Violences sexuelles dans le cinéma : "Nous, médias, avons été partie prenante de ce système"
L'émission
  • Avec
    Valérie Hurier et Noemie Kocher
  • Presentation
    Nassira El Moaddem
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Antoine Streiff
Réservé à nos abonné.e.s

C'est l'histoire "d'un aveuglement collectif" titre en Une Télérama : comprenez une société, des médias, qui n'ont rien voulu voir des violences infligées aux femmes dans le cinéma, qu'elles soient physiques, morales, sexuelles, ou de la violence des récits des films eux-mêmes. C'est l'histoire d'"un système à changer", écrit les Inrocks, dont les critiques ciné ont fait la promotion de ce même cinéma d'auteur français durant ces quarante dernières années. C'est l'histoire d'"une obstination à s'en tenir strictement à l'œuvre", écrit de son côté les Cahiers du Cinéma, allié majeur de ce cénacle. Qui, reconnaissant "le rôle que la revue a joué dans ce système", estime que la critique doit désormais se nourrir "du travail d'enquête" des journalistes sur le cinéma français.

Télérama, les Cahiers du Cinéma, les Inrocks : trois formes de débuts de mea culpa, mais pour quoi faire, au fond ? Que faire de toutes ces années de récit unilatéral, où les agresseurs d'aujourd'hui étaient les génies d'hier et celles décrites désormais comme "victimes" étaient des "muses" ? Que faire de toute cette histoire écrite ? Plus qu'un examen de conscience des médias, faut-il tout mettre à plat ? Et comment, désormais, raconter le cinéma autrement ? 

Pour y répondre, Valérie Hurier, la directrice de la rédaction de Télérama et Noémie Kocher, actrice, scénariste, qui a fait condamner en 2005 le réalisateur Jean-Claude Brisseau pour harcèlement sexuel.

"Dans l'expression «aveuglement collectif», il y a une déresponsabilisation de tous"

Télérama a consacré la couverture de son numéro de cette semaine à ce que le magazine appelle "un aveuglement collectif" devant les violences faites aux femmes dans le milieu du cinéma. "Ce n'est pas un aveuglement collectif", a répondu Judith Godrèche sur le plateau de Mediapart le 12 février 2024. Noémie Kocher acquiesce : "Il y a quelque chose qui me met profondément mal à l'aise" avec cette Une. Je suis d'accord avec Judith Godrèche, ce n'est pas un aveuglement. Ce sont des gens qui ne voulaient pas voir (...) Dans le mot «aveuglement», il y a déjà une déresponsabilisation (...) Et la phrase «jeunes actrices sous emprise», pour moi, ça ferait le titre d'un mauvais roman, ça nous réduit encore à cette position de victime. Or, ce qui se passe aujourd'hui, ce sont des femmes qui prennent la parole et qui ne sont plus victimes." Valérie Hurier l'assure : "Cette déresponsabilisation, ce n'est pas notre intention. C'est bien la reconnaissance qu'il y avait quelque chose qui devait être vu et n'a pas été pointé comme tel à l'époque. Cette responsabilité, il faut qu'on la prenne."

"chaque mot aurait dû être une alerte"

Que faire désormais avec tous ces articles qui ont porté aux nues des réalisateurs comme Benoît Jacquot ou Jean-Claude Brisseau ? "J'ai relu un certain nombre d'articles et évidemment, il y a un moment de surprise, pour ne pas dire d'effarement, et on se dit : «On a donc écrit, relu, publié ces réponses de cinéastes ? », dit Valérie Hurier. Quand on les relit aujourd'hui, on se dit que chaque mot aurait dû être une alerte (...) C'était là, c'était dit. C'est écrit, on est obligé de l'assumer, ça fait partie de notre histoire ; c'est ce qui nous conduit à dire que oui, on a été partie prenante de ce système, car au moment où aurait dû se dire que ces comportements étaient à dénoncer, on ne les a pas dénoncés". 

"La transgression vécue comme une liberté était le paravent des violences sexuelles"

Parmi les cinéastes accusés aujourd'hui, tous se revendiquaient d'un cinéma subversif, transgressif, explique Valérie Hurier de Télérama. "C'est l'idée selon laquelle la transgression était une des caractéristiques des œuvres, qu'elle faisait le génie de certains créateurs (...) La transgression vécue comme une liberté était le paravent des violences sexuelles. Ce qui était appelé transgression, c'était la liberté toute puissante de certains cinéastes de faire subir des violences sexuelles".

Pour aller plus loin

"Arracher à une actrice des choses qu'elle n'a pas envie de donner est odieux", Politis, Axelle Ropert, 15 février 2024

MeToo dans le cinéma : "C'est une révolution, il ne peuvent plus l'empêcher", émission "À l'air libre", Mediapart, 12 février 2024

"Toutes les femmes , sur l'écran du cinéma qui est la vraie vie agrandie, sont des survivantes", Le Monde, Hélène Frappat, 13 février 2024

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