à savoir y diffuser des journaux des autres antennes de Radio France, aura pour résultat une réduction de la diversité médiatique interne au groupe public. "Notre projet c'est justement de proposer une information différente, sans faits divers, sans polémiques, sans résultats sportifs… ", expose ainsi un journaliste anonyme à l'Humanité. Sans oublier un autre fait : France Culture et France Musique sont les deux radios les mieux captées de France, y compris dans les déserts radiophoniques.

- 57:30 Titanic et sous-marin, Antoine Resche (Histony) raconte son maëlstrom médiatique

Spécialiste des transatlantiques et du Titanic en particulier (il préside l'association française du Titanic), l'historien et vidéaste Antoine Resche, de la chaîne YouTube Histony, nous fait entrer dans les coulisses médiatiques de l'accident mortel du sous-marin ayant plongé sur l'épave avec l'un des spécialistes français du navire à son bord. Au même moment, les médias se détournaient d'un autre naufrage, les autorités européennes ayant laissé mourir en Méditerranée des centaines d'exilé·es, en toute connaissance de cause selon une enquête approfondie du New York Times. Antoine Resche, lui, était assailli de sollicitations médiatiques, des chaînes info au Parisien en passant par C dans l'air

L'historien refuse la majorité des demandes, en particulier celle de CNews… ce qui lui vaut un appel furieux de Pascal Praud. Il nous raconte l'inanité des articles et vidéos traitant du "célèbre Français" à bord (en fait connu uniquement du petit cercle des spécialistes du Titanic), ou de la "prophétie" des Simpsons, ou de la mise en avant du décompte macabre de l'oxygène restant. Mais aussi la volonté explicite de certains médias d'en faire un feuilleton médiatique, rappelant de façon troublante le traitement médiatique sensationnaliste au possible qu'avaient fait les médias lors du naufrage du Titanic. En fin d'interview, on discute aussi de la manière dont trop d'émissions historiques sont construites, ce qu'ASI décrivait dans un article portant sur les reproches des historien·nes envers Secrets d'histoire.

- 1:53:50 Le dumping social de "La Dépêche du midi" condamné par la justice

Depuis 2015, le quotidien régional la Dépêche du Midi a mis en place un système "diabolique", a raconté sur LinkedIn l'ex-journaliste Claire Raynaud. Qui l'avait inauguré en tant que salariée : plutôt que de négocier une réduction des conquis sociaux de la rédaction, la direction a choisi… de créer une vraie-fausse agence de presse, Dépêche News, permettant d'embaucher des journalistes à des conditions sociales très inférieures. "L'idée est simple, géniale aussi du point de vue d'un patron : engager des journalistes dans cette agence de presse aux conditions salariales et sociales moins-disantes (30% de salaire en moins, 3 fois moins de vacances, pas de RTT, évolution de carrière au rabais, etc, etc.) et les faire bosser à 100 % pour la Dépêche du Midi, sous les ordres des responsables éditoriaux de la Dépêche du Midi, a-t-elle exposé. Pour un journal qui se revendique d'une gauche radicale socialiste, dont le patron et propriétaire a été plusieurs fois ministre et qui touche chaque année des centaines de milliers d'euros d'aide à la presse versées par le ministère de la Culture, se déjouer ainsi des lois et du code du travail est proprement injuste."

Elle a fait condamner le quotidien régional pour ce qui concernait son cas, et les syndicats de journalistes – inquiets face à une pratique qui pourrait inspirer d'autres groupes de presse – ont engagé une bataille juridique, en parallèle de l'intérêt de l'inspection du travail et du parquet, pour faire condamner collectivement la Dépêche. Un affrontement que les médias, sauf exception, ne se pressent pas vraiment de relayer, et que la Dépêche tait à ses abonné·es.

- 2:09:10 AUx "Échos" et à "l'Opinion", la françafrique se porte bien

Les feuillets promotionnels vantant les mérites d'autocrates africains et la grande presse française, c'est une longue histoire. Elle se poursuit encore aujourd'hui, a récemment dénoncé l'association QuotaClimat (qui examine la couverture climatique des médias français en parallèle d'une autre association similaire, Climat médias). Les Échos ont en effet diffusé, il y a quelques jours, un publireportage en double page afin de promouvoir la société publique congolaise du pétrole. Loin, très loin des enjeux climatiques. 

"Rappelons que, pour se donner une chance de respecter nos objectifs climatiques internationaux, tout nouveau projet d'exploration pétrolière est à combattre. Les pays du Sud, dont le Congo fait partie, sont les pays les plus exposés aux effets négatifs du réchauffement", détaille l'association. Les nouveaux projets construits ne feront qu'accroître les effets de verrouillage que nos économies occidentales connaissent si bien : que faire d'investissements condamnés à l'obsolescence ?, demande-t-elle. Les promouvoir dans un journal de si grande envergure en France (9,6 millions de lecteurs par mois) est une hérésie climatique et démocratique. Il s'agit de désinformation éhontée." 

Aux manettes de ce publireportage, la société Commit, dont la directrice participe de longue date à ce type de contenus (par exemple à la fin des années 2000 dans le Japan Times). Et apporte aussi son expertise publicitaire à l'Opinion, dans le cadre du forum co-organisé par le site avec le Cian, le lobby des patrons français opérant en Afrique. 

- 2:32:30 Les publireportages web débarquent sur Actu.fr, portail de presse locale

Depuis peu, le groupe Publihebdos (lui-même filiale d'Ouest-France), et avec lui les rédactions web ou papier rassemblées sur sa plateforme actu.fr, se sont mis à la publicité native. Résultat : des contenus de promotion d'institutions et d'entreprises locales, difficiles à distinguer du travail journalistique. D'autant plus que les annonceurs, comme lorsqu'il commandent de telles publicités à des médias nationaux, n'hésitent pas ensuite à re-promouvoir ces pubs en évoquant des "articles"

De quoi faire tiquer sur Twitter une lectrice (et élue) normande : "C'est dingue. Je vois la pub tourner sur les réseaux depuis plusieurs jours et reprise comme un article. Là, c'était dans mes mails avec comme expéditeur le journal d'Elbeuf. Ce publi-reportage ressemble à un article classique", a protesté Anne Corbin. La hiérarchie normande de Publihebdos a semblé prendre la mesure de la confusion. "Effectivement c'est exactement la même police et mise en page. Ce n'est pas très clair. Je vais faire remonter. Merci !", a commenté la rédactrice en chef  de 76 Actu, Manon Loubet. "La visée publicitaire est bien indiquée mais vos retours nous prouvent que ce n'est pas clair. Merci de nous l'avoir signalé", a ensuite répondu Pierre Boiteau, directeur de six hebdomadaires et de deux rédactions web du groupe. Affaire à suivre, donc.

- 3:05:55 FAQ : quelques mots sur "Blast", et sur notre usage de Twitter

Sans entrer de manière détaillée dans le droit de réponse de Blast suite à notre enquête, j'y reviens quelques minutes. Notamment afin d'expliquer pourquoi aucun journaliste de la rédaction n'a souhaité à ce stade écrire un billet du médiateur.

Je me penche aussi sur deux commentaires écrits sous ma chronique à propos d'un article du Monde réalisé à Vernon et à Gaillon (Eure) suite à des révoltes des jeunes de quartiers populaires : le premier questionne la temporalité du reportage (trop courte), le second s'interroge sur notre usage de Twitter.


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