La loi immigration, "une victoire de l'idéologie sur les faits"
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L'émission
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  • Avec
    François Héran et Vincent Tiberj et Cécile Alduy
  • Presentation
    Nassira El Moaddem
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Antoine Streiff
Offert par le vote des abonné.e.s

Il a fallu plus d'un an et demi avant que le projet de loi immigration, porté par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, soit adopté. Depuis 1980, ce sont donc 33 qui ont été votées sur le même thème. À chaque fois, la même promesse : mieux réguler les flux migratoires et mieux intégrer les étrangers. Problème : le contenu du texte issu du compromis en commission mixe paritaire du Parlement est vu, par le Rassemblement national, comme la preuve de sa victoire idéologique. Les faits lui donnent raison : remise en cause du droit du sol, préférence nationale dans la loi, durcissement du regroupement familial... Autant de mesures qui façonnent le programme du Front national historique. De quoi cette victoire idéologique est-elle le nom ? Comment la séquence médiatique à laquelle nous avons assistée nous a-t-elle amenés à ce vote ? Quelle responsabilité des médias ? Quid du travail des chercheurs censé pouvoir nous éclairer ? Trois d'entre eux ont accepté de répondre à nos questions : Cécile Alduy, sémiologue et spécialiste de l'analyse des discours politiques, professeure à l'université de Standford aux Etats-Unis, chercheuse associée au Cevipof de Sciences Po Paris ; Vincent Tiberj, sociologue, professeur des universités, spécialiste de l'analyse des comportements électoraux et des préjugés xénophobes ; François Héran, sociologue, démographe spécialiste de l'immigration, détenteur de la chaire Migrations et société au collège de France et président de l'Institut Converges Migrations.

"La victoire idéologique, une manipulation purement théorique"

À peine la loi immigration adoptée à l'Assemblée nationale avec notamment les voix du Rassemblement national, les cadres de ce dernier n'ont cessé de crier victoire. "Une victoire idéologique", précisent-ils devant les micros dans un élément de langage parfaitement coordonné. "Il y a un arrière plan, cette idée tirée de Gramsci que les victoires idéologiques précèdent les victoires politiques, décrypte Cécile Alduy. C'est un axiome prêt à l'emploi qu'utilise le Front national depuis les années 80 à chaque élection. Quel que soit le score, c'est une victoire idéologique [...] C'est un narratif d'une sorte d'ascension irrépressible du Front national".

Sondages sur l'immigration : des "questions biaisées"

"Les Français veulent ce texte", "Les Français demandent cette loi", "Nous avons un mandat des Français" : autant de formulations utilisées par le gouvernement, sa majorité, la droite et l'extrême droite pour donner une légitimité populaire à la loi immigration. Cécile Alduy rappelle que "le dernier mandat qui a été donné c'était à Emmanuel Macron pour faire barrage au Front national en 2022. Je ne crois pas que dans ce cadre-là la demande était une loi sécuritaire comme celle qui vient d'être votée et qui stigmatise les étrangers. Ce qui est très intéressant, c'est cette idée que les Français demandent. Ce n'est pas vrai ! On demande aux Français, on pose dans des sondages des questions biaisées du type : «est-ce qu'il y a trop d'immigrés ?» [...] Ce ne sont pas les Français qui demandent. L'immigration, dans les cinq dernières années, n'a jamais été la priorité principale des Français sauf pour les électeurs du Rassemblement national".

"A force de vouloir maitriser les flux, on retarde l'intégration"

Le projet de loi porté par Gérald Darmanin indiquait dans son intitulé deux objectifs : une maîtrise de l'immigration et une meilleure intégration. Que reste-t-il de ce deuxième volet ? "À force de vouloir maîtriser les flux, on retarde l'intégration, analyse François Héran. Un très grand nombre de mesures a pour principe de réduire l'intégration. Pour le regroupement familial, il faudra par exemple attendre non plus 18 mois mais 24 mois. Qu'est ce que cela ajoute de séparer les conjoints, les parents des enfants six mois de plus ? [...] Autre exemple avec des conséquences plus graves : c'est le délai nécessaire pour demander la naturalisation qui passe de cinq ans à dix ans, ce qui est une formidable régression."

Pour aller plus loin

- Le Monde résume tout ce qui a changé dans la loi immigration entre le projet initial, la version du Sénat et de l'Assemblée et celle de la CMP.
Baromètre annuel 2022 de la Commission Consultative Nationale des Droits de l'Homme (CNCDH) sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.
Leçon inaugurale de François Héran pour sa chaire Migrations et société au Collège de France. 
- Notre émission de septembre 2023 sur la situation à Lampedusa et le rôle des médias dans le débat sur l'immigration.



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