Morts par la police : "Quand tout ça va s'arrêter ?"
L'émission
  • Avec
    Ahmed Tazir et Nordine Iznasni
  • Presentation
    Nassira El Moaddem
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Antoine Streiff
Offert par le vote des abonné.e.s

Comme toujours, les révoltes dans les quartiers populaires sont l'occasion de nombreux commentaires sur les antennes qui, désormais, n'ont plus rien à voir avec la mort du jeune Nahel de Nanterre ni à la question des violences policières : criminalisation des habitant·es des quartiers populaires, culpabilisation des parents, liens des médias avec leurs sources policières, déni autour du racisme dans la police et dans la société française en général. 

Il était important pour Arrêt sur images de recevoir et d'entendre les premiers concernés. Nos trois invités de cette semaine viennent tous de Nanterre : Nordine Iznasni, de tous les combats des quartiers populaires depuis les années 1980, travailleur social de profession et cofondateur du Mouvement immigration banlieue ; Ahmed Tazir, journaliste, ancien de France 2 et de LCP ; et Mando*, proche de Nahel et de sa famille, habitant du quartier du Vieux-Pont où a grandi l'adolescent.

* Mando n'a pas souhaité donner son nom de famille. 

France 2 supprime un replay

Dans l'émission Télématin diffusée sur France 2 le 3 juillet 2023, le journaliste en plateau annonce que l'enquête de l'IGPN analysant la vidéo amateur filmant le tir policier sur Nahel a beaucoup "progressé". "Certains avaient cru entendre «je vais te mettre une balle derrière la tête» ou «shoote-le», ce qui laisse penser à un tir prémédité. Et bien aujourd'hui, l'IGPN n'a pas du tout la même analyse. Elle entend les policiers demander à plusieurs reprises «coupe» sous-entendu «coupe le moteur» et «mets tes mains derrière la tête», ce qui n'est pas une menace mais plutôt une sommation", poursuit le journaliste de la chaîne publique. Une version démentie par. l'IGPN et le ministère de l'Intérieur.

Selon Mediapart, citant une source place Beauvau qui regrette "l'emballement""l'IGPN ne tire absolument pas ces conclusions à ce stade puisque la vidéo est toujours en cours d'analyse". Le Parisien rapporte de son côté : "Selon l'IGPN, une première interprétation permet de confirmer que l'on entend l'un des policiers, probablement le collègue de Florian M., dire : «Tu vas prendre une balle dans la tête». En revanche, les enquêteurs estiment que Florian M. prononce «Coupe! Coupe !» et non «Shoote» []. Une expertise plus poussée de la vidéo a été lancée par la justice." Difficile pour Mando, proche de Nahel, de revoir cette vidéo. "Ca me fait encore quelque chose, c'est horrible." Et de poursuivre"Lorsque j'ai vu Télématin, réagit Mando, cela m'a bien fait rire. Pourquoi mettre les mains derrière la tête quand on est dans un véhicule ? Je ne vois pas de logique. C'est plutôt «les mains sur le volant» et «coupez le contact». Nous nous sommes tous faits contrôler au moins une fois dans notre vie. C'est le premier protocole qu'un policier engage avec les citoyens lorsqu'ils veulent établir un contrôle routier."

"Ce n'est pas la police de proximité qui atténuera ce qui se passe dans les banlieues"

Pour expliquer la déliquescence des relations entre les habitant·es des quartiers populaires, notamment jeunes, et la police, les invité·es des chaines d'information ont régulièrement pointé du doigt la suppression de la police de proximité, décidée par Nicolas Sarkozy, ancien ministre de l'Intérieur dès 2003, exprimant même une forme de nostalgie. "Nous réclamons une police de proximité, on a besoin de réconcilier la police avec les habitants de ces quartiers", a affirmé le secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel sur France 2, le 4 juillet 2023. "Ce n'est pas la police de proximité qui va atténuer ce qui se passe dans les banlieues, estime Mando. Dans ces banlieues, il y a pas mal de manquement, beaucoup de carences sociales, très peu d'activités. Ils nous laissent dans nos quartiers avec une petite supérette en nous disant «restez ici, vous n'avez pas à dépasser la périphérie». On a l'impression de se sentir délaissés. S'ils ne nous mettent pas autour d'une table pour nous demander «qu'est-ce que vous souhaitez», je pense que ça restera toujours au même point."

"Sanctionner les familles financièrement ? Mais financièrement, ils n'ont pas !"

Comme souvent, ce sont les parents qui sont rendus responsables des révoltes, de ne pas tenir leurs enfants, de ne pas les empêcher de commettre les violences. Emmanuel Macron y a également été de sa déclaration : "C'est la responsabilité des parents de les garder au domicile […] La République n'a pas vocation à se substituer aux familles." Les Républicains et le Rassemblement national demandent, eux, de sanctionner financièrement les parents. De quoi déclencher la colère de Nordine Iznasni. "La majorité des parents essaient que leurs gamins s'en sortent. Il faut arrêter de parler comme ca, c'est une honte, c'est facile parce qu'on parle d'immigrés, même le président n'a pas à parler comme ça […] Les gens sont en galère et dans la souffrance, ça représente combien d'argent ces allocations ? Sanctionner les familles financièrement ? Mais financièrement, ils n'ont pas ! Alors vous voulez leur enlever ce qu'ils n'ont pas, c'est à dire la Caf, vous allez créer de la misère et lorsque les gens n'ont plus à manger, qu'est ce qu'ils font ? Et bien ils vont chercher à manger et là, ça va devenir encore plus dangereux."

"Moi, je ne fais pas partie des gens qui oublient"

Quarante ans que Nordine Iznasni a fait son combat des droits des habitant·es des quartiers populaires. En 1992, il était invité par Mireille Dumas dans Bas les masques sur France 3. Un passage fortement relayé sur les réseaux sociaux après la mort de Nahel, tant les mots prononcés il y a trente ans résonnent avec ce qu'il se passe aujourd'hui. "Il y a des petits frangins qui meurent de mort violente et on nous demande de nous calmer. Je n'ai pas envie de me calmer", disait-il avec force. "C'est triste, c'est dramatique, c'est quelque chose qui n'a pas changé", déclare Nordine Iznasni trente et un an après. Regrette-t-il d'avoir perdu son temps ? "On n'a jamais perdu notre temps car souvent les familles dans ces cas-là elles se retrouvent seules, nous notre famille, c'était de ne pas les laisser isolées […] Je n'accepte pas qu'on puisse prendre la vie de quelqu'un comme ça  […] Et, je pourrais parler de plein de jeunes qui sont morts de morts violentes. Il n'y a jamais eu justice pour cette population. Certains pensent qu'on oublie, moi je ne fais pas partie des gens qui oublient."

Pour des raisons de droits, l'INA nous a demandé de supprimer l'extrait de 1992 où Nordine Iznasni évoquait les violences policières. Pour le consulter, il faut donc se rendre sur Youtube.

Pour Aller plus loin 

Notre émission (en accès libre) du 30 juin 2023, trois jours après la mort de Nahel.
- "Vu du Royaume-Uni : la révolte des banlieues donne raison au «modèle britannique»", Courrier international, 4 juillet 2023.
"Nahel et les quartiers : mourir pour exister", texte du journaliste et écrivain, Feurat Alani, originaire de la cité Pablo Picasso de Nanterre.
- Témoignages en vidéo de jeunes habitant·es de Nanterre, postés par le média rap Booska-p.



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