"Le masque devient une norme sociale"

Arrêt sur images

Deuxième vague ou pas deuxième vague ? Alors que le nombre de contamination par le coronavirus n’a cessé d’augmenter cet été, le port du masque se généralise - y compris sur notre plateau ! Obligatoire en intérieur, jusque dans les open spaces à partir du(...)

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L'émission
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  • Avec
    Laurent Toubiana et Yves Gaudin et Jocelyn Raude
  • Presentation
    Daniel Schneidermann
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Sébastien Bourgine
Offert par le vote des abonné.e.s
Deuxième vague ou pas deuxième vague ? Alors que le nombre de contamination par le coronavirus n’a cessé d’augmenter cet été, le port du masque se généralise - y compris sur notre plateau ! Obligatoire en intérieur, jusque dans les open spaces à partir du 1er septembre, il est désormais requis dans toutes les rues de Toulouse, Marseille, Paris depuis ce matin… Ces mesures sont-elles nécessaires et comment sont-elles acceptées ? Tentative d’éclairage avec Yves Gaudin, virologue et directeur de recherche CNRS, Laurent Toubiana, docteur en physique et épidémiologue à l’Institut de recherche pour la valorisation des données de santé, et Jocelyn Raude, chercheur en psychologie sociale à l’École des hautes études en santé publique.

"les médias renvoient une image à contre-courant de  l’opinion majoritaire aujourd’hui en France sur le masque"

Rentrée sous le signe du masque à Arrêt sur Images. Alors que le masque va devenir obligatoire en entreprise à partir du 1er septembre, la question se pose sur les plateaux de télévision… Et aussi sur celui de BfmTV, où le masque n’est pas porté et où l’on se veut rassurant : le plateau fait 200 mètres carrés, il est ventilé avec de l’air de l’extérieur, tout le monde autour porte le masque… "Je veux pas m’attirer des ennuis avec Bfm, mais dans les couloirs de la rédaction, je n’ai pas vu de gens porter le masque", signale quand même Yves Gaudin.

Au-delà, quel message cela renvoie-t-il aux téléspectateurs ? "les médias nous renvoient une image à contre-courant de ce que peut être l’opinion majoritaire aujourd’hui en France", estime Jocelyn Raude. Sur la question du masque en général, où les anti-masques et les frottements ont souvent été pointés, lesquels masquent la large appropriation de l’objet, contre les recommandations du gouvernement au départ, par 95% des gens - 75% sont favorables à son usage en extérieur. "Collectivement, le masque est en train de devenir une norme sociale dont le non-respect est de moins en moins toléré."

Est-il réellement utile ? Yves Gaudin explique la différence, dans un virus respiratoire, entre les “gouttelettes”, des postillons lourds qui ne vont pas au-delà de deux mètres, et les “aérosols”, des particules beaucoup plus petites qui se répandent dans l’air. “Cette infographie, elle est fausse”, signale-t-il à propos d’une infographie du parisien qui fait voler les aérosols jusqu’à 4 mètres : pas de distance limite, “les aérosols, dans une pièce comme on est là, vont flotter longtemps.” En extérieur, les aérosols sont “quasiment inexistants”, mais le risque de se contaminer par un postillon est là, en particulier là où les distances de sécurité ne sont pas tenables : “marchés”, quartiers “où les gens font un peu la fête”, bref, précisément là où les restrictions ont été posées en premier.

Laurent Toubiana a adopté sur de nombreux plateaux télévisé un positionnement à contre-courant. Il le conserve chez Arrêt sur Images : "la justification scientifique du port du masque est sans fondement", estime-t-il, jugeant qu’il s’agit d’une “démarche sanitaire” tandis qu’il préfère tenir “une démarche scientifique”.  Mais il observe le port du masque, “en bon citoyen”.

"Le nombre de morts est sous le seuil critique"

Pas de militantisme anti-masque de son côté, donc. Un militantisme peut-être alimenté par des politique de santé mal pensées. “La santé publique, c’est presque toujours un arbitrage entre des libertés individuelles et publiques d’un côté, et la protection du bien public, c’est à dire de la santé, de l’autre”, explique Jocelyn Raude. Les politiques oscillent entre incitation et obligation pour arriver à leur fin, avec d’un côté comme de l’autre des fiascos notoires. En France, “on aurait pu ou dû limiter l’obligation aux endroits fermés par opposition aux endroits ouverts, ce qui est de nature à renforcer le mouvement critique, y compris dans le champ scientifique.

Et cette fameuse deuxième vague ? Un peu plus tôt, Laurent Toubiana a pointé les courbes de contamination du virus, en forte augmentation, et du nombre de morts, restée basse depuis la fin du confinement : “Autant la courbe de cas remonte, autant le nombre de morts est anecdotique, il est sous le seuil critique”, commente-t-il, ajoutant “mon but, c’est de dédramatiser.” "Il n’y a pas à l’heure actuelle, ou très peu, de malades", rappelle-t-il, préférant qualifier les patients asymptomatiques de "porteurs". Le nombre de cas détectés est aujourd'hui aussi important qu'en période de confinement, mais, explique Yves Gaudin, "en mars et en avril, on ne testait pas. Donc tous les gens dans ce premier pic, c’est des gens qui arrivaient à l'hôpital ou qui consultaient : plein de gens n’ont pas été détectés." Les tests sont cependant loin de tout expliquer : fin juin, 1% des tests étaient positifs, le nombre est aujourd'hui de 3,8%, et jusqu'à 7% dans les Bouches-du-Rhône.

"La vraie crainte, c'est l'automne"

Si le nombre d'hospitalisation et de décès reste bas, c'est que "c’est une population plus jeune qui est porteuse. On sait depuis le début que dans une population jeune, le portage ne se traduit pas forcément par des cas, parce qu’en fait ils ne sont pas souvent malades, souvent asymptomatiques. Mais le virus circule, et on détecte quand même de plus en plus de cas." Le faible nombre d'hospitalisations et de décès s'explique aussi pour lui par un caractère "saisonnier" de l'épidémie, le virus circulant moins et les défenses étant meilleures en été. "Mais il y a augmentation des porteurs, et on approche de l’automne et de l’hiver. La vraie crainte, c’est l’automne."

Laurent Toubiana est sceptique : "cette idée de la deuxième vague n’est fondée actuellement sur rien. Regardez, les épidémies qu’on a connu, regardez, le SARS, le H1N1, le MERS, aucune de ces épidémies n’a eu de retour." Et la grippe espagnole ? Désaccord sur ce point, et point d'Yves Gaudin sur les "cassures antigéniques", les mutations responsables de toutes les grandes épidémies de grippes. "Dans le cas des coronavirus, c’est plus compliqué pour qu’on ait un phénomène de cassure. Ce n’est pas exclu, mais c’est compliqué, ça passera par d’autres mécanismes." Une autre bonne nouvelle, pour Laurent Toubiana, qui ne s'engage pas sur l'absence de deuxième vague dans le futur : "non, je ne peux pas l’affirmer, la nature est pleine de surprise, je ne peux pas affirmer ça."

"ça résume l'état de la situation, intervient Jocelyn Raude, on est face à une menace émergente, mal comprise, mal connue et sur le plan psychologique ça a un effet extrêmement puissant", les deux facteurs les plus  à l’origine des inquiétudes les plus fortes étant le "niveau d’incertitude, des connaissances perçues de la maladie" et celui "de contrôlabilité perçue de ces mêmes maladies""Ça suit la sagesse populaire, “en période d’incertitude, crains le pire”", appuie Laurent Toubiana. Mais n'est-ce pas indispensable pour mettre en œuvre des politiques publiques ? "Dans le doute, il est nécessaire d’être vigilant, confirme Yves Gaudin. C’est normal de prendre des mesures, et je pense qu’on en voudrait au gouvernement si jamais il ne prenait pas de mesures et qu’on basculait."

Les échanges se terminent sur les tests. Nouvelle position à contre-courant : on pourrait tester moins, selon les invités, "réserver les tests aux clusters, aux proches, et au second rideau", selon Yves Gaudin. Jocelyn Raude fait remarquer la façon dont le changement des comportements collectifs est davantage lié "à la médiatisation (d'un) problème qu'à son incidence, c'est à dire le nombre de décès. (...) Les comportements de prévention, dans l'utilisation des mesures barrières, suivent assez bien la médiatisation du problème."

nassira el moaddem à asi

Pour terminer l'émission, nous annonçons notre dispositif pour la saison qui s'ouvre. Nos émissions seront présentées en alternance, par Daniel Schneidermann, par notre rédactrice en chef Emmanuelle Walter, et une nouvelle recrue : la journaliste et autrice Nassira El Moaddem, que nous avions reçue plusieurs fois sur le plateau ces dernières années, notamment en qualité de directrice du Bondy blog, qui avait enquête sur la "fake news" de France 2, à propos de la mémorable affaire du bar PMU de Sevran.

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